Réforme des retraites - Les annonces du 18 juillet

Réforme des retraites - Les annonces du 18 juillet

Les principales annonces faites par Jean-Paul Delevoye ce jeudi 18 juillet 2019 au matin sont résumées ci-dessous. Les liens vers le rapport et le dossier de presse se trouvent à la fin de cet article.

–– Age d'équilibre à 64 ans ––

Le projet de loi devrait être présenté fin 2019 ou début 2020 avec un vote probable après les élections municipales de mars 2020.

Cet article sera mis à jour au fur et à mesure que les annonces seront précisées. N'hésitez pas à y revenir.

Durée de cotisation

La notion de durée minimum de cotisation disparaît dans le futur nouveau système.

Elle est remplacée par d'autres incitations à ne pas partir à la retraite trop tôt, voire à partir à la retraite au-delà d'un certain âge appelé âge d'équilibre ou âge pivot.

Age de départ en retraite / âge d'équilibre / âge pivot

Il y aura un « âge d'équilibre » dans le futur système de retraite. Pour que cet âge d'équilibre ait un sens, deux mécanismes seront mis en place autour de 64 ans (génération née en 1963 partant donc à la retraite en 2027). Départ à la retraite avant 64 ans : décote de -5% par an. Départ à la retraite après 64 ans : surcote de +5% par an.

Décote -5% / Surcote +5% par année

Une notion n'est pas tout à fait claire car politiquement très sensible, c'est la façon dont « l'âge du taux plein permettant une retraite complète  » sera défini et évoluera.

Le Haut-Commissaire veut en effet poursuivre un double objectif d'équilibre et de travailler plus longtemps. Il constate par ailleurs que, dans le système actuel, l'âge de départ à taux plein (pour ceux qui n'ont pas acquis assez de trimestres) varie entre 62 et 67 ans selon la durée travaillée et l'année de naissance.

Ainsi en disant : « Nous gardons un âge plancher à 62 ans, mais si tout le monde part à 62 ans, le régime est déséquilibré », Jean-Paul Delevoye reconnaît qu'il est nécessaire de repousser l'âge effectif de départ, pour des raisons en premier lieu d'équilibre financier. Il vient contrebalancer ce propos en précisant que sa décote sera plus ou moins indolore. En effet, selon lui, aujourd'hui si l'on part avant d'avoir le nombre de trimestres requis on subit une double peine avec à la fois -5 % par année manquante, mais aussi une perte au prorata du nombre de trimestres manquants.

Il veut définir un nouvel âge de taux plein qui sera(it) le même pour tous, mais surtout, qui évoluerait « comme l'espérance de vie ». Ceci revient à définir dès à présent un futur paramètre de pilotage du système.

Assiette de cotisation

Celle-ci va diminuer. Au lieu de cotiser sur la totalité du revenu comme aujourd'hui, dans tous les régimes, on ne cotisera "plus" que jusqu'à 10.000 EUR de revenu mensuel.

Ce qui réduit d'autant les cotisations, mais aussi les droits à retraite. Il n'y a pas assez de cotisants au-delà de 10.000 EUR pour que le système soit viable pour ces cotisants à haut revenu.

Equilibre financier du système de retraites

Jean-Paul Delevoye prévoit de créer la fameuse « règle d'or » d'équilibre.

Son objectif est d'asssurer que le système des retraites soit viable, et donc financièrement équilibré à moyen et long terme.

Equilibre des flux sur 5 ans glissants

Ce que l'on sait aujourd'hui de cette « règle d'or », qui reste à définir, c'est qu'elle fonctionnera par périodes de 5 ans. Sur chaque période de 5 ans on regardera les flux entrants (cotisations) et sortants (pensions). Le flux net cumulé sur 5 ans (cotisations - pensions) devra être supérieur ou égal à zéro afin de vérifier que le système ne consomme pas de ressources financières. L'objectif est de ne pas raisonner en rythme annuel mais d'avoir un peu de recul. Quoique 5 ans soit déjà assez court.

Prise en compte de l'intégralité de la carrière

Par défaut, dans le nouveau système, chaque euro cotisé ouvrira des droits, les mêmes pour tous. Il n'y a plus ni notion de durée de cotisation, ni des 25 meilleures années, ni des 6 derniers mois. Il n'y a plus non plus de notion de cotisation minimum pour valider un trimestre.

Toute la carrière du 1er au dernier jour

Par construction, dans le nouveau système, la carrière est prise en compte dans son intégralité et dans ses moindres détails. Selon les situations, cela peut avoir des effets positifs ou négatifs. Les deux cas se présentent.

Solidarité nationale et retraites minimales

Le Haut-Commissaire à la réforme des retraites Jean-Paul Delevoye introduit une nouveauté et une nouvelle harmonisation en relevant la pension de retraite minimum.

Minimum 85% du SMIC

Elle serait de 85% du SMIC ce qui représente une hausse, en moyenne, de +4% pour les salariés et de +10% pour les agriculteurs. Autre nouveauté, cela devrait bénéficier à tous de façon universelle quel que soit le régime de retraite aujourd'hui.

