#RDD2023 - Ruptures géopolitiques et transformations écologiques ? Plaidoyer pour un néo-réalisme.
Monsieur le Directeur général, cher Léon,
Chers partenaires, Chers intervenants,
Chers participants des Rencontres du Développement Durable 2023,
Mesdames et Messieurs,
Il y a un an, l’Institut Open Diplomacy vous rassemblait à l’Assemblée nationale, sous le haut patronage de sa présidente, pour le 7e anniversaire français de l’adoption des Objectifs de Développement Durable des Nations unies.
Cette année, il fallait donc un endroit tout aussi vibrant que le Palais Bourbon pour accueillir les Rencontres du Développement Durable. Et quoi de mieux qu’un campus aussi vivant que celui de l’ESCP, cher Léon, pour lancer ce trimestre de réflexion !
Merci beaucoup à toi d’avoir accepté de recevoir ce rendez-vous démocratique ici avant de le poursuivre avec nos collègues de CentraleSupélec (11/10), de BSB (18/10), des Arts & Métiers (8/11) et de MBS (15/11)... le tout sous l’égide du Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires.
Le Ministre Béchu vient de le dire [ndlr, cf. son intervention précédant la mienne] : à cette tribune, il y a un an, il annonçait avec Mme Chrysoula Zacharopoulou, Secrétaire d’Etat au Développement, aux Partenariats internationaux et à la Francophonie, que la France présenterait cette année son bilan en matière de développement durable aux Nations unies.
Ils l’ont dit ; on l’a fait. Je dis « on » car suite à cette annonce, nous nous sommes collectivement - je reconnais beaucoup de dirigeants engagés à cette fin dans la salle - mobilisés pour que la société civile, les universités, les associations, les entreprises, les collectivités, puissent contribuer à ce bilan.
C’est dans cet esprit que l’Institut Open Diplomacy a initié et animé la Conférence contributive du 22 mai. Celle-ci est venue enrichir le bilan dressé par le Commissariat général au Développement durable avec deux apports : 23 propositions, passionnantes ; et 5 initiatives inspirantes.
Pourquoi vous parler de ce qui s’est passé alors que nous sommes résolument tournés vers l’avenir ?
Parce que ce bilan - la Revue Nationale Volontaire de la France - a été présenté aux Nations unies en juillet en intégrant in extenso ces contributions. Et c’est un signe de confiance démocratique envers nous qui nous honore et nous engage.
Parce que ce sont les porteurs de projets choisis parmi plus de 100 candidats issus de 53 départements différents, qui ont témoigné de l’engagement de la France pour les ODD à l’ONU cet été.
De l’Isère à l'Hérault, du Doubs à la Seine Saint Denis, ils étaient présents au Forum politique de haut niveau des Nations unies pour le Développement durable. Je le sais : j’ai eu l’immense honneur, à la demande du Gouvernement, d'animer cet événement qui s’est tenu le 18 juillet 2023 en salle 8 du Quartier-Général de l’ONU.
« On l’a fait », donc. L’Etat français, qui a fait un immense travail de documentation interministérielle pour rendre compte des avancées (ou des difficultés) de la feuille de route française pour l’Agenda 2030. Mais aussi la Société française : avec ses projets, mais aussi avec ses idées.
Or il se trouve que ce bilan est intervenu dans une année particulière : 2023 marque la mi-temps du match du siècle. Les ODD ont été adoptés en 2015 ; et l’Agenda 2030 s’arrête… en 2030 !
Et il se trouve qu’au plan mondial, il y a une bonne et une mauvaise nouvelle. La France est classée 6e pays le plus proche de réaliser les ODD. Mais le monde ne connaît pas de véritable transition : il connaît une grande régression. Et pour cause : 85 % des indicateurs des ODD sont au rouge.
Alors ce 8e anniversaire est-il une fête ou une commémoration ? Car certains rêveraient de pouvoir enterrer les Objectifs avec l’argument facile d’un match perdu d’avance. Il ne faut céder à aucun défaitisme. Car ce faisant, nous serions complices du pire des cynismes.
