Quelle différence peut faire un prototype réalisé intelligemment ?

Quelle différence peut faire un prototype réalisé intelligemment ?

Au lendemain d’un confinement généralisé dans le monde entier, les relations qu’entretiennent les entreprises européennes avec les industriels chinois se sont compliquées. En effet, les restrictions de voyage et l’incertitude du futur sont devenues des problématiques majeures pour les entreprises dont les partenaires industriels chinois sont cruciaux. Ainsi, une entreprise qui veut réaliser des prototypes avec des industriels en Chine se doit de le faire intelligemment en bénéficiant d’un appui local afin que son projet réussisse.


Incarner ses services dans un produit physique

En 2019, XE Live, une PME danoise spécialisée dans le développement de plateformes streaming, est consultée par un client sur la façon de renouveler l’expérience vidéo dans la diffusion des événements sportifs. La société, assistée par un studio DeepTech, étudie le sujet en tenant compte des antériorités et en vient à la conclusion que seule l’installation d’équipements adaptés au terrain permettra la mise en œuvre de certaines applications qu’offrent l’IA (statistique ou différenciative) et la réalité augmentée.

Une fois l’étude du projet commencée, des designers conçoivent l’aspect extérieur du produit jusqu’à obtenir un modèle 3D détaillé. Pour passer à la fabrication, ils entrent ensuite en contact avec des partenaires industriels, qui proposent chacun de réaliser une partie du produit. C’est ainsi que pour des raisons stratégiques, la région de Shenzhen est choisie, car elle permet d’avoir les partenaires à proximité des uns et des autres. Quelques visites et l’appui de nos consultants auront suffi à mettre en place la chaîne d’approvisionnement et à assembler le produit dans un lieu sous contrôle, protégeant ainsi les intérêts de la PME.

En conséquence, la société parvint à livrer son produit à une période où très peu en étaient capables. Leur premier prototype était une preuve de concept, mais aussi une préparation à la production, qui leur a permis ensuite de déployer leurs services de streaming dans des lieux où seuls leurs équipements étaient présents. D’un point de vue opérationnel, ils ont su créer un lien privilégié avec le bureau de Shenzhen, capable de produire de nouvelles versions en un temps réduit.


Le biais du survivant

Dans la réalisation d’un prototype en Chine, trois grandes problématiques surviennent: une problématique technique, une autre d’ordre administratif, et enfin un risque stratégique. Il est important de prendre ces trois aspects en compte pour que le projet réussisse.

D’une part, il existe une problématique d’ordre technique. Ainsi, le premier réflexe est de s'adresser à des fournisseurs fabriquant un produit similaire au sien, et répertoriés sur les plates-formes web internationales, limitant dans une certaine mesure les problèmes linguistiques et d'accès réseau. Généralement, peu acceptent car l'intégration système représente un temps de développement plein d'imprévus qu'ils ne rentabiliseront pas toujours. Il est alors possible de s'adresser à des fournisseurs de matière brute, cependant leurs champs de compétences sont plus restreints et ils exigent des commandes plus importantes. C'est pourquoi la solution la plus adaptée, pour éviter ces problèmes techniques, est de recruter du personnel local.

C'est alors que les problèmes administratifs peuvent survenir. Dans beaucoup de pays, les travailleurs indépendants constituent une solution simple et efficace pour trouver des personnes qualifiées et disponibles pour une courte durée. Cependant, en Chine, les freelancers sont en fait des employés à temps plein, assurant une activité secondaire les soirs et week-ends, afin de toucher un revenu supplémentaire, ce qui ne permet pas une implication significative. Une des solutions est alors d'ouvrir une WOFE (Wholly Owned Foreign Enterprise - société détenue entièrement par des fonds étrangers), ce que certains arrivent à réaliser à condition d'être sur place, et d'avoir des contacts chinois de confiance pour la responsabilité du compte bancaire professionnel. Il faut ensuite recruter du personnel et se conformer dans des délais parfois courts à des demandes provenant de l’administration, ce qui complique une gestion à distance.

Pour finir, il faut être conscient des risques d'ordre stratégique. Un exemple est celui du choix du lieu d’assemblage final, car il regroupe souvent les matériels et les données les plus sensibles. Même des sociétés ayant déjà transposé un brevet en Chine peuvent se trouver en difficulté, tandis que d’autres, comme nous le rappelle le cas de Danone, prennent le risque de voir apparaître des canaux de distribution parallèles. Il est donc primordial de considérer en avance les recours possibles, car si les paiements à des fournisseurs sont en général irrécupérables depuis l'étranger, un partenaire local peut en revanche espérer l'appui des autorités chinoises, particulièrement efficaces dans la gestion des conflits commerciaux, afin d'obtenir compensation.


