Réputation de marque : un rappel produit est-il forcément négatif en communication de crise ?

Réputation de marque : un rappel produit est-il forcément négatif en communication de crise ?

Un rappel de produit est souvent vécu par l’entreprise comme un événement traumatisant où réputation de la marque et confiance des consommateurs peuvent rapidement s’évaporer. Avec en prime, des impacts sociaux, financiers, voire réglementaires qui peuvent durablement obérer la compétitivité d’une société. Paradoxalement, un retrait temporaire ou définitif ne sonne pas forcément le glas réputationnel. Si certains fondamentaux sont respectés, la communication qui accompagne la crise, peut aider à surmonter les obstacles et même être source d’améliorations et de confiance pour ses clients. Réflexions à travers plusieurs cas emblématiques.

En janvier 2016, le site d’informations de consommateurs RappelsProduits.fr a inventorié par moins de 38 rappels de produits défaillants sur le marché français. Dans cette litanie qui tient véritablement de l’inventaire à la Prévert, tous les secteurs sont concernés. On y trouve même des marques prestigieuses comme Microsoft dont le câble d’alimentation de la tablette Surface Pro peut surchauffer et se détériorer ou encore Ikea aux prises avec un jouet en bois pour enfant dont certaines pièces peuvent se détacher et provoquer un étouffement en cas d’ingestion. Pourtant, aucun de ces retraits n’aura fait l’objet d’un déchaînement sur les réseaux sociaux ou d’une couverture médiatique intense. Dès lors, comment expliquer qu’au même moment, Ferrero se soit alors retrouvé sous le feu de la crise publique suite à la mort d’une fillette ayant avalé un jouet contenu dans un œuf Kinder Surprise ou que Renault ait dû rappeler 15 800 Captur au garage pour les remettre aux normes anti-pollution ?

L’émotion, ce facteur que les entreprises ont du mal à admettre

Même si tout est mis en œuvre par les industriels pour que leurs produits satisfassent aux règlements en vigueur et procurent une expérience positive pour les acheteurs, il ne se passe pourtant quasiment plus aucun jour sans que quelque part, un rappel produit n’intervienne pour diverses raisons. Si la majorité des opérations reste communément sous le radar médiatique et/ou buzze timidement sur les réseaux sociaux, d’autres se retrouvent très vite sur le gril mais rarement par hasard. Le premier critère qui transforme un produit déficient (ou jugé comme tel) en crise ouverte, est l’émotion de l’opinion publique. Plus les gens sont nombreux à se sentir concernés (ou l’être potentiellement) par une anomalie, plus le risque augmente pour le produit de se retrouver en zone de turbulence communicante très forte.

En mai 2014, la marque Cadbury s’est ainsi retrouvée au cœur d’un cyclone médiatique concernant deux références de sa gamme de tablettes de chocolat commercialisée en Malaisie. La raison ? Un test mené par un organisme gouvernemental qui aurait détecté des traces d’ADN porcin contenues dans les tablettes alors que la loi du pays stipule que tout produit alimentaire doit être halal et rien d’autre. La nouvelle a aussitôt entraîné un déchaînement de critiques, d’appels au boycott et même des menaces d’incendier l’usine de Cadbury. D’emblée, Cadbury a immédiatement retiré les lots suspects et a joué ouvertement la carte de la transparence avec les autorités comme avec l’opinion publique sans relâche. Bien que la marque soit au final blanchie, sa posture coopérative instantanée a déminé l’émotion collective et la défiance naissante. Un pari gagnant puisqu’en décembre 2024, les ventes étaient déjà revenues à 80% du niveau d’avant crise (1).

Retard à l’allumage = ratage

Plus un produit est susceptible de toucher émotionnellement du monde, plus le niveau de crise d’un produit devient en effet incrémentalement très sensible. Dès lors que la santé, la vie humaine, la sécurité ou même les croyances religieuses ou sociétales sont impactées, il devient essentiel de réagir sous peine de largement endommager la réputation de sa marque et la confiance de son écosystème. Pour ne l’avoir pas compris en 2010, le constructeur automobile Toyota a subi l’une des plus violentes crises qu’il n’ait jamais connue. Tout commence lors de l’été 2009 où le nouveau PDG de Toyota vient d’être informé d’un cas d’accident mortel survenu sur son modèle de luxe Lexus aux Etats-Unis. L’accélérateur serait resté collé au tapis de sol de la voiture. Une famille entière perd ainsi la vie tandis que d’autres faits évoquant cette fois des freins défaillants commencent en parallèle à s’accumuler et le nombre de victimes aussi.

Pourtant, Toyota va temporiser jusqu’en novembre 2009 avant procéder aux premiers rappels de véhicules (4 millions au départ) et commencer à prendre langue avec les autorités américaines mais sans communiquer auprès des consommateurs. Au lieu d’endosser pleinement la responsabilité du dossier, Toyota va même ergoter en mettant en cause son équipementier américain CTS. Le régulateur américain s’en mêle et met la pression maximum sur le fabricant nippon qui révèle enfin publiquement en février 2010 l’étendue des dégâts et les procédures mises en place par l’entreprise pour réparer ceux-ci. Trop tard ! Devant la vive émotion du public qui apprend que des gens sont morts à cause notamment d’une réaction tardive, l’emballement médiatique bat son plein. Les ventes mensuelles de Toyota aux USA passent sous la barre des 100 000 véhicules, une première depuis 10 ans (2).

La prise en compte lente d’un problème produit est à cet égard le second élément délétère mais il n’en demeure pas moins que le critère émotionnel domine et accentue l’ensemble. Preuve en est avec la récente affaire Volkswagen qui a admis en septembre 2015 avoir truqué volontairement les émissions polluantes de plusieurs de ses moteurs diesel un peu partout dans le monde. Là aussi, la marque allemande ne va pas briller par sa célérité à agir. Son PDG peine à démissionner. Son successeur annonce un plan de rappels de voitures qui tarde à se mettre en place et les médias font leurs choux gras de cette tricherie planétaire. Néanmoins, à la différence de Toyota et même si Volkswagen joue quand même très gros en matière de réputation et de conséquences financières, l’émotion ne sera pas la même que celle qui s’est abattue sur Toyota. Dans cette histoire en effet, aucune victime n’est à déplorer si ce n’est la qualité de l’environnement et de l’air qu’on respire. Dans l’imaginaire collectif, ce n’est du coup pas la même chose. L’appropriation émotionnelle fonctionne moins bien. Aujourd’hui, la colère est clairement chez les possesseurs de Volkswagen qui se sentent floués mais nettement moins chez les autres automobilistes qui continuent de considérer VW comme une marque certes pas franchement éthique mais aux qualités mécaniques et design avérées.

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