QUEL SENS DONNERONS-NOUS A LA JOURNEE DE LA FEMME DE 2020?

QUEL SENS DONNERONS-NOUS A LA JOURNEE DE LA FEMME DE 2020?

By Iselle Akwoue

Alors que je’ clôturais’ mon téléphone hier soir avec une photo du 56e anniversaire de Michelle Obama, je repensais aussi à toutes ces femmes qui m’inspirent chez moi, au Gabon. Pour la plupart, des femmes inconnues des objectifs et des masses, mais qui bâtissent notre pays à la sueur de leurs fronts, des callosités de leurs mains, des élans de leurs cœurs et de la force de leurs consciences.

Je pensais à Patricia, à ces femmes qui s’offrent bénévolement, chaque jour, aux orphelinats dont les besoins crient à l’aide depuis les neuf provinces.

Je pensais à Elvire, qui encourage tous les jours des adolescents pour qu’ils excellent dans leurs études, et repasse le bulletin scolaire de chacun d’eux depuis le début de la semaine afin d’identifier les matières à problème, les plans d’actions, les zones d’encouragement, priant sans relâche pour nos enfants.

Je pensais aussi à Ariane, dont la détermination et la constance lui ont permis d’aller au-delà de son travail comme comptable au sein d’une compagnie de la place et de lancer sa propre plantation agricole, qui a réussi dans le contexte économique à donner de l’emploi en moins de deux ans à plus d’une dizaine de personnes, et donc de nourrir dix familles chaque mois.

Je pensais à Salomé qui organise avec des médecins volontaires, des caravanes médicales à l’intérieur du pays pour atteindre les plus démunis et soigner les corps et les coeurs.

Je pensais à la Fondation Louise lancée par Vanessa, qui dans un formidable élan d’héritage, sensibilise sur la maladie peu connue qu'est la drépanocytose, dont sa mère était atteinte.

Et à bien d’autres encore… Je repassais dans ma tête les scènes de tout ce que la femme vit encore dans ce siècle. Nous sommes à moins de deux mois de la Journée de la Femme gabonaise, s’ensuivra la journée des droits de la femme internationale. Ici et là, sans trop s’approprier ces dates, on se lance dans l’organisation, avec un arrière-goût de déjà-vu.

Quel sens voulons-nous donner à la journée de la femme ? Est-ce juste un jour comme la fête des mères, où nous voulons être célébrées ?

Sera-ce un jour de repos, où nous prendrons le temps de marquer une pause dans un emploi du temps sans cesse surchargé, durant lequel nous pourrons nous retrouver autour de petits fours ?

 Sera-ce un jour d’activité physique, ou de développement personnel?

Ce peut être cela, et bien plus.

Cette journée est bien plus que l’occasion de nous offrir un temps de pause, un bouquet et des citations. Nous valons bien plus que de l’herbe et de l’encre.

Nous devons d’abord, nous-mêmes, nous poser la question: Les hommes n’ont pas leur journée, méritons-nous la notre ? Et si oui, qu’en faisons-nous ?

Je prie pour que nos cerveaux, nos âmes et nos intelligences aient le courage de creuser au-delà des sujets que nous retrouvons depuis bientôt dix ans dans chaque conférence, séminaire et workshop organisés à travers le continent.

Que 2020 ne soit pas la décennie de milliers de femmes qui posent pour les photographes sous l’emprise du mythe idolâtre d’une power woman, alors qu’au fond de nos nuits, bien des zones d’ombres demeurent dans son estime de soi et sa vraie position dans la société. Que cette décennie ne soit pas celle de centaines de plateformes où les femmes ne parleront que de comment repasser le linge, se maquiller et se marier, pendant que le continent a cruellement besoin de femmes qui occupent des positions clés en étant acteurs majeurs dans les métiers. Que ce ne soit pas seulement la décennie de femmes dites d’impact qui en réalité expriment par leur voix ce que les dictats de la société et le souffle des plus forts leur infusent.

Que 2020 ne soit pas une décennie de division où chacune veut donner un sens à sa vie en de désolidarisant chaque fois plus de ses sœurs africaines, montrer au monde notre image qui n’est parfois qu’un mirage cachant des malaises qui perdurent depuis des âges.

Je prie que ce ne soit plus une décennie où j’entendrai encore ma fille me dire ‘Maman, il y a plus de femmes que d’hommes dans le monde, alors pourquoi y-a-t-il moins de filles que de garçons à l’école ?’

Que 2020 ne soit pas une décennie où nous continuons seulement de reproduire seulement avec 20 ans de retard tout ce qui s’organise déjà en Occident.

Sera-ce aussi la journée des milliers de femmes qui ont besoin d’être formées à de petites activités pour sortir de la précarité et générer un revenu à leurs foyers ?

La journée de la femme sera-t-elle une journée pour ces femmes qui ne trouvent pas réellement de réponses adaptées à la réalité de leurs défis de tous les jours sur le milieu du travail? Sera-ce une réponse à leur besoin de s’épanouir dans leur conscience, de prendre confiance dès leur enfance et de se découvrir en essence avant d’apprendre à servir le monde et ses incessantes exigences?

Sera-ce peut-être une journée de forum de métiers, pour un continent qui est affamé pour les prochaines années une vagues d'ingénieures agronomes, en télécommunication, énergies renouvelables, de planteuses, d'ingénieures forage et réservoir, de géologues, de personnel de santé, de personnel spécialisé en soins gérontologiques pour une population vieillissante, d'éleveuses, de techniciennes des métiers du bois, de pétrophysiciennes, d'ingénieures- mécaniciennes machines tournantes, de vendeuses locales au marché, etc...

Sera-ce aussi la journée des milliers de jeunes filles qui passent sous silence depuis des années la torture des abus sexuels qui leur arrachent encore des cris la nuit?

Sera-ce la journée des veuves spoliées et des femmes qui vivent conjugalement sans connaître ni pratiquer leurs droits ?

Sera-ce une journée où nous verrons des mères la consacrer à rebâtir la complicité avec leurs filles parfois perdues dans le tourment des vices de cette jeune génération ?

Sera-ce peut-être une journée ou, ne se limitant pas à dire à une femme stérile qu’elle enfantera, nous partagerons les informations pour permettre aux mères en potentiel de cette nation d’adopter les milliers d’enfants assoiffés d’amour qui nous appellent à travers la nation ?

Que la Journée de la Femme de 2020 soit plus que la vision d’une seule décennie.

Je regarde ce matin encore la vidéo de Marietou Tamba, ma tendre sœur, mairesse de Pèrèrè au Bénin, qui disait l’an dernier : ‘Nous sommes des femmes africaines. La femme doit avoir le courage. La femme ne doit pas abandonner. Si nous, qui pouvons porter des grosses, à l’attente de l’accouchement, on n’a pas abandonné, le bébé est sorti ! Alors nous aussi , on doit aller jusqu’au bout!

PUSH!

Vous savez pourquoi nous aimons porter des foulards ?

Parce que ce sont nos couronnes.

La poétesse sud-africaine Kgotshatso Maditse sur la photo, dit qu’ils sont 'la célébration de sa liberté d’exprimer pleinement qui elle est vraiment'.

N'est-ce pas là le commencement d'un beau thème...?

Ajustez-moi vos couronnes.

Iselle Akwoue

Identifiez-vous pour afficher ou ajouter un commentaire

Autres pages consultées

Explorer les sujets