Quelles sont les mutations du travail aujourd’hui ?
Cette interrogation, c’était en filigrane le fil conducteur du 7ème Sharing Lunch organisé par Boost Us, du groupe Blacksheep Tribes. Une table de discussion entre pairs pour débattre des responsabilités des dirigeants. Résultat : des échanges très fructueux entre Diane Vandenhaute, directrice RH adjointe du Samusocial, Alex Parisel, directeur général de Partenamut, Stéphane Guisse, directeur général du Service Public de Wallonie Finances et Alain Vaessen, directeur général de la Fédération des CPAS de Wallonie.
Le Covid, révélateur et accélérateur de changements
Oui, cette période « a été révélatrice de constats souvent positifs » pour Diane Vandenhaute. Stéphane Guisse va un pas plus loin : « le Covid a permis une transition. Au SPW, en 15 jours, nous sommes parvenus à fonctionner à distance, malgré les contraintes. Deux mois après, le service, fort de 800 collaborateurs, fonctionnait à plein régime. La crise a donc accéléré la mutation managériale et pour les agents, les conditions se sont améliorées. La majorité vit mieux aujourd’hui qu’il y a trois ans ».
Même constat positif dans l’ensemble chez Partenamut. Seul bémol pour Alex Parisel, « le retour en présentiel – à cause du phénomène de la cabane – a été compliqué à gérer ». Au Samusocial, c’est chez les bénéficiaires que le gros point noir a émergé à cause de leur nombre qui augmente.
Faut-il plus de reconnaissance en cet « après Covid » ?
Pour Alex Parisel, « il y a certains métiers qui durant la crise sanitaire ont été mis en lumière. Ils étaient invisibles avant. Leur retour dans l’ombre est douloureux ». Au SPW aussi, « le Covid a permis cette mise en avant de collègues comme les agents qui numérisent les documents papiers », explique Stéphane Guisse. « Je me souviens qu’un ministre leur avait rendu visite, ce qui leur avait fait un bien fou ». « Ils sont comme la sève des arbres. Prenons donc soin d’eux également », rebondit Alex Parisel.
Il est essentiel d’éviter ce que la table a qualifié de « gueule de bois » en cette période d’après Covid. Exemple : « au SPW Finances, nous avons été innovants. Chez nous, chacun peut désormais faire un jour de télétravail. Objectif : plus d’égalité entre les agents », explique Stéphane Guisse.
Quelles sont les mutations vécues ces trois dernières années ?
Pour Alain Vaessen, tout a changé, et rapidement. « En mars 2020, nous nous sommes retrouvés à adapter des lois pour organiser le travail social. Il a fallu recevoir les allocataires via WhatsApp et modifier 134 Arrêtés en trois mois. Ce qui démontre que la machine législative est trop complexe ». En effet, « il y a trop de règles et de freins » poursuit Alex Parisel. « Il faut accélérer la simplification administrative ». Stéphane Guisse souscrit à 100% en allant un pas plus loin : « il faut remettre les collègues là où ils sont utiles. Exemple : pour rembourser une somme d’argent, nous avons simplifié les procédures. Cela a permis des gains de temps ». Enfin, au Samusocial, ce qui importe, c’est de retrouver du sens dans le travail. Pour Diane Vandenhaute, « il y a plus d’agressivité sur le terrain. Il faut donc accompagner et soutenir les collaborateurs ».
Le rythme des changements, trop rapide ?
Ce que le Covid a révélé pour le directeur de Partenamut, « c’est que les changements de tous ordres s’accélèrent et que les collaborateurs n’arrivent plus à suivre. Il faut ralentir le rythme, mettre des priorités ». Stéphane Guisse a une anecdote à ce sujet : « lors des vœux de mon administration, une collègue a pris le micro en se levant devant 600 personnes en déclarant ceci : je vous demande pour 2023 une année sans grands changements. Résultat : elle a été applaudie ». Ceci en dit long !
