Quelles clés pour une évolutivité durable du système d’information ?
260 millions d'abonnés à travers le monde, tel est le résultat de la croissance quasi continue de Netflix à la fin de l'année 2023. Un succès qui nécessite de gérer un flot incessant de flux vidéo qui se chiffrent en millions tout en apportant une amélioration significative de l’expérience utilisateur et en préservant un niveau de complexité du système d’information acceptable.
De fait, comme Google, Amazon, Facebook ou encore Microsoft, en tant que précurseur sur son secteur d’activité, Netflix n'a d'autre choix que de maintenir un niveau d’innovation soutenu pour garantir à son système d'information l'évolutivité nécessaire au soutien de la croissance de ses activités.
À l'instar de ces géants de la tech, l'idée d'une nécessaire évolutivité infinie du système d'information, c’est-à-dire une capacité à ce qu’il s'adapte aux changements de son environnement, qu'il s'agisse d'une augmentation du nombre d'utilisateurs, du volume de données traitées ou de l'émergence de nouveaux besoins métiers*, hante de nombreux architectes et dirigeants. Mais sa quête est-elle réellement raisonnable ? L’approche recherche et développement des GAFAM n’étant pas transposable à toutes les organisations, la technologie disponible peut-elle garantir à elle seule cette évolutivité infinie, ou, au contraire, l’atteindre nécessite-t-il une approche plus globale associant innovation technologique, culture numérique et excellence opérationnelle ?
* Un système d’information évolutif est capable de répondre à ces changements de manière flexible et efficace, sans compromettre sa stabilité, sa sécurité, ni ses performances techniques et opérationnelles.
L’innovation technologique
Conscients que l'hypercroissance de leurs activités menace leur système d'information tout entier, les géants de la tech déploient des stratégies sophistiquées s’appuyant notamment sur l'adoption de solutions technologiques issues d’investissements massifs en recherche et développement.
Ainsi, confronté à la complexité de ses services, Netflix développe Atlas, un outil de supervision permettant une meilleure compréhension et une résolution proactive des problèmes. De son côté, Google conçoit des protocoles de communication performants et sécurisés facilitant l’interopérabilité de ses services. Quant à Facebook, il s'illustre dans le domaine de la gestion de données à grande échelle en développant des technologies comme Apache Cassandra pour stocker et gérer des volumes massifs d'informations.
Ces acteurs, contraints par un risque de complexification exponentielle de leurs architectures techniques, ont donc pris le parti de se transformer en laboratoires d'innovation visant à concilier performance et simplicité et de mettre à disposition sous forme d’outils open source certains de leurs projets comme Kubernetes et Istio de Google, permettant à toute organisation y trouvant un intérêt de profiter de leurs produits.
Il parait alors tout naturel de chercher à solder la complexité émergente du système d’information via l’adoption de solutions technologiques. Pour les organisations qui ne sont pas en mesure de suivre l’exemple des GAFAM en développant leurs propres alternatives innovantes, la solution la plus accessible consiste à étudier les solutions existantes d'architectures, de plateformes et/ou d'outils afin d'identifier celles qui semblent les plus prometteuses au regard de critères de comparaison spécifiquement choisis, notamment pour ce qui relève de l’évolutivité.
Ainsi, à tort ou à raison, l’adoption d’une architecture microservices se révèle être le choix le plus souvent considéré comme particulièrement pertinent pour garantir le niveau d’évolutivité du SI recherché, en particulier dans le cas où il s’agit de faire face à une hypercroissance des activités. En effet, par son approche qui incite au découpage de systèmes complexes en modules indépendants, elle promet innocemment de nombreux avantages en matière de flexibilité comme de scalabilité et est largement considérée comme « la solution » pouvant permettre de répondre efficacement aux évolutions du besoin et de soutenir la croissance sur le long terme.
De la même façon, le cloud computing, est généralement considéré comme son complément évident lorsqu’il s’agit de garantir un niveau de flexibilité accru grâce au provisionnement de ressources informatiques à la demande et leur adaptation rapide aux changements.
Cependant, bien que l’approche recherche et développement et les technologies développées par les GAFAM semblent faire de l'innovation technologique un levier indispensable pour répondre aux problématiques de forte croissance, il serait réducteur de subordonner leur succès à cette seule dimension. En effet, d’autres facteurs, notamment culturels et organisationnels ont également contribué au soutien de leur fulgurante ascension.
Une nécessaire culture numérique
Si l'innovation technologique et l’adoption de solutions pertinentes disponibles constituent un levier indispensable pour répondre aux défis d'une croissance exponentielle, elle ne saurait suffire à elle seule. En effet, la complexification croissante des SI et l'évolution rapide des besoins métiers imposent d'aller au-delà. C'est ici qu’une certaine idée de « culture numérique » entre en jeu.
La culture numérique se traduit par un ensemble de valeurs, de comportements et de pratiques qui permettent aux organisations de s'adapter à l’émergence de nouveaux enjeux comme de profiter des opportunités. Elle se caractérise par une posture proactive et ouverte face aux transformations digitales, intégrant le numérique dans tous les aspects de l'organisation.
