Affichage nutritionnel: la Commission européenne va-t-elle renoncer?

Affichage nutritionnel: la Commission européenne va-t-elle renoncer?

 

Paru dans Les Marchés du mois de juillet/août 2023

Affichage nutritionnel :  la Commission européenne va-t-elle renoncer ? 

Malgré l’annonce, par la Commission européenne, il y a plus de 3 ans, d’une révision imminente des règles relatives à l’étiquetage nutritionnelle, sur la face avant de l’emballage, par l’introduction d’un système unique harmonisé d’affichage nutritionnel, la publication de cette initiative est sans cesse repoussée.

En parallèle, les Etats membres multiplient les initiatives nationales, rendant ce sujet de plus en plus brulant, tant pour les opérateurs alimentaires que pour les consommateurs.

Il convient de rappeler qu’au sein de l’Union européenne, l'information nutritionnelle sur la face avant de l'emballage, n'est pas obligatoire. Selon les dispositions du règlement européen sur l'information des consommateurs[1] (INCO), seules les déclarations nutritionnelles à l'arrière de l'emballage des denrées préemballées sont obligatoires.

Toutefois, l’article 33 prévoit que la valeur énergétique ou la valeur énergétique et quantité de graisses, d’acides gras saturés, de sucres peuvent être exprimées par portion et/ou par unité de consommation facilement reconnaissable par les consommateurs. L’article 35, quant à lui, précise que ces informations peuvent présenter au moyen de graphiques ou symboles, à condition, notamment, qu’elles soient étayées par des éléments scientifiquement valides et qu’elles facilitent la compréhension du consommateur.

 Certains États membres ont rapidement profité de cette liberté, pour développer leur propre système d’affichage nutritionnel. A ce jour, il existe 7 systèmes différents d’étiquetage volontaire au sein de l’Union européenne.[2]

Mais le Nutri-Score est le plus communément utilisé, puisque, depuis son introduction, en France, en 2017, la Belgique, l’Allemagne, le Luxembourg, les Pays-Bas, l’Espagne et la Suisse l’ont adopté.

Ce système repose sur une échelle de 5 couleurs, associée à des lettres, allant du vert foncé à l’orange foncé, et de A à E. Le logo est octroyé aux denrées alimentaires en fonction d’un score calculé par un algorithme qui prend en compte les nutriments à favoriser et ceux à limiter, pour 100g ou 100ml.

Il est, cependant, à parfaire.

Aussi, le 30 mars dernier, les recommandations du comité scientifique du Nutri-Score,[3] visant à modifier l’algorithme pour le calcul du Nutri-Score des boissons, ont été adoptées.

Désormais, les boissons végétales seront incluses dans cet algorithme, et les lait écrémés et demi-écrémés auront une meilleure note que les laits entiers, qui contiennent plus de matières grasses. En outre, l’utilisation d’édulcorants dans les boissons, sera sanctionnée plus sévèrement, afin d’encourager à limiter leur utilisation. La classification des jus de fruits et smoothies, jugé adéquate, devrait, quant à elle, rester inchangée.

Les pays utilisant le Nutri-Score peuvent, d’ores et déjà, entamer les démarches pour adopter le nouvel algorithme (bien qu’ils aient jusqu’en 2026 pour le faire).

En 2022, il avait déjà été modifié pour mieux prendre en compte la présence de fibres, les poissons gras ou les huiles avec une faible teneur en graisses saturées, dans les produits alimentaires.

Mais les critiques restent vives quant au fait que l’algorithme du Nutri-Score ne tient pas compte des additifs, des pesticides, ou du degré de transformation des aliments, et qu’il se base sur une quantité standard. Cela explique la réticence de certains Etats membres, à le voir adopté comme système européen obligatoire.

L’Italie, par exemple, estime que le Nutri-Score défavorise ses produits emblématiques, tels que le jambon de Parme, ou le fromage. Ainsi, elle utilise le « Nutrinform Battery », qui ne se base par sur 100g ou ml, mais sur une portion unique. L’Autorité de la concurrence italienne a même estimé que l’utilisation du Nutri-Score pouvait constituer une pratique commerciale déloyale. Le Nutri-Score est, même, interdit en Roumanie depuis le 1er mai 2023. [4]

L’introduction d’un affichage nutritionnel harmonisé et obligatoire au niveau européen, semble, donc, urgente. Certes, les nombreux débats actuels démontrent la difficulté de l’exercice, voire sa politisation, mais une telle fragmentation du marché européen, ne saurait perdurer.

Ce ne sera tout de même pas la 1ère fois que la Commission européenne aura à trancher dans le vif, pour mettre un terme à des divergences nationales : c’est même son rôle ….


[1] Règlement (UE) n° 1169/2011 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 concernant l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires

[2] Il y a donc le Nutri-Score, le logo Keyhole (Suède, Danemark et Lituanie), le symbole du cœur (Finlande), logo slovène "Little Heart", le logo croate "Healthy Living", le système Traffic Light irlandais et le NutrInform Battery en Italie

[3] Ce comité scientifique, dont le mandat est de fournir un avis indépendant sur une éventuelle mise à jour de l'algorithme actuel du Nutri-Score et sur les preuves scientifiques qui sous-tendent l'impact du Nutri-Score sur la santé, a été établi par les pays utilisateurs du Nutri-Score

[4] Même en France, certains producteurs de fromage critiquent l’algorithme du Nutri-Score



Identifiez-vous pour afficher ou ajouter un commentaire

Autres pages consultées

Explorer les sujets