Veufs et veuves - réversions

Sujet très sensible que celui des pensions de réversion versées aujourd'hui au conjoint marié d'un pensionné décédé.

La réforme prévoit un système de réversion encore à préciser qui garantirait au veuf ou à la veuve de percevoir, après le décès, l'équivalent de 70% du total des pensions de retraite que le couple percevait avant le décès.

Réversion unifiée à 70% de la retraite totale

Ceci a le mérite de la clarté et de la simplicité. C'est très différent du système actuel dans lequel on ne prenait pas en compte la pension du survivant veuf ou veuve dans le calcul. Ce système était devenu totalement illisible, avec 13 règles différentes à ce jour !

C'est ainsi que l'on verra disparaître les règles actuelles, très compliquées et variables selon les régimes, avec différents taux de réversion, des âges minima, des plafonds de ressources, des conditions de durée de mariage ou d'enfants, ou de non-remariage. Tout ceci pour se focaliser sur une notion de niveau de vie garanti pour le conjoint survivant qui a le mérite de la simplicité (mais ne sera pas toujours plus favorable pour autant que la règle antérieure, attention sur ce point, là aussi il y aura des gagnants et des perdants).

Monsieur Develoye précise par ailleurs un point important que beaucoup attendaient : les retraités actuels ne connaîtront aucun changement et le mode de réversion pour eux ou leur conjoint restera défini selon les règles actuelles.

Un autre changement très important, et qui sera source d'économies : aujourd'hui, un ex-conjoint non remarié percevait le plus souvent une pension de réversion (avec des exceptions possibles, mais c'était la règle la plus commune). Demain, avec cette nouvelle règle, il devrait ne rien percevoir puisque, par définition, son niveau de vie ne sera pas impacté par le décès de son ex conjoint puisqu'il ne vivait déjà plus avec lui et ne bénéficiait donc pas de sa pension. C'est un des changements majeurs sur la pension de réversion. Il sera bien évidemment source d'économies pour le futur régime de retraite compte tenu du nombre important de divorces dans notre pays.

Ce système se mettra donc en place pour les futures nouvelles pensions.

Familles nombreuses

Après les pensions de réversion, un autre mécanisme de solidarité était très attendu, la prise en compte des majorations pour les retraités qui ont eu ou élevé plusieurs enfants dans une famille dite nombreuse.

Majoration dès le 1er enfant, plus faible, mais partageable

Le rapport de Jean-Paul Delevoye propose, pour suivre les « évolutions de la société » :

  • majoration de +5% de la retraite par enfant pour le couple, ceci dès le premier enfant (pour mémoire aujourd'hui la majoration est de +10 % par parent mais ne s'applique qu'à partir de 3 enfants et plus)
  • Partage possible de la majoration entre les deux parents (pour mémoire, aujourd'hui les deux parents bénéficient de la majoration)
  • A défaut d'accord, c'est la mère de famille qui bénéficiera de la majoration, compte tenu d'une retraite en moyenne inférieur de 42% à celle des hommes.

A ce sujet, le Haut-Commissaire souligne que les femmes devraient, à ses yeux « être les principales bénéficiaires des mesures de solidarité liées aux droits familiaux ».

Cependant, pour 3 enfants, la réforme est moins favorable qu'avant : 15% à se partager en deux, cela fait 7,5% par parent au lieu de 10% avant. Avec 4 enfants, c'est neutre : 20% en deux soit 10% chacun, comme avant. A partir de 5 enfants, on commence à y gagner : 12,5% par retraité au lieu de 10% avant. Mais ... combien de couples ayant eu plus de 5 enfants prendront-ils leur retraite à partir de 2025 ? Sans doute très peu.

Il n'est pas encore certain si cette réforme s'appliquera ou non aux enfants nés avant 2025. Ce qui posera là aussi la question de la transition.

Baisse des pensions

Pour les toutes petites retraites, c'est plutôt une hausse des pensions qui s'appliquera (voir plus haut).

Des pensions plutôt en hausse, avec plus de travail en contrepartie

Pour les très hauts revenus, leur pension baissera, mais leurs cotisations baisseront elles aussi à due proportion.

Epargne supplémentaire par capitalisation

Compte tenu de la baisse des tranches de cotisations obligatoires, les très hauts revenus (salariés ou indépendants) devront faire un choix : soit cotiser moins et donc avoir moins de retraite, soit cotiser autant qu'aujourd'hui - ou différemment - et pour cela avoir recours à des systèmes privés de retraite tels que le nouveau Plan d'Epargne Retraite en vigueur à compter du 1er octobre 2019.

Une épargne par capitalisation qui sort renforcée

Taux de cotisation

Le taux de cotisation sera identique pour le public et le privé, soit 28,12 % (répartis comme suit : 40% salarié / 60 % employeur ). Il n'est pas figé dans le marbre, ni sa répartition entre employeur et salarié.

