Qu'est-ce que l'humilité ?
Sa sainteté le pape François 1er auprès de Son Altesse Royale la Reine descendant de la très catholique Marie Stuart

Qu'est-ce que l'humilité ?

(extrait de mon livre paru chez UPPR sur la sagesse bénédictine au XXIe siècle)

Ch. 9 La préférence de saint Benoît pour l'humilité

Tandis que les Ordres mendiants nés au XIIIe s avec saint Dominique et saint François d'Assise ont pour préférence la grande pauvreté, la spécificité bénédictine semble bien ancrée du côté de l'humilité, dont l'union avec l'obéissance est le tout premier signe visible.

Le chapitre sur cette vertu décrit douze degrés, qui furent repris par saint Thomas d'Aquin et saint Bernard de Clairvaux dans leurs ouvrages, auxquels le lecteur aura profit à se reporter, ce qui aura évité à l'auteur de ces lignes d'entraîner du côté d'horizons hasardeux des amis de la Sagesse chrétienne….

Donc, puisque le caractère typiquement bénédictin se manifeste dans le monastère par la fidélité à l'esprit d'obéissance, il convient de situer l'humilité à partir de cette écoute intelligente et diligente à la fois, de cette écoute des supérieurs qui est aussi, et de manière immédiate, désir d'agir pour servir le Bien qui est l'essence même de Notre Seigneur, selon toutes les vertus, selon toutes les valeurs.

Si l'on compare la vertu à un collier de perles, a dit un auteur spirituel, on comprendra vite que l'humilité est cette perle qui achève de compléter toutes les autres, car elle seule les a aussi rendues possibles. Le fil de ce collier est celui de l'agapè, qui est intelligence du vrai et du bien, ou du devoir : l'on peut traduire (sans trahir! ) par : « amour », « charité ».

L'humilité n'est pas une option de bigots, ni d'ailleurs non plus un magnifique idéal terriblement difficile, capable de décourager tout aspirant à la perfection de sa personnalité et de son caractère ! Rire de soi est plutôt humble, de même que s'affliger de sa misère, puisqu'il est « un temps pour tout ».

Ainsi, la première conséquence de l'esprit d'humilité, sitôt qu'il fond sur nous – providentiellement, doit-on dire – est de mettre en lumière telle et telle faute que nous avons commises, ou que nous rêverions plus ou moins de commettre, au cas où l'occasion se présentât.

Pour un esprit fort, cette lumière n'est pas douce : elle est dure, désagréable. C'est ce qui fait dire à Kant dans la Critique de la Raison pratique qu'on doit se garder de confondre le bien au sens de l'agréable avec le bien au sens du devoir. Car alors, où sera-t-on, lorsqu'il nous faudra reconnaître que nous avons commis quelque action contre notre devoir, au motif mensonger qu'elle nous a procuré un plaisir vif, ou simplement même agréable ?

D'aucuns diront : « le devoir… mais que vient faire le devoir dans une époque où la morale, après Nietzsche, après mai 1968, n'a plus de signification pour l'homme ? » C'est là une illusion fort répandue… Et si la vérité et la sagesse pouvaient être aussi bien répandues que l'illusion, fille de la facilité et de la paresse, les hommes auraient des mœurs plus conformes à l'idéal du goût, du respect, de la solidarité et de l'amitié !

Ce petit mot : « devoir », désigne uniquement la matière qui fait l'objet des imprécations ou conseils constants de la loi morale en nous. Il ne faut pas en vouloir à notre faculté de légiférer, puisque par l'effet salutaire, peut-on dire ici, des exigences de ce que le philosophe de Königsberg appelle la « raison pratique », soit la raison humaine en ce qu'elle présente d'aptitude à préférer le bien au mal, c'est finalement la liberté qui est révélée à l'homme comme au jour d'un baptême dont il ne pourra plus jamais désirer l'effacement.

On peut vouloir effacer son nom d'un registre de baptêmes, mais pas plus qu'on ne peut vouloir nier l'événement, qui a de toute façon eu lieu, on ne peut nier, en tant qu'événement aussi, la manifestation en notre conscience de la liberté du vouloir, comme pouvoir des fins, pouvoir déterminé par des principes de la raison.

Ou alors, ce serait certainement le comble de l'orgueil.

L'on n'est pas loin de constater cette triste attitude, à lire ou écouter des gens soutenir qu'ils ne sont pas libres, qu'ils sont sans cesse déterminés par des facteurs étrangers à leur propre volonté, que le rôle de celle-ci dans leur vie est tellement minime que l'idée qu'ils sont libres leur semble réellement… dérisoire.

