Quel type d’investisseur êtes-vous ? (Step one)
Le processus d’investissement est une démarche personnelle avant d’être un processus financier. Au vu des enjeux de la finance, l’investissement dans son ensemble a fini par être appréhendé comme un processus complet sujet à rationalisation et optimisation, à un point tel que l’investisseur doit désormais être amené à rationaliser sa réflexion financière et son comportement financier.
Pour y parvenir, il est nécessaire avant tout d’analyser son profil d’investissement (l’investisseur doit se connaître lui-même avant d’investir). Généralement, cette obligation est remplie par les sociétés comme des banques ou des sociétés financières. En effet, en Europe l'obligation de définir le profil des investisseurs avant de leur fournir une solution d’investissement est un principe prévu dans une directive européenne dite directive MiFID II. Cette obligation ne doit pas être confondue avec celle relative à la connaissance des clients (Know your costumer, KYC) qui est une obligation de conformité réalisée par la connaissance de l’identité juridique des clients et de la provenance des fonds investis).
Le profil d’investissement est donc une connaissance essentielle aussi déterminante que l’investissement lui-même, l’investissement n’étant approprié que pour un profil d’investissement spécifique.
Il est donc nécessaire de connaître la nature de son profil avant même de commencer tout investissement. La détermination du profil d’investissement est généralement prévue dans un document appelé politique d’investissement créant le cadre juridique et financier de la méthode d’investissement (objectifs financiers, profil de risque, actifs éligibles, définition des benchmarks et évaluation des performances, etc.).
Bien que l’on puisse soutenir que chaque profil d’investissement est spécifique à chaque investisseur et, dès lors, unique, la littérature répartit généralement en fonction de deux paramètres récurrents les investisseurs en 4 catégories.
Le premier paramètre est la tolérance au risque composée de la volonté de l’investisseur à vouloir investir de façon risquée et sa capacité à le faire. Ce paramètre est le plus souvent évalué à l’aune des ressources propres de l’investisseur et de ses besoins en liquidité. De façon simplifiée, une personne disposant d’un patrimoine élevé, prête à ne pas utiliser son argent immédiatement et désirant investir de façon risquée sera classifiée dans la catégorie des investisseurs possédant une haute tolérance au risque. A l’opposé, une personne disposant de faibles ressources, devant faire face à des besoins en liquidité récurrents et désirant avoir une approche très conservatrice sera classifiée dans la catégorie des investisseurs possédant une faible tolérance au risque.
En deuxième lieu, le second paramètre peut différer mais il se rapproche plus ou moins de la nature du comportement de l’investisseur. Par exemple, l’investisseur est-il impulsif, est-il prudent ?
Sans rentrer dans les débats sur la classification, nous retiendrons qu’un investisseur peut être inclus dans les 4 catégories suivantes telles que présentées par Bailard, Biehl et Kaiser (modèle BB&K) (bien d'autres types et méthodologies de classifications existent).
A l’aide de ce tableau, il est possible de se projeter dans une catégorie, parfois plusieurs, même si les catégories sont généralement mutuellement exclusives.
Pour exemple, une personne qui se qualifierait de bon père de famille disposant d’un patrimoine confortable avec une aurait une faible tolérance au risque et qui serait prudente entrerait dans la catégorie dite Guardian. Cet investisseur favorisera les investissements liquides et peu/moyennement rémunérateurs (les dépôts bancaires, obligations d’Etat, en diversifiant notamment par des investiments immobiliers directs, évitant les actions [sauf conditions particulières comme un régime fiscal favorable – cas d’une assurance vie]).
En revanche, un jeune financier, investisseur dans des crypto assets serait qualifié d’Adventurer. Ce profil possède une haute tolérance au risque. En conséquence, les gains sont généralement élevés mais le risque aussi. Ce type d’investisseur établit généralement des positions concentrées dans des actifs risqués (actions peu diversifiées, actif alternatifs, dérivés actions et commodities).
La méthodologie à appliquer pour connaître son profil d’investissement peut être définie comme suit :
Déterminer sa tolérance au risque :
- capacité à prendre le risque : connaître le niveau de ses ressources (ce processus peut être plus ou moins complexe) ; et
- volonté de prendre le risque : estimer sa volonté à vouloir être exposé au risque.
Certains critères peuvent être ajoutés pour une approche plus fine notamment les besoins en liquidité (exemple l’achat, horizon de 2 ans, d’un bien immobilier mobilisant l’ensemble du cash disponible notamment une partie des investissements en cours).
Déterminer la nature de la personne face à l’investissement :
- prudente ; et
- impulsive.
D’autres méthodes définissent d’autres critères qu’impulsif et prudent. Nous ne détaillerons pas plus ici le bien-fondé de ces critères.
Une fois les catégories trouvées, il est alors possible de déterminer la catégorie parmi celles définies dans le modèle correspondant au profil de l’investisseur. Chacune des catégories possède, en statistique d’après les différentes études menées, des comportements récurrents et particulièrement significatifs, le plus souvent propres à chacune des catégories.
Pour exemple, pour une vision plus détaillé des profils Adventurer, il appert que ces profils ont en moyenne une tendance à avoir une forte activité de trading, réduisant les gains par les coûts de transactions. Ils sont aussi caractérisés par certains biais comportementaux financiers qui sont révélateurs d’une certaine stratégie de trading comme la concentration des positions dans des actifs risqués, une faible diversification/forte corrélation des actifs, une tendance à surestimer les gains et à minimiser les risques (exemple d’un successful business man ayant à la fois une entreprise dans le secteur immobilier, qui détient aussi des actions dans des sociétés cotées immobilières, et qui possède une résidence principale et une résidence secondaire – les positions étant très concentrées dans le secteur de l’immobilier, il n’y a pas de diversification par secteur de marché, les actions dans le secteur de l’immobilier ont une grande corrélation avec la valeur d’equity de l’entreprise dans le secteur de l’immobilier, en cas de chute du marché toutes les valeurs chuteront en même temps).
Il existe plusieurs caractéristiques pour chacune des catégories. Chacune de ces caractéristiques entraîne une mauvaise gestion du portefeuille d’un investisseur dit « rationnel » et il est donc nécessaire de les supprimer, si possible, ou de les atténuer dans les autres cas. Plusieurs solutions existent pour y parvenir, et peuvent être intégrées dans une certaine mesure dans la politique d’investissement une fois analysées.
Essayez désormais de déterminer quel type d’investisseur vous êtes, vous pourrez ainsi déterminer plus facilement les biais dont vous êtes potentiellement affectés (confirmation biais, anchoring biais, disposal effect biais, overconfidence biais, illusion of control biais, representatieness biais, self-attribution biais, et bien d’autres) et pourrez alors tenter de les corriger (selon diverses méthodologies, applicables de façon différente selon le profil des investisseurs). Ce procédé doit-être effectué de préférence tous les ans et à chaque changement significatif dans la vie de l’investisseur (financier ou non).
Nous étudierons dans un prochain article, la catégorisation des biais et leurs conséquences sur le processus d'investissement.
Jérôme BLANCHET
SCALE FUSE
Quality Review - Compliance Controller Senior chez Natixis
6 ansMerci beaucoup Pascal.
Administrateur Association ESLSCA-Alumni chez Association ESLSCA-Alumni
6 ansUn très bel apport de notre Ami "Jérôme Blanchet Promo 2016"