Réforme de l’assurance chômage : «Le gouvernement fait des économies sur les précaires»
"L’Unédic vient de rendre un rapport calculant l’impact de la réforme de l’assurance chômage en l’état à partir du 1er avril 2021. Ces prévisions, encore plus inquiétantes que les précédentes, sont une carte de plus dans le jeu des syndicats, prêts à en découdre lors des prochaines concertations à Bercy.
Après avoir obtenu un report de trois mois pour la réforme de l’assurance chômage, les syndicats se réuniront une fois de plus à la table des négociations du ministère du Travail, le 12 novembre. Son entrée en vigueur, initialement prévue le 1er janvier 2021, laissera aux partenaires sociaux quelques semaines supplémentaires pour réclamer son abandon, au vu de l’inquiétant scénario rendu par l’Unedic, en charge de l’assurance chômage.
Si les premières simulations étaient alarmantes, ce rapport commandé par les cinq principaux syndicats fait froid dans le dos. Le document atteste que plus d’1,2 million de personnes seraient perdantes parmi les 2,56 millions de personnes qui ouvriraient un droit entre le 1er avril 2021 et mars 2022. Parmi elles, 400 000 verraient leur indemnisation moyenne chuter de 890 à 535 euros par mois, et pour 72 000 chômeurs, elle passerait même à 389 euros. Les premiers pénalisés ? Les personnes alternant contrats courts et périodes de chômage.
Double peine pour les pauvres
Cette réforme majeure du programme d’Emmanuel Macron prévoit notamment un système de bonus-malus par secteur, permettant de dissuader cette pratique en croissance exponentielle. Le gouvernement entend ainsi sanctionner les entreprises ayant recours à des contrats courts tout en durcissant les allocations des personnes qui les signent afin de décourager les deux parties.
Cette mesure est très largement contestée par les syndicats, qui dénoncent une double peine. «Les travailleurs précaires devront payer leur précarité», s’insurge le représentant de la CGT au bureau national de l’Unedic, Denis Gravouil. «Il est très rare que des allocataires jonglent volontairement entre contrats courts et périodes de chômage, c’est une réalité qui est directement corrélée à la précarisation de l’emploi», souligne Eric Heyer, directeur du département analyse et prévision de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). L’économiste estime qu’instaurer un malus aux entreprises ne serait pas nécessairement dissuasif mais aurait au moins l’intérêt du système «pollueur-payeur». Il s’inquiète en revanche de voir la charge des chômeurs dans cette configuration s’alourdir : «Multiplier les contrats courts limite déjà l’accès au logement, au crédit bancaire… Une sanction ne les incitera pas à signer un CDI, ils n’auront simplement pas le choix d’accepter ce qu’on leur propose, et verront simplement leur pouvoir d’achat diminuer.»
Ce n’est pas le moment
Malgré le contexte de la crise sanitaire, le gouvernement «n’entend pas renoncer à la réforme majeure de l’assurance chômage», affirmait Jean Castex à l’issue de la dernière consultation avec les partenaires sociaux. «Le gouvernement s’entête à vouloir garder l’esprit de la réforme alors que l’Unedic indiquait fin octobre, 420 000 demandeurs d’emploi de plus qu’en 2019 à la fin de l’année à cause de la destruction de 670 000 emplois salariés due au confinement», s’insurge Michel Beaugas, secrétaire confédéral chargé de l’emploi Forces ouvrières. Le représentant FO à l’Unedic ajoute que «pour l’instant le chômage partiel couvre près de 3 milliards d’emplois, mais jusqu’à quand ? Nous ne sommes pas à l’abri d’une troisième vague et ce n’est vraiment pas le moment de retirer des protections comme la garantie de l’assurance chômage».
Si les organisations patronales semblent moins frileuses, les syndicats sont unanimes face à ce projet de réforme. Ils réclament l’abandon total de ces mesures qui, comme le prouvent les prévisions de l’Unedic, pénaliseront plus d’un million de personnes fragilisées par la crise. Des mesures déjà repoussées à plusieurs reprises, mais le gouvernement se dit déterminé à bel et bien les mettre en place dès le 1er avril 2021."