Pour que notre industrie, après la crise, ne ressemble pas à ceci,                       
                                          mais plutôt à cela
Thales Alenia Space à l'Aquila: un désastre, ... puis une reconstruction

Pour que notre industrie, après la crise, ne ressemble pas à ceci, mais plutôt à cela

Nombreux sont ceux qui ici ou là crient à l’injonction paradoxale et pointent du doigt le manque de clarté des consignes face à l’exigence de « Rester à la maison ». Allez, je l’avoue, je ne peux m’empêcher de penser que le gaulois a une propension immodérée à se plaindre du « manque d’explications » face à ce qui en fait ne lui plait guère.

C’est pourtant simple :

Les entreprises doivent en priorité absolue mettre en télétravail tous les salariés dont la fonction est compatible avec ce mode de travail. Quand cela n’est pas possible, les salariés doivent aller sur leur lieu de travail (hors les dérogations pour garde d’enfant, maladies etc.).

Je lis ou j’entends des commentaires étranges ces jours-ci: par exemple,

« Mon job n’est pas indispensable ».

Soit c’est vrai, et le propos est un peu dangereux ou pourrait au moins fournir un sujet de réflexion pendant le confinement ; soit c’est faux et c’est une version de la « quête de sens » dont tout le monde parle abondamment. Il faut donc que le management explique concrètement.

Je suis de ceux qui pensent que les métiers, tous les métiers ont leur utilité sociale - ou alors il faudrait supprimer ceux qui en manquent. Aujourd’hui les postiers sont indispensables (mais de nombreuses postes sont fermées...), les livreurs, les travailleurs sociaux, les fabricants d’emballages, les chimistes de la cosmétique – dont certains fabriquent du gel hydro-alcoolique -, les ingénieurs, les maintenanciers, les agriculteurs, les journalistes, les soudeurs, les plasturgistes, les commerciaux, les enseignants: tous sont indispensables. Et pas seulement les soignants.

Sinon, le pays s’arrête, et ne repartira pas.

Ne nous y trompons pas : nous avons un merveilleux système de santé qui n’existe et ne tient que parce qu’il y a l’économie d’un pays entier qui le porte. Et même bien au delà du pays bien sûr, puisque nous semblons découvrir que nous achetons nombre de produits y compris d’usage médical hors de France, et cela ne changera pas, sauf à la marge.

Que ce soit en télétravail ou sur site, dans les deux cas les entreprises ont des mesures à prendre :

- Pour le télétravail : adapter les ordinateurs, fournir éventuellement les quelques logiciels nécessaires, la webcam si le poste n’en n’est pas doté, et surtout renforcer leur réseau informatique et l'adapter à de nouvelles exigences de sécurité, de fiabilisation des accès, de débit. Pour les entreprises qui n’avaient pas franchi le pas bien avant, ou anticipé dès le début de la crise, il est vrai que c’est un fardeau. C’est aussi un investissement qui ne sera pas perdu, et celles qui sauront accélérer leur mutation vers un monde devenu encore plus digital à l’occasion de cette crise en seront en fait les bénéficiaires.

A titre personnel, après des opérations « pilote » positives conduites à partir de 2008-2009 en préparation à la loi Warsmann de 2012, j’ai fait systématiquement la promotion du télétravail comme un élément de la transition digitale à conduire, y compris dans l’industrie. Au passage, l’accompagnement du management est bien entendu indispensable.

Les difficultés existent : un poste de bureautique n’a pas les mêmes exigences qu’un poste de CAO. Mais avoir dans son entreprise des ingénieurs de conception capables de travailler à distance est source d’agilité et de souplesse à transformer en avantages compétitifs ultérieurs. Il faut donc investir, même dans l'urgence. Les GAFA ne s’y sont pas trompé : dès les premiers jours de la crise, elles ont recommandé à leurs salariés de prendre leur poste, leurs écrans, tout le nécessaire dans leur voiture et de se mettre en Home Office, une habitude bien plus naturelle aux anglo-saxons qu’à nous autres, peuples latins.

Bien sûr, en matière de télétravail, la route est pavée d’erreurs nombreuses. Et ceux qui s’y essayent pour la première fois en ce moment le découvrent, tant du côté des salariés que des entreprises.

Et alors ?

J’entends les grincheux ricaner, je les vois pointer les dysfonctionnements du doigt. C’est stérile. Auront raison à la fin ceux qui osent se lancer, qui expérimentent, qui apprennent, et font des erreurs en apprenant.

- Pour le travail sur site : Toute entreprise devrait s’être dotée d’un Plan de Continuité de l’Activité. Quand il existe, il doit nécessairement être adapté au Covid19. Le dialogue social permanent est un prérequis. Car avoir des salariés au travail inquiets pour leur santé n’est pas favorable en la circonstance, pour le moins. Prendre donc les mesures avec leur avis et expliquer.

En matière de recommandations, commençons par le pire des cas :

Si un salarié est malade du Covid19, fermer le bâtiment voire le site pendant 24h et désinfecter. Si les cas se multiplient, il n’y a guère d’alternative : fermer.

Dans les autres cas :

Mettre en place un Comité de Crise y compris au niveau local, en fonctionnement quotidien, en liaison permanente avec le CSE et la Médecine du Travail. Ce Comité devrait disposer de délégations y compris financières adaptées à la prise de décision immédiate.