Ce 8e anniversaire, que l’Institut organise ici aux RDD grâce à ce partenariat avec le Ministère de la Transition, le soutien de nos écoles co-organisatrices, de nos mécènes et de nos partenaires écosystème, est ce qu’il doit être : un rendez-vous politique où l’on va pouvoir aborder toutes les dimensions du développement durable. Les plénières et les table-rondes que vous pourrez vivre lors de ces deux jours vous permettront de traiter des 17 ODD. Nous n’avons rien laissé de côté.
Pour mener à bien ces réflexions ensemble, je voudrais revenir sur le contexte de cette grande régression. Elle est le fruit d’une polycrise, c’est-à-dire de la concomitance de trois crises systémiques mondiales qui s’amplifient mutuellement.
La première, vous la connaissez : c’est la pandémie de coronavirus. Non seulement le virus n’a pas été éradiqué ; mais en plus, les conséquences socio-économiques de ce choc mondial sont encore omniprésentes, graves et persistantes à travers toute la planète.
La deuxième, vous l’observez à chaque saison : c’est l’accélération des dérèglements climatiques. Car depuis la COP 21 où l’Accord de Paris sur le Climat fut adopté, les émissions de gaz à effet de serre n’ont fait qu’augmenter au plan mondial. Avec des effets de plus en plus fréquents et violents pour toutes les populations de la planète (et là aussi, de véritables injustices au sein et entre les pays).
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La troisième, vous la ressentez de plus en plus fort depuis le 24 février 2022 : c’est l’agression russe de l’Ukraine. Cette guerre illégale n’est pas un conflit entre deux voisins. C’est la violation des fondamentaux de la Charte des Nations unies par l’un de ses garants, un des 5 membres permanents du Conseil de Sécurité. Et c’est une onde de choc géo-économique globale, avec des conséquences partout et sur tout : je pourrai parler de la famine qui explose dans certains Etats (ODD 2), du viol employé comme arme de guerre (ODD 5) ou encore de la façon dont ce conflit est venu parasiter jusqu’à la négociation du traité international sur la lutte contre la pollution plastique (ODD14)... mais regardons un seul indicateur : l’inflation. C’est un désastre pour les ménages ; c’est un choc de compétitivité pour de nombreuses entreprises ; et c’est un risque additionnel de faillite pour plusieurs dizaines d’Etats.
J’insiste sur troisième point car je souhaiterais que tout le monde soit conscient d’une chose : le monde a basculé depuis ce jour-là. Nous l’avons vu il y a deux semaines au Sommet des ODD, au cœur de l’Assemblée générale des Nations unies. Cette guerre illégale emporte avec elle une puissante remise en cause du système international et donc de notre capacité même à traiter les défis planétaires.
Au fond, le destin des grandes mutations écologiques est désormais intimement lié aux ruptures géopolitiques. C’est pourquoi nous avons choisi ce thème pour les RDD 2023. « Sobriété & Souveraineté : une guerre, deux fronts… quels plans de bataille ? ». La logique est simple.
Peut-on défendre notre souveraineté sans nous défaire de nos dépendances énergétiques ? Non. Souveraineté politique nécessitera non seulement efficacité énergétique, mais aussi sobriété écologique.
Peut-on porter l’ambition de la sobriété sans repenser notre souveraineté ? Pas non plus. C’est à l’échelle européenne que nous avons réussi le pari de la sobriété, grâce à la solidarité qui fédère les Etats de l’Union et la force du marché unique.
Il est donc impératif de combiner sobriété et souveraineté. Cela suppose un effort politique d’un ordre nouveau. Car c’est bien la même guerre qui s’ouvre sur deux fronts devant nous. Mais avons-nous les plans de bataille ?
Ils sont esquissés : la planification écologique a été élaborée pendant un an. Son déploiement va commencer. Nous aurons l’occasion d’y revenir à plusieurs reprises au cours de ces deux jours et lors de chaque étape des RDD. Mais avons-nous seulement conscience des enjeux ?
« Le sol européen change sous nos pieds » affirmait le très regretté Bruno Latour. Alors qu’approchent les élections européennes, et que le Pacte Vert est remis en cause par de nombreux partis à travers le vieux continent, il faut en prendre conscience. Oui, Latour avait raison.
Alors que faire ? Notre rôle ici aux RDD est simple : prendre le temps de la réflexion ; s’abstraire des faux débats, des solutions illusoires, du déni climatique ou de l’aveuglement stratégique… pour que dans cette bataille, on puisse compter sur le maximum de « divisions ». La planification écologique aura besoin de toutes les forces vives. Des entreprises engagées. Des universités pleines d’idées. Des associations déterminées. Des collectivités mobilisées. Bref, des acteurs totalement impliqués aux côtés de la puissance publique pour concrétiser la transition.