En adoptant une culture numérique, les entreprises peuvent soutenir l'agilité et donc l'adaptabilité. Une telle culture se traduit généralement par l'encouragement de l'innovation et de l’expérimentation, deux approches complémentaires qui permettent notamment de tester rapidement de nouvelles solutions et de s'ajuster avec flexibilité aux évolutions du contexte métier. Parallèlement à cela, la culture numérique favorise la collaboration et le partage des connaissances entre les équipes en brisant les silos organisationnels. Pour finir, cette approche collaborative permet une meilleure compréhension des besoins métiers et une prise de décision éclairée, contribuant ainsi à l'efficacité et à la pertinence des solutions IT développées.
La culture numérique place également l'utilisateur au centre du processus de développement du SI. Ainsi, les entreprises s'assurent que le SI répond à ses besoins réels et qu’il évolue en fonction de ses attentes. Cela implique de faire participer activement les utilisateurs aux différentes phases projet, selon une démarche qui vise à garantir que le SI reste pertinent sur le plan de l’opérationnalité.
Enfin, la culture numérique met l'accent sur le développement des compétences numériques des collaborateurs. En sensibilisant et formant le personnel aux enjeux du numérique, les entreprises leur permettent de s'approprier les nouvelles technologies et de contribuer activement à l'évolution du SI. Cette montée en compétences favorise une meilleure utilisation des outils numériques et stimule la créativité pour trouver des solutions innovantes aux défis rencontrés.
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C'est ainsi que la culture numérique se révèle être un facteur clé de succès pour les entreprises qui souhaitent maintenir un SI évolutif et performant sur le long terme.
Total Quality Management : Un cadre holistique
Lorsqu’il s’agit de faire face à la complexité des SI et à la nécessité d'une adaptation rapide aux changements, tous deux induits par une forte croissance des activités métier, le Total Quality Management (TQM) est à considérer en complément d’une culture numérique ancrée, autant en tant que philosophie de gestion que comme approche holistique permettant de garantir l'excellence et la pérennité du système d'information.
En effet, en se reposant sur le principe de participation active de tous les collaborateurs de l’organisation, de la direction jusqu'aux équipes opérationnelles, le Total Quality Management vise à instaurer une culture de l'amélioration continue au sein de toute l'organisation. Elle s'articule autour de quatre piliers fondamentaux.
Le TQM met l'accent sur l'identification et l'élimination des sources d'erreurs et de problèmes au sein des processus et des systèmes. Il s'agit de mener des analyses approfondies, d'utiliser des outils de diagnostic adaptés et de mettre en place des actions correctives ciblées pour garantir une qualité irréprochable des services délivrés.
Pour ce faire, le TQM Implique tous les collaborateurs de manière à renforcer leur engagement. Ainsi, il les met systématiquement au cœur de la démarche d'amélioration continue en les associant, entre autres, à la prise de décision et en les responsabilisant dans les étapes identifiées de résolution des problèmes. Enfin, il réclame de reconnaître et valoriser leurs contributions.
Totalement aligné sur les objectifs de la culture numérique pour ce qui relève de la prise d'initiative, la recherche de solutions nouvelles et performantes, et l'expérimentation de prototypes, le TQM crée un environnement propice à la valorisation de la diversité des points de vue. Ce principe est la base des organisations dites « progressistes ».
Enfin, la réussite du TQM repose sur une communication fluide et transparente entre les différentes parties prenantes. En effet, il incite fortement, lui aussi, à briser les silos organisationnels, à favoriser le partage des connaissances et des bonnes pratiques et à promouvoir une culture de collaboration transversale où chaque individu se sent responsabilisé et contributeur à l'amélioration du SI.
Finalement, l'optimisation durable de l'évolutivité du système d'information ne peut être conçue sur un seul de ces leviers. Bien au contraire, elle exige une approche globale, orchestrée autour de trois piliers fondamentaux : une gouvernance inspirée du Total Quality Management, une culture numérique profondément ancrée et un choix éclairé de solutions technologiques innovantes. Cette approche holistique doit permettre de définir une feuille de route certes ambitieuse, mais avant tout réaliste, capable de porter les aspirations de l'organisation vers un niveau d’évolutivité maîtrisée de son système d'information. Une telle évolutivité, véritable moteur d’optimisation de la mise en œuvre des processus métier, permettra à l'entreprise d'adapter en permanence cet outil qu’est le système d’information.
Pour aller plus loin
Le TQM est une démarche structurée et évolutive qui permet aux organisations de maîtriser la complexité de leur SI et d'en faire un véritable levier de performance et de croissance sur le long terme.
Son application dans le domaine du SI se traduit par la mise en œuvre de pratiques concrètes et mesurables, telles que :
L'établissement d'une démarche qualité rigoureuse pour le développement et la maintenance des solutions, en s'appuyant sur des méthodologies éprouvées comme ISO 9001 ou CMMI.
Le déploiement d'outils de suivi et de mesure de la performance du SI, permettant de piloter les actions d'amélioration et de mesurer leur impact concret.
La mise en place de processus d'amélioration continue formalisés, tels que le cycle PDCA (Plan / Planifier, Do / Faire, Check / Contrôler, Act / Agir), pour identifier les axes d'amélioration et mettre en œuvre des actions correctives.
La formation et la sensibilisation des collaborateurs aux enjeux de la qualité logicielle et aux principes du TQM, afin de les impliquer pleinement dans la démarche d'amélioration continue.