Soutien local : Élément central pour la réussite d’un projet

La fabrication d’un produit en Chine peut devenir un véritable parcours du combattant si l’on ne connaît pas les problématiques qui peuvent y survenir en avance. De plus, ces problèmes arrivent souvent en fin de projet, lorsqu’il n’est plus possible de faire marche arrière. Heureusement, il est possible d'y répondre assez rapidement, à condition de bénéficier d'un soutien local.

Jean-Louis Bonnaffé - Accompagnement en prototypage en lien avec la Chine


Remerciements

J'aimerais tout particulièrement remercier les personnes suivantes, qui ont contribué à la rédaction de cet article en me confiant leurs témoignages, qui nécessiteront bien d'autres articles pour être entièrement restitués:

Didier Guiraud, CEO de SENSeOR (spécialiste du monitoring en température et décharge partielle en distribution moyenne tension) pour avoir partagé son expérience vis-à-vis des équipements connectés et des partenaires industriels chinois

Olivier de la Fargue, PDG de Studia, entreprise spécialisée dans la dématérialisation documentaire

Laurent Lacqua, CEO de The Virtual Propaganders, dont l’ambition est de révolutionner l’éducation et la communication par la réalité virtuelle

David Leblanc, auteur de Smart World et conférencier, qui a partagé sa vision éclairée des tendances dans le domaine de l'IoT

Benjamin Savignac, président de l'agence digitale ACCOINTANCE, qui a pu témoigner sur les tendances actuelles dans les développements web en 2020

Grégory Robin, ingénieur en propriété intellectuelle à l'IRT Jules Verne, et à consulter pour les recherches d'antériorités en amont de tout projet innovant

Nathalie Grynwald, présidente de Nomia Conseils, qui développe une activité en propriété industrielle dans la région de Nice

Jean-Pierre Malle, pour son regard sur l'étendue des applications de l'IA, en particulier des techniques différenciatives dont il est expert (cf JPMalle.info), ainsi que Laetitia Audouin et Alexandre du Sordet avec qui il a co-fondé Cleverm8

Thomas Lafosse, qui fédère les Makers en région Pays de la Loire, autour de son Fablab TA LEME

Patrick Maïore, Géomètre-Expert Foncier et fondateur de e-Cassini, qui développe des solutions web d'exploitation de données 3D

Fabien Dechery et Antonio Andriatrimoson, fondateurs de Cognitive Atlas, studio "Deep Tech" à la frontière entre recherche et développements industriels

Hervé Bertarione, Designer et professeur en Design et Arts-Appliqués au sein de La Grande Tourrache, connaisseur des problématiques dans les échanges avec les industriels chinois

Antoine Rondeau, ingénieur et fondateur de ANRON / MACKOMZS, qui innove dans le domaine de l’électroacoustique dont il est expert

Axel Schindlbeck, designer produit et fin connaisseur de Shenzhen

Stéphane Masson, fondateur de Picodev à Aix-en-Provence, qui développe une activité de prototypage de systèmes embarqués

Jacques Liu, dont la longue expérience de la Chine m’a beaucoup apporté dans la rédaction de cet article

Guillaume Rouffiac, de Netnco, expert en digitalisation et industrie 4.0


David Leblanc

Head of Product Marketplace @ Dassault Systèmes Outscale ● Digital, Innovation, Management, Cloud, Transformation ● Blogger @ Product Whys

4 ans

Merci Jean-Louis pour cet article de qualité

👏 Merci Jean-Louis pour cet article de belle facture qui parvient très clairement à mettre à jour les différences culturelles et la nécessité d'être accompagné dans sa démarche de production.

Antonio ANDRIATRIMOSON, Phd

Co-fondateur - CEO @ InnovAnalyse | Co-fondateur - CTO @ Cognitive Atlas

4 ans

On comprend aisement l'interet de ton savoir-faire et de ton reseau Jean-Louis Bonnaffé en lisant cet article. Effectivement, ce n’est ni la même culture ni les mêmes méthodes de travail. Il faut assurer un suivi sur place des developpements pour pallier a toutes ces contraintes.

Jean Pierre MALLE

Expert en IA différenciative et psychologie cognitive

4 ans

Merci Jean-Louis pour cet excellent article qui positionne bien les avantages et contraintes actuelles du prototypage et de la production en chine. Et donc la nécessité de faire appel à une personne efficace sur place pour sécuriser les projets, comme tu le fais si bien.

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