Régime « participation exemption » : des conditions de plus en plus souples

Régime « participation exemption » : des conditions de plus en plus souples

Titres de participation : la condition de détention de 5 % du capital s'apprécie à la date de cession

I. L’arrêt

Par un arrêt CE 8e -3e ch. 26-1-2018 n° 408219, SAS EBM, le Conseil d’Etat apporte des précisions importantes quant au moment de l’appréciation de la condition de détention d’au moins 5% du capital dans le cadre du régime de faveur des plus-values à long terme.

En l’espèce, la société EBM a cédé, le 5 janvier 2007, des actions de la société Inthérior qu’elle détenait. Pour traiter les plus-values à long terme résultant de l’opération, la société EBM a fait application du régime fiscal allégé de l’art. 219 I a quinquies du CGI portant le taux d’imposition à 0%, défalcation faite d’une quote-part de frais et charge de 12%. L’administration a remis en cause cette imposition à un taux nul. Le tribunal administratif de Strasbourg, confirmé par la cour administrative d’appel de Nancy a rejeté la demande de la société tendant à la décharge de cette imposition. La société s’est pourvue en cassation, ce qui a donné lieu au présent arrêt.

Dans cet arrêt, le Conseil d’Etat relève qu’ « il résulte des termes mêmes du b de l'article 145 du code général des impôts que la condition à laquelle ces dispositions subordonnent le bénéfice du régime fiscal des sociétés mères, tenant à la détention d'au moins 5 % du capital de l'émettrice, s'apprécie à la date du fait générateur de l'impôt - c'est-à-dire, s'agissant d'une plus-value de cession, à la date de la cession - et non de manière continue sur une période de deux ans ». Dès lors, commet une erreur de droit la cour administrative d'appel qui considère que ne peuvent être regardés comme des titres ouvrant droit au régime des sociétés mères des titres qui ne représentent pas durant l'intégralité de la période de deux années précédant leur cession au moins 5 % du capital de la société émettrice.

Le pourvoi est néanmoins rejeté au motif que la société EBM n’a pas respecté certaines conditions formelles à savoir « l'inscription en comptabilité des titres de la société Intherior à la date de la cession en cause dans le litige ».

II. Le contexte juridique

Pour comprendre l’arrêt du Conseil d’Etat et ses enjeux, il convient de planter le décor juridique du régime de faveur de l’art. 219 I a quinquies du CGI ;

a. Mécanisme

Alors que les sociétés soumises à l’IS sont en principe exclues depuis 1997 du régime de faveur des plus-values à long terme, l’art. 219 I a quinquies du CGI se présente comme une sorte d’enclave. Le mécanisme de ce régime est le suivant : Les plus-values réalisées par une telle société sont soumises à un taux nul, sous réserve de la réintégration dans le résultat imposable d’une quote-part aujourd’hui fixée à 12%

b. conditions

Pour bénéficier de ce régime, les dispositions de l’art. 39 duodecies prévoient que les actifs cédés doivent être détenus depuis au moins 2 ans. (Au surplus, la société ne doit pas être située dans un Etat ou territoire non coopératif[1]).

Par ailleurs, et c’est là l’un des enjeux de l’arrêt, il faut prêter une attention toute particulière à la catégorie des titres éligibles au régime de faveur ;

-Sont tout d’abord éligibles les titres de participation au sens du plan comptable, c’est-à-dire ceux dont la possession durable est estimée utile à l’activité de l’entreprise, notamment parce qu’elle permet d’exercer une influence sur la société émettrice des titres ou d’en assurer le contrôle. Une telle utilité pouvant notamment être caractérisée si les conditions d'achat des titres en cause révèlent l'intention de l'acquéreur d'exercer une influence sur la société émettrice et lui donnent les moyens d'exercer une telle influence. A cet égard, le Conseil d’Etat relève que « ni l'intention de la société requérante d'exercer une influence sur la société émettrice, ni son intention d'en assurer le contrôle n'étaient caractérisées et que les titres en cause ne pouvaient ainsi être regardés comme des titres de participation revêtant ce caractère sur le plan comptable ».

