Quel nom pour les alternatives à la viande?
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Quel nom pour les alternatives à la viande ?
Le marché des alternatives végétales à la viande est en plein essor, en France, comme dans le reste du monde. Il vise, non seulement, à offrir aux végétariens la possibilité de profiter de toutes les recettes traditionnellement réalisées avec de la viande (comme les pates bolognaises, les hamburgers ou les quiches lorraines), mais aussi, et plus généralement, à permettre à tout consommateur de diversifier son alimentation et de réduire son empreinte carbone.
Mais toute innovation alimentaire s’accompagne souvent de contraintes réglementaires, et, en l’espèce, la dénomination de ces alternatives à la viande constitue actuellement une des préoccupations des acteurs de ce marché.
Conformément au règlement européen sur l’information des consommateurs[1], toute denrée alimentaire doit obligatoirement avoir une dénomination qui peut être une dénomination légale, ou si elle n’existe pas, un nom usuel, ou enfin, si un tel nom n’existe pas, un nom descriptif.
Les produits végétaux se heurtent, en France, à cette question de la dénomination.
En effet, le législateur a introduit, dès 2020, dans le Code de la consommation, un article L.412-10 qui interdit que les denrées contenant des protéines végétales emploient des dénominations utilisées pour désigner les denrées alimentaires d'origine animale. L’application de ce texte restait toutefois subordonnée à la publication d’un décret, notamment afin de fixer la part de protéines végétales concernée.
Celui-ci a finalement été publié le 29 juin 2022 – soit plus de deux ans après l’adoption de la loi – et précise qu’à compter du 1er octobre « il est interdit d'utiliser, pour désigner un produit transformé contenant des protéines végétales 1° Une dénomination légale pour laquelle aucun ajout de protéines végétales n'est prévu par les règles définissant la composition de la denrée alimentaire concernée ; 2° Une dénomination faisant référence aux noms des espèces et groupes d'espèces animales, à la morphologie ou à l'anatomie animale ; 3° Une dénomination utilisant la terminologie spécifique de la boucherie, de la charcuterie ou de la poissonnerie ; 4° Une dénomination d'une denrée alimentaire d'origine animale représentative des usages commerciaux. » [2]
Face à l’étendue de cette interdiction, confirmée par un décret que beaucoup pensaient ne jamais voir publié, et à la difficulté d’imaginer, dans le court laps de temps laissé, un nouveau vocable végétal complet, les acteurs de la filière ont été pris de panique.
Aussi l’association Protéines France a demandé, en référé, une suspension de l’application dudit décret, à laquelle le Conseil d’Etat a fait droit, par une ordonnance du 27 juillet 2022, aux motifs qu’ « en se bornant à faire valoir l'objectif d'information des consommateurs poursuivi par le décret contesté, alors que celui-ci, pris deux ans après la loi dont il entend assurer l’application, vient modifier des pratiques établies de longue date, l'administration n'établit pas d'urgence s'attachant à un intérêt public imposant l'exécution de la mesure. »
Ce sursis accordé aux opérateurs de la filière semble légitime tant les dénominations telles que « steak végétal » ou « saucisses végétales » sont descriptives et permettent simplement de répondre à leur obligation de fournir au consommateur toutes les informations lui permettant de faire un choix éclairé.
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C’est d’ailleurs un des arguments qui a convaincu le Conseil d’Etat, qui a reconnu que « certains au moins des termes que le décret, tel qu’interprété par l’administration, entendrait interdire, pourraient correspondre à de tels noms usuels, ou à défaut, noms descriptifs. »
En effet, une boulette n’est autre qu’une « petite boule façonnée à la main » et le nugget, une « croquette panée et frite. » [3]
Bien que seul un jugement sur le fond permettra de déterminer si le décret est définitivement annulé, pour l’heure (et pour plusieurs années), nous pourrons encore trouver des saucisses végétales dans les rayons de supermarchés.
La tentative de la France reste, à ce jour, un cas isolé. Ces dénominations ne sont interdites, ni dans les autres États membres, ni au niveau européen, et ce, malgré une tentative d’amendement du Parlement européen en 2019 dans le cadre de la réforme de la Politique Agricole Commune.[4]
En conclusion, il serait souhaitable que les filières apprennent à cohabiter et que les innovations ne soient pas systématiquement perçues comme des tentatives de parasiter les produits plus traditionnels.
Un autre débat ou…combat se profile : celui de la viande dite cellulaire. Bien qu'elle ne soit pas même autorisée, il faut s’attendre à ce que les dénominations « viande cellulaire » ou « viande cultivée » rencontrent des résistances plus vives encore que la « viande végétale » ....
[1] Règlement (UE) n°1169/2011 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 concernant l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires, modifiant les règlements (CE) n o 1924/2006 et (CE) n° 1925/2006 du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 87/250/CEE de la Commission, la directive 90/496/CEE du Conseil, la directive 1999/10/CE de la Commission, la directive 2000/13/CE du Parlement européen et du Conseil, les directives 2002/67/CE et 2008/5/CE de la Commission et le règlement (CE) n°608/2004 de la Commission
[2] Décret n° 2022-947 du 29 juin 2022 relatif à l'utilisation de certaines dénominations employées pour désigner des denrées comportant des protéines végétales
[3] Définition du Robert en ligne
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2 ansmerci pour cette article