Réforme de la facturation électronique obligatoire en France : Le quiz des amateures (Opus 1)

Réforme de la facturation électronique obligatoire en France : Le quiz des amateures (Opus 1)

La réforme de la facturation électronique envisagée par la France est souvent qualifiée de « complexe » dans de nombreuses publications. Cette complexité a créé de nombreuses incompréhensions au sein des entreprises, voire chez les prestataires de services de facturation électronique. Passionnées par cette thématique que nous traitons depuis des décennies, nous proposons de revenir, sous forme de Quizz, sur certaines questions récurrentes qu’il nous semble important de préciser et de comprendre (ou de porter aux débats). Si vous ne savez pas quoi faire en attendant la suite des textes règlementaires, jouez avec vos amis !

Q1 - La réforme de la facturation électronique française est issue de la transposition d’une directive européenne

Et non ! pas encore ! Bien que la facturation électronique soit l'une des mesures phare du projet de directive « VIDA - VAT in the Digital Age » proposé par la Commission européenne le 8 décembre 2022, la réforme de la facturation électronique envisagée par la France est un projet distinct, lancé en 2019 à l'initiative de la France (article 153 de la loi de Finances pour 2020). La réforme française sera probablement impactée par le projet VIDA, dès lors que les textes français et les projets de textes européens présentent des points de divergence (notamment sur le format et contenu du e-reporting), sur lesquels les entreprises et l'administration fiscale française devront porter une attention particulière afin d'évaluer l'impact du modèle envisagé par la Commission européenne, sur le modèle français qui devrait être mis en œuvre avant l’adoption de cette directive.

Q2 - Les entreprises doivent utiliser une PDP (Plateforme de Dématérialisation Partenaire)  

Pas tout à fait ! « Peuvent » serait plus adapté…L'article 289 bis du Code Général des Impôts (CGI) indique que les entreprises auront deux options pour échanger les factures électroniques et transmettre les données des transactions à la DGFiP : (1) une plateforme privée, souvent payante et appelée « Plateforme de Dématérialisation Partenaire - PDP » ou (2) une plateforme proposée gratuitement par l'État et appelée le « Portail Public de Facturation - PPF ».

La connexion au PPF (option 2 ci-dessus) peut être faite : (i) en connectant directement leur système informatique au PPF, ou (ii) en ayant recours à un prestataire privé appelé dans ce cas « Opérateur de Dématérialisation - OD » ou (iii) en ayant recours à une PDP.

Les entreprises françaises ont ainsi le choix entre plusieurs options qu’il conviendra d’analyser afin de trouver la solution adéquate et répondant à leurs besoins et contraintes internes. A titre d’exemple, une entreprise qui a un faible volume de factures électroniques et qui n’a pas de besoins de services additionnels pourrait choisir le PPF ou l’OD. A contrario, une entreprise qui a des besoins spécifiques d’automatisation ou de traitement de volumes importants pourrait plutôt avoir recours à une PDP.

Q3 - La qualification SecNumCloud est requise pour les Plateformes de Dématérialisation Partenaire (PDP)

Pas complètement ! La PDP doit joindre à son dossier d'immatriculation ou au rapport d'audit la référence ou la copie de la décision de qualification « SecNumCloud » de son prestataire de services d'hébergement des données (réf. Décret n° 2022-1299 du 7 octobre 2022 relatif à la généralisation de la facturation électronique dans les transactions entre assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée et à la transmission des données de transaction). Par conséquent, il appartient à chaque candidate PDP de se rapprocher de son prestataire d'hébergement de données afin de lui fournir les éléments requis dans le cadre de la procédure d'immatriculation. Les textes relatifs à la facturation électronique n'imposent pas aux prestataires de données de disposer eux-mêmes de la qualification « SecNumCloud ». Ainsi, la décision d'obtention de cette qualification reste plutôt à la discrétion des prestataires d'hébergement de données. Si certains prestataires d'hébergement de données disposent déjà de la qualification « SecNumCloud », d'autres restent silencieux sur le sujet.

Q4 - Un Opérateur de Dématérialisation (OD) peut se connecter au Portail Public de Facturation (PPF)

Oui ! Le dossier des spécifications externes dans sa version du 31 juillet 2023 définit un Opérateur de Dématérialisation (OD) comme « Prestataire non immatriculé offrant des services de dématérialisation de factures pouvant intervenir en tant qu'intermédiaire lors de l'émission ou la réception de factures, sans avoir la possibilité de transmettre les factures entre l'émetteur et le récepteur». L'OD pourra (et même devra) se connecter au PPF dès lors qu'il agira comme intermédiaire pour l’envoi ou la réception de factures, au nom et pour le compte de son client assujetti. Il pourra ainsi recevoir des factures et d'autres typologies de données envoyées par le PPF et également envoyer les mêmes typologies de données au PPF. L'OD pourra définir la gamme de services qu'il pourra proposer à ses clients, en procédant par exemple à la conversion des formats des factures pour son client, à la vérification des factures, en proposant des services de suivi des factures ou encore un service d'archivage, etc.

Q5 – Toutes les entreprises françaises sont référencées dans l'Annuaire

Malheureusement non ! Selon l’état des commentaires administratifs actuels (spécifications externes de l’AIFE, version du 31 juillet 2023), l’Annuaire contient l’ensemble des assujettis à la TVA soumis à la réforme de la facturation électronique ainsi que les plateformes de dématérialisation partenaires.

L’Annuaire sera initialisé par l’AIFE avec les informations dont disposent l’INSEE et l’administration fiscale (notamment sur l’assujettissement à la TVA de l’entreprise), sur la base du numéro de SIREN.