-Sont encore éligibles les titres ouvrant droit au régime des sociétés mère sans avoir, sur le plan comptable, le caractère de titres de participation à la condition :

  1. d'être inscrits en comptabilité au compte de titre de participation ou à une subdivision spéciale d'un autre compte du bilan correspondant à leur qualification comptable. En l’espèce, c’est le non-respect de cette obligation formelle qui a conduit au rejet du pourvoir de la société EBM.
  2. d'une détention d'au moins 5 % du capital et des droits de votes[2] dans la société dont les titres sont cédés.

III. Commentaire

L’arrêt a une portée pratique considérable. Outre le fait qu’il nous donne l’occasion d’expliciter dans le détail les conditions du régime de faveur des plus-values à long terme, le Conseil d’Etat est amené à préciser la date à laquelle la condition de détention d’au moins 5% du capital prévue à l’art. 145, 1-b du CGI doit être appréciée.

Selon l’art. 145, 1-b du CGI : « Les titres de participation doivent être détenus en pleine propriété ou en nue-propriété et doivent représenter au moins 5 % du capital de la société émettrice […]; ce pourcentage s'apprécie à la date de mise en paiement des produits de la participation ». Cet article nous parle de « produit de participation ». Sont concernés les produits que la société mère reçoit de sa filiale en sa qualité d'actionnaire ou de porteur de parts, c’est-à-dire globalement les dividendes et les intérêts[3]. A proprement parlé, la règle de l’art. 145, 1-b du CGI selon laquelle « ce pourcentage s’apprécie à la date de mise en paiement des produits de la participation » n’est donc pas transposable telle quelle aux plus-values à long terme résultant d’une cession de titres.

Il semble pourtant que le CE ait raisonné par analogie. En effet, ce dernier retient que c’est le fait générateur de l’imposition qui est déterminant pour l’appréciation de la condition de détention d’au moins 5% du capital. En ce qui concerne les plus-values de cession, c’est donc à la date de cession qu’il faut se référer. On pourrait considérer que la date de cession n’est que la traduction en cette matière de la « mise en paiement » pour les produits de participation.

Cette interprétation par analogie est convaincante eu égard au lien très tenu qu’entretiennent produits de participation et plus-values. Une plus-value correspond en effet économiquement à un dividende latent, c’est-à-dire non encore distribué. L’actionnaire qui achète des titres à un prix originaire de 100 et qui voit la valeur de ceux-ci portée à 150 du fait d’une mise en réserve d’un montant de 50 par la société se trouve face à un choix. Soit il peut revendre les titres et réaliser une plus-value de 50, soit il peut tout aussi bien recevoir ces 50 lors d’une distribution. Ces 50 représentant la même réalité économique, il serait inopportun de les imposer différemment.

C’est cette idée qui sous-tend le régime de faveur des plus-values à long terme et le raisonnement du CE doit être approuvé. En particulier, il a évité l’écueil dans lequel est tombée la cour administrative d’appel qui retient une appréciation continue sur une période de deux ans pour l’appréciation de la condition de détention du capital, celle-ci faisant une lecture combinée de cette condition avec celle de conservation des titres prévue au même article.

La solution du CE ravira les acteurs économiques qui ne seront plus tenu de veiller à ce que leurs titres représentent durant l'intégralité de la période de deux années précédant leur cession au moins 5 % du capital de la société émettrice. Ceux-ci n’auront notamment plus à craindre de perdre le droit au régime de faveur du seul fait de la dilution de leur participation par une augmentation de capital dès lors que les titres forment à nouveaux 5% au moins du capital le jour de la cession.

Lien vers l'arrêt : https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?oldAction=rechJuriAdmin&idTexte=CETATEXT000036550309&fastReqId=149652720&fastPos=1





[1] Cette condition trouve un tempérament depuis la Déc. n°2014-437 QPC du 20 janv. 2015 qui permet au contribuable d’apporter la preuve de ce que la prise de participation dans une société établie dans un ETNC représente des opérations réelles n’ayant pas un but de fraude fiscale.

[2] Cette exigence de droit de vote distingue aujourd’hui le régime de faveur des plus-values à long terme du régime de faveur des sociétés-mères. En effet, l’exigence des droits de vote a été supprimée par le célèbre arrêt Metro Holding.

[3] Voir plus en détail BOI-IS-BASE-10-10-20-20170607

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