Voix bio vs Voix synthétique
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L’opération humaine, la chaîne de talents et savoirs, que demande le passage de la bande-son d'un film d'une langue à une autre est déjà un lointain souvenir dans les rêves -bien réels- de quelques laboratoires qui offrent des services aux industries du divertissement.
Mesdames et messieurs, chers spectatrices et spectateurs, auditrices et auditeurs, vous voilà prévenu.es, le synthétique est déjà dans vos oreilles.
Je crains de deviner où iront les préférences du plus grand nombre tandis que de petits clubs de fans de la voix "bio" se réuniront en secret via d'obscures plateformes associatives.
Même chose pour les textes, bios ou synthétiques, image bio ou échantillonnée via une machine, un robot, une non-Intelligence totalement Artificielle ?
Les industries culturelles, ce grand far west du "contenu", vont-elles s'affranchir de toute production, création, expertise humaine ?
Mon premier argument met en doute l'aliénation moutonnière à Saint Time is Money : pas sûr qu'il y ait ici une compression réelle des coûts. Vous voulez un exemple ? Prenez le temps de regarder un générique de film jusqu'au bout : un seul écran est consacré aux décorateurs, costumiers et accessoiristes, dix écrans et plus montrent la liste copieuse de tous les humains qui ont œuvré à la génération de tel ou tel élément assisté par ordinateur. Oui, le CGI, l’Alpha et l’Omega de la production contemporaine.
Il en ira de même pour la production de voix enregistrées , il faudra de gros serveurs et toute une armée de petites mains pour caler, monter, régler ces voix échantillonnées. Et, sauf retour de l'esclavagisme, tous ces talents seront payés.
Pas cher, je n'en doute pas une seconde, mais payés quand même. Et, je vous le donne en mille, ça n'ira pas forcément plus vite.
Ah certes, ce sera bien la voix d'une Meryl Streep ou d'un Ryan Reynolds, mais côté intensité de jeu, je demande à voir… et à entendre. Et même sur un échantillonnage de la voix originale, vous n’entendrez que cette voix synthétisée. Nous voilà bien dans de la fabrication et plus dans le naturel.
Quant au script original, il faudra des "techniciens de la langue", des réviseur.es, des responsables éditoriaux pour parer aux inévitables impossibilités interculturelles.
Eh oui, "break your leg" ne signifie toujours pas "casse toi une jambe", exemple basique, et je vous souhaite bien du plaisir virtualisé avec les jeux de mots. Ce qui fait rire un coréen laisse l'espagnol de marbre. Je souhaite bonne chance aux robots.
J'en viens maintenant à l'indispensable information due au consommateur : comme sur votre étiquette de soja bio garantie sans OGM, j'aimerai assez une mention du genre : "ce programme a été généré par un robot". Ou "en partie". Ou "se base sur telle production de source humaine."
Et enfin, l'aspect légal à large spectre qui va de la captation et ou utilisation frauduleuse d'une voix, de la négociation des droits d'enregistrement, d’exploitation de la voix humaine au rapprochement nécessaire du droit à la voix comme il existe un droit à l'image. De plus savants que moi ont démontré que la voix est constitutive de l’identité « une et indivisible ». Source humaine ? Droit de citation et droit d'auteur, passez à la caisse.
Vous me pardonnerez la formule facile : le légal c'est un régal.
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Ah oui, les créatrices et créateurs pourront aussi utilement déposer auprès de cabinets d'avocats, non seulement leurs noms et images comme des marques de commerce, ce qui se fait déjà, et y ajouter leur voix avec compétence juridique sur "l'infini, et au-delà. "
Ces temps-ci plusieurs grandes organisations professionnelles montent au créneau contre les applications délétères générées par l’IA aux métiers de la production culturelle et je forme des vœux pour qu'une sorte de règlementation voie le jour mais on me permettra de douter de la réactivité des législateurs, surtout que les donneurs d'ordres hors sol ne s'encombrent pas des lois locales. Autant rêver à une organisation mondiale de la production de fiction. Oui, d'accord, ça, c'est une fiction.
L'être humain n'est pas standard, ses rêves non plus, et c'est très rassurant.
J'ai entièrement produit ce texte avec mon cerveau et je vous invite à consulter mes sources récentes ci-dessous, ce que ne fait jamais un robot.
Je lève mon verre au cher Isaac qui nous a alertés dès 1957.
Marc Séclin – Avril 2023
Sources :
Product Owner and Project Manager
1 ansSi le divertissement devient une commodité, le désir ne sera que plus fort pour « le vrai ». Il y aura un premium pour l’expérience. Il faut cependant reconnaître ou anticiper ce qui sera considéré comme la créativité fine que le « consommateur » voudra.
Formateur professionnel d'adultes certifié niveau 5, comédien, auteur-dialoguiste
1 ansExcellent article, édifiant, inquiétant et rassurant à la fois 😉👍🏻 Une thématique que nous suivons de près au sein des commissions Sacem.
Adaptatrice Doublage
1 ansHélas, hélas ! Et quid des droits d’auteur ?