- Bannir les voyages et déplacements hors nécessité « vitale ».

- Présence des Clients et Fournisseurs : revoir les parcours et modes d’interaction.

- Intérimaires et sous-traitants sur site : appliquer les mêmes mesures et les mêmes moyens que pour les salariés, en liaison avec leurs entreprises.

-Avoir un plan de travail avec les fournisseurs critiques, stocker si nécessaire.

- Aménager les bureaux, les postes de travail et les cheminements pour maintenir des distances convenables entre personnes, en visant une séparation de bien plus d’un mètre, de façon à garantir un mètre dans tous les cas.

- Les gants sont plus utiles que les masques quand des objets passent d’une personne à l’autre, mais nécessitent un minimum de formation quant à leur bon usage.

- Installer éventuellement des barrières de plexiglas si nécessaire.

- Augmenter la fréquence et la qualité du nettoyage sans oublier les objets que les salariés touchent le plus fréquemment : claviers par exemple, outillages… Ajouter des moyens dans les lieux d’hygiène.

- Adapter l’organisation du travail en profondeur, passer éventuellement sur un rythme de deux équipes postées de façon à minimiser les interactions entre personnes. Heureusement, en temps de crise, l’entreprise est le plus souvent plus agile à modifier ses procédés qu’en temps normal.

- Fermer les cantines, machines à café et autres lieux de convivialité (malheureusement) ; adopter d’autres pratiques en liaison avec les salariés.

- Supprimer la plupart des réunions. Pour celles vraiment indispensables, réunir très peu de personnes, debout, en observant les mesures barrière et au-delà, dans un lieu surdimensionné et bien aéré. (Des pratiques qui, une fois adoptées, pourraient d’ailleurs être pérennisées!).

Une évidence, mais que salariés et employeurs pourraient malheureusement oublier : le droit du travail, les règlements intérieur, les règles de sécurité y compris informatiques continuent de s’appliquer en temps de crise.

Que faire si un salarié refuse de se rendre au travail ? Dialoguer…

Il y a toujours des solutions : ainsi la prise de congés et de RTT à l’initiative de l’employeur est certes encadrée, mais tout à fait possible. Au delà, il y a toujours la possibilité du chômage technique, une facilité dont tant du côté de l’employeur que du salarié on doit peser les inconvénients, sans toutefois la refuser. Car le mot le plus important en l’espèce n’est pas « Technique » c’est « Chômage ». Au delà de la nécessité de faire tourner le pays autour de nos soignants qui en ont besoin, il s’agit d’éviter que ce pays ne sorte de la crise avec des entreprises moribondes et un chômage à huit chiffres.

Je n’ai pas le goût de l’hyperbole, et travailler quand les mesures justes sont prises n’est pas faire acte d’héroïsme (sinon, quel mot nous restera-t’il pour nos véritables héros?). Mais c’est la chose à faire pour soi-même, et pour les autres. C’est donc aussi un acte de civisme.

Dans la nuit du 6 avril 2009 l’usine spatiale de l’Aquila qui était dans mon périmètre de responsabilité s’est écroulée sous l’effet du terrible tremblement de terre qui a secoué la région. Les cas ne sont pas similaires, mais quelques unes des « recettes » ci-dessus ont été appliquées. L’Italie n’était pas plus prête à un tremblement de terre que la France à l’épidémie de Covid 19. Les salariés sont venus travailler et déménager leur outil de travail d’une usine moribonde avec la terre qui tremblait, vers une usine de fortune montée et qualifiée en moins de trois mois, à 200 km de distance. Il a fallu investir, beaucoup. Oui, dans cette période c’était pour les salariés bien plus contraignant et même risqué que leur travail d’avant. Malgré les circonstances terribles, personne ne s’est plaint. Tous ont tenu leur poste.

Leurs emplois ont été sauvés, les clients ont été rassurés, et une nouvelle usine a été bâtie...

C’est dans les temps de crise qu’on reconnaît les grandes équipes !

Fabio Achille Occhioni

Production & Integration Director

4 ans

Ogni crisi superata diventa un'opportunità di crescita. I momenti difficili devono essere di stimolo per consapevolmnte difendere e proteggere i propri valori la propria famiglia e il proprio lavoro. Grazie Reynard

Eric Leclerc

Marketing Manager at United Monolithic Semiconductors

4 ans

Une petite nuance quand même dont il convient d'être conscient lorsqu'on donne ce type de voeux. Les épidémiologistes expliquent facilement d'un point de vue statistique que chaque entorse au confinement global va creer plus de morts du fait de la saturation du système de soin. C'est le prix a payer par exemple pour laisser circuler les soignants, les personnels des commerces de première nécessité (nourriture). Mais il est des domaines (spectacle, loisirs, btp, agents immobiliers, jardinerie, construction auto, luxe,..., la liste est longue) où la question se pose, voulons nous de ce monde bien construit et huilé que vous illustrez par ce beau building avec des centaines de milliers de morts que vous oubliez sur l'illustration ou d'un monde où il faudra certainement reconstruire mais avec moins de morts?

Massimo C Comparini

Managing Director, Leonardo Space

4 ans

ciao Reynald. J'espère que tout va bien

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