28% de cotisation totale

Double indexation : pensions / points

Pensions indexées sur l'inflation

On avait beaucoup dit que les pensions seraient enfin indexées sur les salaires. Il n'en sera finalement rien. Elles continueront à être indexées sur les prix. C'est déjà le cas aujourd'hui, avec un problème notable, c'est qu'en plus elles sont été sous-indexées.

L'indexation sur les prix n'est pas en soi un problème si elle est réellement appliquée.

Points indexés sur les revenus moyens

Quant à eux, les points de retraite acquis tout au long de la carrière seront bien, eux, indexés sur les revenus moyens (« La revalorisation tiendra compte de l’évolution des revenus moyens en France. »). Ce qui est assez logique puisqu'ils représentent une contribution de type salarial (ou équivalent pour les indépendants). C'est une réelle avancée par rapport aux droits acquis qui sont, aujourd'hui, indexés sur les prix, comme les pensions. Le Haut-Commissaire Delevoye ne manque d'ailleurs pas de relever qu' « actuellement, les droits accumulés à 25 ans valent 30 à 40 % de moins quand vous partez à la retraite » et, qu'ainsi, « la valeur du point ne pourra pas baisser dans le temps ».

Indépendants

Ils bénéficieront encore d'une sorte d'exception. Certes la valeur de leur retraite par point devrait être la même que pour tous. Mais, comme ils cotisent très peu aujourd'hui, ils continueront à cotiser moins que les autres (salariés et fonctionnaires). Cependant, puisque à cotisation égale retraite égale, comme ils cotiseront beaucoup moins, de l'ordre de 2 fois moins, ils auront une retraite beaucoup plus petite, de l'ordre de 2 fois moins elle aussi.

Des indépendants pas forcément gagnants, bien au contraire

Ce seront donc ceux qui auront le plus intérêt, avec les hauts revenus, à se tourner vers les systèmes privés de retraite par capitalisation. Ils le font déjà un peu aujourd'hui, il leur faudra le faire encore plus.

Fonctionnaires

Ils seront alignés sur le régime commun. Deux grands changements : plus de prise en compte des 6 derniers mois. Et, grande nouveauté, les primes seront progressivement intégrées dans l'assiette de calcul des cotisations et donc génératrices de droits tout au long de la carrière, en plus du traitement.

Régimes spéciaux

Ils seront progressivement alignés sur le futur régime unique et fondus dans un régime universel.

Subsiste la question de la période de transition et du financement de leurs avantages acquis actuels tant qu'ils continueront à être versés.

Hauts salaires

On parle de salariés ou d'indépendants gagnant plus de 10.000 EUR nets (salaire / BIC / BNC) par mois. Leurs cotisations obligatoires aux régimes de retraite publics vont baisser. En effet, au lieu de cotiser, comme aujourd'hui, sur la totalité de leur revenu professionnel, ils cotiseront "uniquement" jusqu'à 10.000 EUR. De ce fait, ils acquerront moins de droits à la retraite. S'ils veulent compenser, il leur faudra se tourner vers des systèmes privés par capitalisation, que ceux-ci soient individuels (PERP / Madelin aujourd'hui, PER demain) ou collectifs (articles 39, 82, 83, PERCO aujourd'hui, PER demain).

Les hauts salaires doivent repenser la préparation de leur retraite

Conclusions provisoires

Dès 2025, ce nouveau système de retraites remplacera les 42 régimes de retraite existants.

Il apporte de très nombreuses nouveautés qui ont pour buts principaux d'assurer la pérennité financière, plus d'égalité, plus de lisibilité, et une simplification du maquis actuel.

Beaucoup de points restent à préciser et demanderont une lecture attentive des propositions de Monsieur Delevoye, et surtout du projet de loi qui sera présenté.

Beaucoup de questions demeurents

On peut dire dès à présent qu'il faudra travailler plus longtemps et que 64 ans n'est qu'une première étape. Il est certain que l'âge d'équilibre sera encore relevé dans le futur. De même il était et demeure essentiel de compléter sa retraite obligatoire par une retraite personnelle car les équilibres démographiques ne pourront mathématiquement pas permettre de suivre la progression du niveau de vie des salariés - sauf à augmenter très drastiquement l'âge de départ en retraite ou le niveau des cotisations.

L'âge d'équilibre de 64 ans semble faire l'unanimité contre lui

Questions subsistantes

  • Processus de transition
  • Garantie des droits acquis
  • Sorts des réserves des régimes excédentaires (AGIRC-ARRCO, professions libérales, avocats CNBF...)
  • Transition des régimes spéciaux et fonctionnaires
  • Niveau de baisse (ou non) des pensions
  • Gouvernance du système : paritaire ? gouvernemental ? mixte ?
  • Modalités pratiques de gestion du futur système paramétrique et notamment le paramètre clef de la valeur de conversion du point
  • Futur dispositif carrières longues
  • Détails sur les gagnants et perdants du futur régime, la communication n'étant pour le moment focalisée que sur les gagnants

Liens

Le rapport complet et ses annexes

Le dossier de presse

Aïda Cancel

M.D., Ph.D. en psychiatrie et neurosciences

5 ans

Des perspectives bien angoissantes...

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