Qui sont les contribuables touchés par la réforme du gain en capital?

Qui sont les contribuables touchés par la réforme du gain en capital?

Qui sont les contribuables touchés par la réforme du gain en capital?

par Antoine Genest-Grégoire, Luc Godbout

Lors du dépôt de son budget en avril dernier, le gouvernement fédéral a proposé une importante réforme de l’imposition du gain en capital qui a pris effet le 25 juin 2024. Le Québec s’est harmonisé à ce changement.

De quoi s’agit-il? Un gain en capital désigne le revenu encaissé par un contribuable qui vend un actif à une valeur supérieure à son coût d’acquisition. Il s’agit d’une forme d’imposition reportée : le contribuable voit la valeur de ses actifs s’apprécier chaque année, mais toutes ces améliorations de sa situation économique ne sont imposées qu’au moment où il vend ou cède l’actif.

Afin de tenir compte indirectement de l’inflation, seule une partie du revenu tiré du gain en capital est ajoutée au revenu imposable. Ce taux d’inclusion du gain en capital a été établi arbitrairement entre 50 % et 75 % depuis 1972.

Pour les particuliers, la réforme proposée implique de faire passer le taux d’inclusion du gain en capital de 50 % à 66,67 %, mais uniquement sur la portion du gain annuel dépassant 250 000 $. Même si le barème d’imposition contient déjà des tranches de revenu, avec la réforme, le taux d’inclusion du gain en capital contient également une structure en paliers. La réforme implique également le passage à un taux d’inclusion de 66,67 % pour tous les gains en capital réalisés par les sociétés.

Mais qui sont les contribuables affectés par la réforme du gain en capital? Combien sont-ils? Quelle est la hauteur de leurs gains? Où demeurent-ils et quel âge ont-ils? Pour y voir plus clair, la Chaire en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke a examiné les gains déclarés pendant l’année fiscale 2019. L’analyse, qui porte principalement sur sont les contribuables touchant des gains de 250 000 $ et plus, s’appuie sur les micro-données fiscales tirées des réelles déclarations d’impôt des Canadiens et Canadienne provenant de la Banque de données administratives longitudinales (DAL). Cette dernière est un échantillon pondéré représentatif de la population déclarante, des enfants recevant l’allocation canadienne pour enfants et des conjoints non déclarants (et qui correspond à 96 % de la population canadienne).

Des gains concentrés

Sur les 28,7 millions de contribuables ayant produit une déclaration en 2019, une écrasante majorité, soit 94,4 %, ne réalisait qu’un petit gain en capital, inférieur à 1000 $. Une forte proportion de ces personnes n’en a effectué aucun. Près de 5,5 % ont réalisé des gains plus substantiels, mais néanmoins inférieurs à 250 000 $. Seulement 46 705 contribuables, soit 0,16 % du total, ont réalisé un gain de 250 000 $ ou plus.

Le gain en capital est fortement concentré. En effet, les 0,16 % des contribuables ayant réalisé un gain de 250 000 $ ou plus ont réalisé 58,3 % des gains en capital. Si on additionne les catégories moyennes (1000 à 249 999 $) et supérieures (250 000 $ et plus), on constate que moins de 6 % des déclarants ont réalisé la quasi-totalité (99,6 %) des gains.


Les individus réalisant un gain en capital de 250 000 $ ou plus ont déclaré en moyenne un revenu individuel de 1 183 157 $, ou de 275 927 $ en excluant le gain en capital. Par comparaison, les individus touchant des gains de taille moyenne (entre 1000 $ et 249 999 $) réalisaient en moyenne des revenus annuels de 110 949 $, ou de 91 840 $ sans le gain en capital. Enfin, ceux dont les gains en capital étaient modestes, nuls ou négatifs touchaient en moyenne des revenus de 48 609 $, ou 48 597 $ sans gain, comme le détaille le tableau 1.


Les individus touchant d’importants gains en capital déclarent donc généralement des revenus très importants, même en excluant leurs gains du total. Ce type de revenu occupe aussi une part beaucoup plus grande de leurs revenus par rapport aux groupes touchant des gains moins importants.

Outre la concentration du gain en capital, il est également possible de déterminer s’il y a une différence selon le sexe, l’âge, le lieu de résidence ou encore le fait d’être décédé en cours d’année.

Des gains plus grands chez les hommes

Tout comme on l’observe pour le revenu en général, les gains en capital des hommes tendent à être plus grands que ceux des femmes. Parmi les contribuables qui ont encaissé de grands gains, soit 250 000 $ et plus, l’écart de valeur entre les gains réalisés par les hommes et ceux réalisés par les femmes est de 28 % (1 020 642 $ contre 733 234 $). Les femmes sont également sous-représentées dans cette catégorie : alors qu’elles forment 52 % de l’ensemble des contribuables, seulement 39 % d’entre elles ont réalisé de grands gains.

Des gains plus grands chez les aînés

Sans surprise, les contribuables de 34 ans ou moins représentent 27,0 % de l’ensemble des déclarants, mais ne réalisent que 4,5 % des gains en capital. Les personnes de 35 à 64 ans représentent 49,6 % des déclarants et la valeur des gains qu’ils réalisent est à peu près équivalente, soit 49,8 % de la valeur des gains. Enfin, les personnes de 65 ans ou plus représentent 23,4 % des déclarants, mais la valeur de leurs gains, à 45,7 %, est presque deux fois plus élevée que leur poids populationnel. Ces résultats concordent avec l’idée de l’imposition du gain en capital comme un impôt sur un revenu différé : plus la personne est âgée, plus il y a de chances que ses actifs aient accumulé de la valeur qui sera imposée d’un coup lors de la disposition.

Des gains moins élevés au Québec

Parmi les contribuables ayant réalisé des gains de 250 000 $ ou plus, le gain moyen est de 907 327 $. Les Ontariens et les Britanno-Colombiens sont les seuls à afficher un gain moyen supérieure à la moyenne du pays (975 907 $ et 1 014 686 $, respectivement). Cette dispersion plus grande en Ontario et en Colombie-Britannique pourrait s’expliquer par la vigueur des marchés immobiliers de Toronto et Vancouver. Les contribuables des autres provinces réalisaient plutôt des gains de l’ordre de 800 000 à 880 000 $. Avec un gain moyen de 766 000 $, le Québec est la seule province où la moyenne des gains réalisés par des contribuables ayant déclaré un gain de 250 000 $ et plus est sous le seuil des 800 000 $.

Plus de gains chez les défunts

La législation fiscale canadienne prévoit que les individus réalisent leurs gains en capital au décès, qu’il y ait eu vente ou transfert réel ou non. Par conséquent, les contribuables décédés dans l’année, même s’ils ne constituent que 0,78 % de l’ensemble des déclarants, représentent néanmoins 13,7 % de contribuables touchant un gain en capital de 250 000 $ ou plus. Leurs chances d’avoir un gain en capital d’importance sont donc vingt fois plus élevées.

Les deuxième et troisième articles de cette série sur la réforme du gain en capital s’intéresseront respectivement à la récurrence des gains en capital importants, puis aux recettes fiscales attendues par la réforme et la contribution des défunts.

(Une version plus détaillée de cette analyse en trois parties est disponible sur le site de le Chaire en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke).


Identifiez-vous pour afficher ou ajouter un commentaire

Plus d’articles de Institute for Research on Public Policy (IRPP)

Autres pages consultées

Explorer les sujets