Qui a peur de la photocopieuse ?
(Histoire d’Halloween, c’est de saison)
Si je comprends bien, l’IA ne reproduit que ce qu’elle connaît déjà. Au pire, elle peut proposer une vague extrapolation mécanisée à partir d’un fonds d’informations plus ou moins varié et sophistiqué. Le résultat restera toujours une sorte de calque sans âme, un fantôme, un palimpseste. Appeler ce produit de la création relève de l’escroquerie.
La photocopie d’une photocopie perd en qualité à chaque nouveau tirage.
Écritures, traductions et créations romanesques, scientifiques ou légales, en éditions papier ou audiovisuelles sont durement attaquées par l’impérialisme marchand qui a depuis longtemps jeté sa griffe avide sur l’invention humaine pour transformer ses artefacts en produits, en flux, en contenus.
Cette guerre, sans précédent dans l’histoire de l’humanité, témoigne de la constante de tous les impérialismes qui consiste, à un moment de leur développement, à nourrir le fantasme de contrôler les cerveaux. Sauf erreur -je ne suis pas historien- chaque tentative, même si elle a duré parfois plusieurs centaines d’années, s’est toujours soldée par un échec face à la résistance de l’esprit humain. A son besoin de se réinventer lui-même, de se renouveler.
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Il y a déjà longtemps que les fournisseurs et promoteurs de la communication électronique, dépensent des sommes folles pour essayer de combattre la capacité de l’être humain à décider et à penser par lui-même, autrement dit, à faire usage de son libre arbitre.
Un des aspects de cette attaque sans précédent est la tentative de prise de pouvoir sur le vocabulaire en changeant le sens des mots pour le faire accepter comme une nouvelle façon de vivre. On en a vu un exemple récemment avec le mot « vaccin » qui n’était en fait que la caractérisation biaisée de ce qui n’est qu’un pansement immunitaire. Mais en aucun cas un vaccin. Il suffit de regarder le sens du mot dans un dictionnaire.
Pour ce qui nous concerne, nous parlons du collage des mots : « intelligence », « artificielle » et « générative ». Ce collage bizarre ne décrit qu’un outil, un ensemble de fonctions robotisées et mécaniques. La révélation de l’escroquerie est déjà dans la description de cette tâche : intelligence d’un côté, artificielle de l’autre. Je laisse vos neurones s'amuser avec le dernier mot de cette arnaque. A grand coup d’enthousiasme prédigéré et plus ou moins sponsorisé, le bulldozer techno-dépendant essaye de nous prouver que l’invention du marteau est une chose réellement moderne. On se demande comment on pourrait s’en passer. Rappelons ici que le marteau peut vous servir un tas de choses utiles et aussi à casser la tête de votre voisin. Il en va de même pour les applications de ses nouveaux outils, mais au bout du compte, ce ne sont bien que des outils. Pour le dire de façon pragmatique et tant soit peu réaliste, rien n’empêchera les épiciers de vouloir gagner plus d’argent plus vite et les escrocs de tous calibres de vouloir inventer des informations ou détourner des vérités, tant que l’électricité circule dans les réseaux et autorise les communications électroniques.
Mais pour terminer sur une note positive, j’ai assez confiance dans l’esprit d’invention des êtres humains pour continuer à créer et à produire à la main, dans l’atelier, patiemment, jour après jour, sans vouloir gagner du temps sur le temps, car une fois de plus, l’accélération est mortifère, et comme le disait mon saint patron Jean-Baptiste Poquelin, « le temps ne fait rien à l’affaire ».
Merci à Hartmut Rosa pour ses études éclairantes sur l’accélération.