Pour Alain Vaessen, « les crises se succèdent. On a tellement dû assumer qu’il y a un effet de sédimentation dans le personnel et un épuisement. Mais attention, prévient-il, nous n’aurons plus jamais des années où tout va bien. Il faut donc pour moi changer le regard qu’on porte sur son travail et son organisation. À mon niveau, j’essaye de positiver au quotidien ».
Rien n’est permanent en entreprise ?
La notion de risk assessment est devenue primordiale concède les quatre invités. Il faudra dans le futur pouvoir mieux gérer les risques. Exemple avec la cybercriminalité. On sait qu’elle touchera un jour son organisation. Il faut donc pouvoir l’anticiper et investir dans la résilience. Mais est-ce possible que le changement soit permanent ? La capacité d’absorption devient compliquée pour tous. C’est l’effet de l’essoreuse.
Pour Stéphane Guisse, « demain, il faudra pouvoir recruter des personnes aptes au changement ». Alain Vaessen s’inquiète lui « du désengagement présent dans la société. Quant aux profils des futurs collaborateurs, ils devront pouvoir s’adapter à l’évolution des générations ».
Recommandé par LinkedIn
Quid de la crise climatique ? Est-elle prise en compte ?
Pour Alex Parisel, « C’est un incontournable, cela va du bilan carbone à la fresque du climat pour tous les collaborateurs ». Stéphane Guisse dit agir : « nous chauffons moins les bureaux et les espaces de travail sont moindres par rapport à avant ». « C’est trop peu du côté des CPAS », déclare de son côté Alain Vaessen. « La crise énergétique et sociale étant là, nous réalisons des économies mais pas suffisamment ». Pour Diane Vandenhaute, « nous faisons face à de nombreux enjeux… C’est donc une préoccupation parmi d’autres pour le moment ». Quant aux récentes indexations sur les salaires, leurs impacts sont réels. Les craintes pour les quatre dirigeants présents, c’est de bénéficier à terme de moins de personnel. La conséquence : moins de service à la population. Et cela, il faudra le compenser d’une manière ou d’autre autre s’accordent les directeurs présents.
« Merci la vie »
Pour terminer sur une note positive, nous avons demandé à chacun ce qu’il avait retenu personnellement de ces trois dernières années. Pour Stéphane Guisse, c’est « l’empathie que j’ai développé vis-à-vis de mes collègues ». Alex Parisel nous explique lui « avoir une confiance et un respect renforcés en ses collaborateurs face à leur engagement lors des crises ».
Diane Vandenhaute retient quant à elle, « la confiance et la solidarité que j’éprouve pour mes collègues et les bénéficiaires du Samusocial ». Alain Vaessen va même jusqu’à déclarer : « merci la vie ! J’ai une chance inouïe. Je suis assez sociable et j’ai souffert du télétravail. Je suis heureux que cette crise sanitaire soit derrière nous ».
Quid pour demain ?
Pour Diane Vandenhaute, « les deux mots clés pour le futur en tant que dirigeante sont bienveillance et tolérance. Il y en a encore chez nombre d’entre nous, il suffit juste de plus le montrer et de l’alimenter ». Stéphane Guisse croit lui en l’altruisme. « Mes agents se sont battus pendant le Covid. Ils sont de vrais résistants, je crois en eux ».
Alex Parisel se dit confiant de son côté. « j’ai plus que confiance ! C’est possible de rendre le monde meilleur. Il faut juste y aller, sans fatalisme ». Et pour conclure, Alain Vaessen déclare que « c’est l’action qui importera dans le futur. Je n’aime pas le mot « espoir », je préfère agir. On reste dans un système démocratique qui est excellent en Belgique. À nous de le faire perdurer ».
Les cosignataires :
Alex Parisel, directeur général de Partenamut.
Diane Vandenhaute, directrice RH adjointe du Samusocial.
Alain Vaessen, directeur général de la Fédération des CPAS de Wallonie.
Stéphane Guisse, directeur général du Service Public de Wallonie Finances.
Article écrit par Mathieu Baugniet, responsable communication du groupe Blacksheep Tribes