Qui aime vraiment le luxe en France ?

Qui aime vraiment le luxe en France ?

26% seulement des Français déclarent en 2016 : « les marques de luxe me font rêver. ». Pourquoi ce désamour et qui sont les amateurs de luxe ?

À force de se focaliser sur les nouveaux consommateurs du luxe, les Chinois, les Brésiliens, les Indiens, etc., on en oublie de s’intéresser aux consommateurs plus proches de nous. Et tandis que le luxe français continue à faire rêver des millions de gens à travers le monde, on s’habitue à ne plus étudier l’amateur de luxe français. C’est vrai qu’il a plein de défauts : il n’est pas assez fortuné, ni assez enthousiaste… Peut-être est-il trop exigeant…

Le fait est là : ils ne sont pas nombreux ceux qui, dans l’hexagone, osent confesser leur goût du luxe. Ainsi, au pays des Hermès, Louis Vuitton, Dior ou Chanel, seulement 26% des Français déclarent en 2016 dans l’Observatoire de Sociovision : « les marques de luxe me font rêver. » Une minorité : le comble dans le pays du luxe par excellence !

Qui sont-ils, ces amateurs audacieux au point d’avouer leur faible pour le luxe ? D’un point de vue sociologique, on y retrouve, sans surprise, les plus aisés des Français et les habitants de Paris et de la région parisienne. On y trouve également les plus jeunes, ce qui devrait ravir les responsables du secteur. En effet, 36% des moins de 30 ans sont fascinés par les marques de luxe, un chiffre bien au-dessus de la moyenne nationale.

Les quatre milieux du luxe en France

En termes de valeurs et de style de vie, la dernière vague de l’Observatoire Sociovision montre que les amateurs du luxe en France se recrutent plus particulièrement dans quatre types de milieux. Il y a les éternels ambitieux qui rêvent de progresser rapidement dans l’échelle sociale. Il y a aussi, bien sûr, la bourgeoisie installée qui plébiscite les valeurs d’élégance et d’art de vivre. Viennent ensuite les jeunes hédonistes qui ne jurent que par la consommation. Enfin, l’élite émergente, porteuse de nouvelles valeurs en rupture avec la culture bourgeoise de ses aînés, apprécie le luxe, mais elle aime en subvertir les codes, en la combinant avec d’autres registres de la consommation et de la technologie.

En France, on aime donc le luxe pour des raisons différentes : quête de statut, culte de l’élégance héritière des codes d’une élite traditionnelle, principe de pur plaisir ou invention d’une nouvelle culture plus ouverte et hybride.

Ce qui rassemble ces différents milieux de situation et d’âge différent, c’est une sensibilité partagée pour l'esthétique des produits qu’ils achètent et l’attachement aux beaux objets.

Les raisons d’un désamour

Mais si le luxe reste aimé en France dans certains milieux, on reste frappé par le faible chiffre d’amateurs déclarés. À l’ère du luxe accessible, pourquoi cet apparent désamour ? Trois raisons l’expliquent.

D’abord, prévaut chez beaucoup le sentiment que quelque chose s’est perdu avec la mondialisation des grands groupes de luxe. Pour 45% des Français, en effet, les produits de luxe d’aujourd’hui n’ont pas la même qualité qu’avant.

Ensuite, on observe depuis 2009 l’émergence d’un nouveau rapport à la consommation. En 2016, 53% des Français disent ressentir beaucoup moins qu'avant le besoin de posséder des choses. Ce changement affecte également les milieux les plus sensibles aux marques de luxe. Sans rejeter celles-ci, eux aussi ont un rapport plus détaché, plus décomplexée face aux icônes du luxe.

Enfin, le stade de maturité atteint par l’économie et la société française fait que le mot «luxe» lui-même semble daté. Il parle d’une autre époque. Il est inadapté aux nouveaux arts de vivre et de distinction. En fait, la quête du luxe n’a pas disparu, mais elle ne peut pas se réduire à ce mot. Les Français de 2016 sont sans doute plus nombreux à aimer le luxe, mais leur idée du luxe est à leur image : multiple et versatile.

Rémy OUDGHIRI

Tribune parue dans CB NEWS, 5 décembre 2016.

Cristina Kawamoto

🌍 Sustainability | CSR | International | Market Intelligence | Change & Foresight | Impact-Driven Business Models

8 ans

"sensibilité pour l'esthétique des produits qu’ils achètent et l’attachement aux beaux objets." Et des belles expériences, avec un ancrage réel ... Même dans les marchés émergents comme le Brésil, où la techno règne et est omniprésente, l'élite est à la recherche de nouvelles expressions du luxe qui remplacent la simple possession . Article intéressant , merci Remy Oudghiri

J'aime beaucoup votre article. 26% semble peu mais si on considère que les marques de luxe vise(rai)nt les dix pour cent les plus riches de la population française, est ce vraiment grave ? Par ailleurs les dérivés des marques dites de luxe (parfums, lunettes...) semblent être en expansion n'est ce pas là une forme d'amour caché ou interdit dans un pays qui se veut en berne?

Luxe où Maniérisme ? Valeurs humaines où Devenir social ?

Excellent reflexion sur le Luxe. Merci.

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