Ce qui exclut donc : les entreprises « non-SIRENisées » (associations par ex.), les entreprises ayant un numéro de SIREN mais non assujetties à la TVA (certaines sociétés holding par ex.), les entreprises étrangères disposant d’un numéro de TVA en France mais pas d’un numéro de SIREN…

L’Annuaire sera initialisé par l'AIFE avec les informations dont disposent l'INSEE et l'administration fiscale sur l'assujettissement de l'entreprise. Les entreprises destinataires de factures doivent porter une attention particulière aux informations d'initialisation dans l'Annuaire, les revoir et les compléter si nécessaire en renseignant le SIREN (obligatoire), SIRET (optionnel) et code de routage (optionnel).

Q6 - Quatre nouvelles données seront obligatoires sur la facture, d’un point de vue fiscal

Et non ! c’est beaucoup plus que 4… L'article 242 nonies A de l'Annexe II du Code Général des Impôts modifié par le Décret n° 2022-1299 du 7 octobre 2022 ajoute quatre nouvelles mentions fiscales obligatoires aux mentions fiscales existantes sur les factures émises par les assujettis en France. La DGFiP indique dans les spécifications externes 24 mentions obligatoires au démarrage de la réforme auxquelles s'ajouteront 8 mentions en cible, soit un total de 32 mentions dès 2026. Si les 32 mentions obligatoires correspondant à celles devant apparaître sur le lisible de la facture semblent raisonnables et ne devraient pas poser de difficultés supplémentaires aux entreprises, la traduction informatique de ces mentions en données et champs dans les fichiers factures (flux 2 ou flux 3) se compte en centaines ! Les entreprises doivent porter une attention particulière aux différentes annexes des spécifications externes lors de la réalisation de l'état des lieux de leurs données disponibles au sein de leur système de facturation ou ERP, pour s'assurer que les systèmes de facturation soient en capacité de générer des factures contenant toutes les données requises par l'administration fiscale.

Q7 – Les données obligatoires selon la norme EN 16931 (pour le e-invoicing), sont-elles toutes des données fiscales obligatoires ?

En réalité, pas seulement ! La norme EN 16931, reprise dans la future réglementation française, contient 3 catégories de données qui n’ont pas pour boussole le seul code général des impôts :

  • Données obligatoires, notamment fiscales, commerciales et techniques, devant figurer sur toutes factures émises. Nous pouvons citer à titre d’exemple, les données permettant d’identifier le client, le fournisseur, la facture, les biens et services vendus, le contrôle processus, le code de type de TVA, etc.
  • Données conditionnelles, telles que la mention « autofacture » qui doit être présente sur une facture dès lors que la facture est émise par le client au nom et pour le compte de son fournisseur, ou la référence à la facture précédente en cas d’Avoir.
  • Données optionnelles, dont la présence sur une facture est laissée à la discrétion de l’émetteur, telles que les références du contact, les instructions de paiement ou les documents justificatifs additionnels.

Toutes les données obligatoires selon la norme EN 16931 ne sont pas des mentions (données) obligatoires selon le Code Général des Impôts (CGI) ou plus généralement la directive TVA. Et réciproquement, toutes les données obligatoires selon le CGI, ne sont pas des données obligatoires selon la norme EN 16931. En cas de manquement d’une donnée obligatoire, certaines erreurs donneront lieu à l’application d’une pénalité fiscale, d’autres, peut-être, à un rejet de la facture par le client…dans tous les cas c’est la complétude avec l’ensemble du modèle de données qui permettra de sécuriser les transactions et leur paiement.

Q8 - Les données de paiement sont obligatoires uniquement pour les ventes de prestations de services pour lesquelles la TVA est exigible sur les encaissements

Les données de paiement seront utilisées par l'administration fiscale pour préremplir les lignes des déclarations TVA pour les opérations relevant de la catégorie des prestations de services mentionnées aux articles 289 bis et 290 du Code Général des Impôts. Toutefois, l'article 290 A du CGI indique que la taxe est due par le preneur dans certains cas. Dans l'état actuel des textes, ces derniers ne semblent pas prendre en compte l'article 269, 2-a du CGI (en vigueur depuis le 1er janvier 2023) qui indique qu'en cas de versement d'un acompte préalablement à la livraison de biens, la taxe est exigible au moment de son encaissement, à concurrence du montant de l'acompte. Par conséquent, les entreprises ne doivent pas perdre de vue que l'obligation de transmission des données de paiement pour les factures d'acomptes encaissés de ventes de biens est également requise.

A SUIVRE…

Par Gwenaëlle Bernier, Avocate spécialisée en TVA et droit douanier &

Kamila Ferhat, Consultante e-invoicing & e-Reporting


🚀 Rudy BROVELLI

CEO de L’agence des Experts-comptables - La 1ère Agence de com pour les Experts-comptables | Avec plus de 500 cabinets d'expertise comptable depuis 2008 💪 | Podcast Place à l'Expert & Place à l'Expert-comptable 🎧

1 ans

Original et instructif ! Bravo pour l’initiative de ce quizz !  Pour continuer à bien s’y préparer, je vous invite à écouter l’épisode de Benoit Maury ⏚, expert en digitalisation des entreprises et de la facturation électronique, “Comment mettre en place la facture électronique ?”, dans « Place à l’Expert » : https://www.lagence.expert/podcast?pid=25 Bonne écoute ;)

Beckar Rabhi

CEO eBusiness eXpert | Vice Président FNFE-MPE

1 ans

Autant de plaisir à échanger avec vous , on s’appelle!

Beckar Rabhi

CEO eBusiness eXpert | Vice Président FNFE-MPE

1 ans

Bravo Kamila toujours aussi alerte 👏, quelques points toutefois à rectifier ou à préciser

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