Réindustrialiser oui, mais comment ?
L’histoire industrielle française du dernier demi-siècle est celle d’une dégringolade vertigineuse : en chiffres arrondis, un emploi sur deux a disparu (il reste aujourd’hui 3 millions d’emplois, soit 10% de la population active) et la contribution de l’industrie à la richesse nationale s’est réduite dans les mêmes proportions (passant de 20% en 1970 à 9,5% actuellement).
Le gouvernement, par la voix du ministre de l’économie, affiche un objectif de relancer l’industrie pour atteindre 15% du PIB … à une date qui n’a pas été précisée.
Quelles sont nos chances d’atteindre un tel objectif ? Cela suppose qu’on ait au préalable une analyse des causes et des contre-mesures réalistes et efficaces pour chacune d’entre elles.
Une cause majeure de désindustrialisation, alors que la consommation atteint depuis des années des niveaux record, est l’importation massive des biens manufacturés depuis les pays à bas coûts de production. Il serait bien difficile pour le consommateur d’exercer partout et toujours une politique de préférence nationale à l’achat alors que le pouvoir d’achat s’en trouverait réduit d’un facteur non négligeable. De même, les industriels opérant en France peuvent difficilement éviter d’avoir recours à des fournisseurs des pays à bas coûts alors que leurs produits sont soumis à la concurrence, et que leurs marges comme leurs volumes de production dépendent de leur capacité à atteindre un prix de revient compétitif. La différence importante dans les structures de coûts de production entre la France et le reste du monde est donc déterminante. Dans un produit manufacturé moyen, la part du coût qui dépend des taux main d’œuvre, c’est-à-dire des salaires et des charges, est majeure. Les Français sont-ils prêts pour autant à réduire leurs salaires ou à voir diminuer les prestations sociales qui dépendent des charges ? La réponse, évidente, met en lumière la difficulté de la réindustrialisation : dans cette course à handicap, les productions françaises sont lourdement désavantagées. L’industrie française peut servir le marché intérieur et les pays voisins dans la mesure où elle trouve des facteurs pour rétablir sa compétitivité par d’autres moyens :
- Proposer des produits dont le coût de transport absorbe les surcoûts structurels de la production nationale - le problème étant que dans l’environnement relativement proche se trouvent des pays à faible coût main d’œuvre : pays de l’Est tels que la Roumanie ou la Pologne, Portugal, pays du Maghreb et Turquie font partie des pays fournisseurs les plus sollicités. C’est malgré tout le créneau dans lequel s’inscrit la préservation des sites de production automobile. Les coûts logistiques très importants attachés au produit final permettent parfois de valider une poursuite de l’investissement dans les sites français.
- L’innovation technologique. C’est la voie de plusieurs entreprises, et pas seulement dans les nouvelles technologies : les tôles spéciales structurées (comme celles avec effet antidérapant) et les profilés acier de la sidérurgie française ont par exemple su s’imposer sur le marché mondial.
- L’innovation sociétale. Par exemple, devant la raréfaction de certaines ressources naturelles et devant l’accumulation des déchets, l'industrie de demain est appelée à se déployer dans l’économie circulaire, afin d’exploiter les ressources qui étaient autrefois considérées comme des déchets, et à fournir des services permettant la rénovation et de nouvelles utilisations des produits. Conquérir une position de leader sur le marché de la durabilité permet sans aucun doute de franchir un grand pas pour assurer l’avenir d’une entreprise.
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Dans tous les cas, il s’agit d’une voie étroite. La maîtrise des coûts comme le fait de rester à la pointe de la technologie devant des concurrents qui ne chôment pas est un art difficile.
PME comme ETI doivent pouvoir trouver les ressources pour faire la différence dans un environnement hautement défavorable. Leurs efforts seront couronnés de succès si tous les intervenants collaborent :
- le gouvernement qui semble déterminé à simplifier les procédures et à alléger les charges – en espérant que ces intentions se concrétisent avec des résultats rapides et concrets ;
- les entreprises qui doivent renforcer leur analyse des coûts et leur investissement R&D ;
- les grandes écoles, universités et écoles techniques qui doivent enseigner à la fois les compétences et les responsabilités des futurs ingénieurs, cadres et dirigeants ;
- la communauté des consultants, coaches et business angels, souvent sortis de manière anticipée des effectifs des entreprises au nom de la réduction des coûts, qui doivent accepter de continuer à mettre leur know-how à la disposition des entreprises.
Il n’y a pas de formule magique. Le progrès de la réindustrialisation viendra par un effort soutenu et continu. L’avenir est incertain mais nous avons comme atout dans notre jeu un capital de connaissances et d’expérience qui pourrait d’ailleurs être menacé à terme, s’il n’était pas réinvesti rapidement dans de nouvelles expériences. Il s’agira de mobiliser ces atouts fortement dès 2024.
Software engineer
11 moisJ'espère me tromper mais, à l'échelle de l'Europe, je suis très sceptique quant au potentiel de réindustrialisation des pays désindustrialisés. L'Europe souffre de nombreux désavantages comparatifs en la matière, notamment : - La réglementation la plus complexe au monde, notamment en matière commerciale, environnementale, urbanistique et du droit du travail. - Des coûts salariaux les plus élevés au monde (avec l'Amérique du Nord). - Un niveau de prélèvements obligatoires le plus élevé au monde. - Une énergie plus chère qu'en Asie (8 fois plus) et qu'en Amérique du Nord (15 fois plus). Un sous-sol pauvre et peu exploité (l'industrie n'est jamais rien d'autre que la transformation de matériaux issus de la croute terrestre en produits sophistiqués). - Une concurrence américaine subventionnée à outrance dans le cadre du Reduction Inflation Act. Il faudrait sans doute nuancer ce constat général, filière par filière, mais globalement, je ne vois pas comment des industriels pourraient prendre la décision de développer de nouvelles capacités de production industrielles dans la région du monde où il est le moins pertinent de les implanter.
Fondateur PKMUNDO Conseil. Expert de la performance industrielle. L'optimisation de vos coûts logistiques et de production industrielle à l'aide de la méthode MONOZUKURI.
11 moisDe nombreux leviers sont activable pour améliorer la performance et #industrialiser en France . En matière de #logistique, de #conception produit, d' #efficience #operationnelle. #monozukuri
Supply Chain & Qualité spécialiste
11 moisIntéressant Antoine, et une très bonne année à toi 🙏
𝘾𝙤𝙣𝙨𝙚𝙞𝙡 𝙖𝙪𝙭 𝙙𝙞𝙧𝙚𝙘𝙩𝙞𝙤𝙣𝙨 𝙜𝙚́𝙣𝙚́𝙧𝙖𝙡𝙚𝙨 (CEO, COO) - Performance industrielle, Industrie 4.0, ERP😱. 𝘼𝙪𝙩𝙚𝙪𝙧 & 𝙘𝙤𝙣𝙛𝙚́𝙧𝙚𝙣𝙘𝙞𝙚𝙧 : changer d'approche sur l'industrie 4.0 et l'IA🏭.
11 moisLa question du coût de production est essentielle. Nul n’est prêt à payer un surcoût significatif à qualité égale pour un même produit, Antoine Jaulmes
Rentabilisez votre visite d'entreprise industrielle
11 moisTous les leviers sont à activer. Faire savoir que l'on existe, que l'on est vertueux et que l'on a des produits de qualité à travers la #visitedentreprise peut aider à le mettre en évidence pour l'#industrie #madeinfrance Soutien