Cependant, cela mérite d'être rattrapé : le sens universel de l'indignation, celui du mécontentement (que certains peuples pratiquent comme sport national!), ce sens n'est pas absent de nos pensées, à lire les réseaux sociaux, qui expriment le mieux la pensée populaire.

Si d'ailleurs nous étions persuadés que la liberté n'existe pas, il nous faudrait fermer aussitôt et nos palais de justice et nos prisons. Il n'y aurait d'ailleurs plus de radars sur les routes… pour punir des gens qui ne dépassent excessivement les limites … que par une cause étrangère, absolument, à leur volonté.

A partir de là, un homme qui se sait responsable de ses actes peut faire le pas suivant, consistant à regretter des fautes, que nul ne manque malheureusement de commettre quotidiennement (ou nuitamment). Certes, il est des regrets mêlés d'une colère qui sent l'orgueil… Certes, il est aussi des regrets pas très complets… Néanmoins, il ne faudrait pas renoncer au remords, quand il sonne juste, et mieux vaut avoir l'humilité, ici, de s'exercer à faire sonner juste l'instrument qu'est notre conscience, que d'abandonner sous des prétextes pernicieux, et lâches. Qu'il nous soit permis de dire au passage que c'est dans la branche traditionnelle de Fontgombault que cet exercice est enseigné avec le plus d'assiduité.

Le regret parfait, accompagné d'une détestation intérieure de son péché, grâce à laquelle on est assuré de ne plus le commettre à nouveau, s'appelle la « contrition ». Lorsqu'il est imparfait, on l'appelle « attrition ». Les deux concernent l'humilité, en cette seconde étape. Mais c'est au premier que l'humilité tend, ici. Car on pourrait très utilement considérer que le regret des fautes commises est une réalité qui s'étend dans la durée, jusqu'à ce que, de l'attrition tiède, le pécheur soit passé à la contrition la plus nette de toute scorie liée à l'orgueil.

L'attrition tiède est triste à la fois pour la faute et pour l'image narcissique de soi. Mais la contrition n'est plus triste que pour la faute commise, et en même temps toute une joie jaillit dans le coeur à l'idée que la complicité avec la maxime frauduleuse qui avait guidé notre volonté (pour la tromper par un marché morbide), est évanouie, dissipée par la lumière accueillie de la justice.

L'homme juste ne se réjouit pas d'échapper à une punition, quand il sait qu'il doit réparer une injustice qu'il a eu la bêtise, ou la faiblesse, de commettre. Cependant, l'humilité religieuse va plus loin, en soumettant au regard de la divine Miséricorde le pouvoir de juger avec justice. Car alors, il n'y a pas deux réalités un peu opposées, mais une seule, par laquelle la justice, tenant compte dans une infinité de détails, de la responsabilité et des circonstances atténuantes, vient toucher le coeur et lui parler non pour l'envoyer en Enfer, mais – tant que c'est providentiellement possible – dans un projet de réparation.

Il faut donc à l'homme humble la force de réparer, ou, le cas échéant, de participer à réparer, ou, le cas échéant aussi, de manifester d'une manière symbolique, mais faite d'éléments satisfaisants, le mal dont il vient d'être reconnu responsable : devant Dieu, devant les hommes, devant sa conscience.

Le second effet de l'humilité, après la joie, est donc la vie. Regarder à la justice, s'apercevoir de sa faute, la regretter, la réparer : tout cela est l'unique virage qui s'impose au pécheur, en sorte qu'il ne meure pas, mais qu'il vive.

Or s'il est une chose qui ne cesse d'étonner l'homme depuis le premier meurtre, c'est que Dieu ne veut pas la mort du pécheur, mais qu'il se convertisse et qu'il vive.

Nous avons ainsi déterminé l'utilité principale, dans le contexte actuel que nous connaissons (il en est certainement d'autres!) de la première des vertus mises en valeur par la Règle de saint Benoît. Encore une fois, l'humilité se lie ici tout autant avec le concept d'obéissance religieuse.


Patrice THERET

Sales & Business Development Directorate at MBDA France

7 ans

Dans notre environnement professionnel, je reconnais d'autant plus la grandeur d'un manager, non par le fait unique de ses qualités et compétences managériales, mais aussi par ses prédispositions quant aux valeurs humaines, et en particulier en matière d'humilité.

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