Et je suggère un principe de pensée et d’action commun à tout notre écosystème. Adoptons une approche néo-réaliste.
En relations internationales, les réalistes sont ceux qui ont tenu de doctes analyses pour expliquer pourquoi il ne fallait pas s’opposer à Poutine. Ni en Tchétchénie. Ni en Géorgie. Ni en Syrie. Ils se sont trouvés déphasés par le réel quand les armées russes ont failli prendre Kiev. Les réalistes oublient toujours que défendre notre idéal est dans intérêt.
Il en va de même en matière d’écologie. Les réalistes du développement durable sont ceux qui nous expliquent que nos objectifs sont inatteignables. Que ces ambitions sont inacceptables pour les populations (ou pour les entreprises). Que nous pouvons compter sur les capacités d’innovation de l’espèce humaine pour trouver des solutions à des problèmes que nous avons créés.
Ils s’imaginent pouvoir négocier avec le climat comme on parvient à négocier avec le Kremlin. Qu’ils parlent de géopolitique ou d’écologie, les réalistes vous citent Keynes paisiblement : « à long terme, on sera tous morts », et sourient pour balayer les analyses de risque, le travail de prospective, l’ambition que nous devons porter pour la génération qui vient après la nôtre.
Au fond, chez les réalistes, il y a la même forme de déni : déni du danger géopolitique ; déni du péril climatique. Et pour vous dénier le droit même d’avoir une parole politique crédible, ils vous collent une étiquette : « vous êtes des idéalistes ».
Répondez leur avec Jaurès : « le courage, c’est d’aller à l'idéal et de comprendre le réel », car c’est la couardise qui les anime. La peur de la complexité ou de la confrontation. Et s’ils ont du mal à comprendre, convoquez Lacan : « le réel, c’est quand ça cogne ».
Alors ils entendront le crépitement de l’ère des méga-feux. Alors ils entendront le bruit des bottes qui traversent le Donbass. Alors ils verront les inondations capables de dévaster un pays entier. Alors ils verront qu’au 21e siècle, 75 ans après l’adoption de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, certains déportent à nouveau des enfants. Alors ils sentiront l’air irrespirable des mégalopoles invivables. Alors ils sentiront l’odeur du phosphore blanc qui, dans les bombes russes, retire l’oxygène de l’air ukrainien.
Ces sensations sont bien réelles. Ces brûlures, ces blessures, ces coupures, ils ne pourront pas les nier longtemps. Nous pourrons alors parler de ce qui nous rassemble aujourd’hui : un néo-réalisme. Une philosophie simple : il est dans notre intérêt de défendre nos valeurs ; corollaire écologique de cette maxime géopolitique, l’avenir des générations futures s’écrit au présent.
Alors mesdames et messieurs, chers amis, je vous invite à profiter des 4e RDD : pourvu que ce temps de réflexion soit pour vous l’occasion d’échanger en profondeur avec vos concitoyens. Pourvu que ce moment démocratique vous permette d’élargir votre horizon. Pourvu que ce carrefour intellectuel vous offre le temps utile qu’il faut pour croiser les regards, les disciplines et les convictions qu’il faut pour attaquer la deuxième mi-temps du match du siècle.
Je vous remercie !
👉 Participer aux prochaines étapes des Rencontres du Développement Durable 2023 organisées par l'Institut Open Diplomacy
👉 Communiqué de l'Institut Open Diplomacy : « Thomas Friang rejoint le Conseil d'administration de notre think tank »
Strategic positioning specialist uncovering distinctive market spaces, supporting human-centric companies for sustainable success.
1 ansMerci à toi pour ton lead et ton drive. Un vrai plaisir d’avoir contribué à l’organisation de quelques événements. 🙏🏼
Chargée de missions Engagement social & sociétal à l'Orse (Observatoire de la RSE) Social & CSR Project Manager at Orse
1 ansBravo pour le travail accompli avec Open Diplomacy Thomas Friang et félicitations pour ta prise de fonction.
Félicitations pour tout ce que tu as fait au sein de Open Diplomatie cher Thomas Friang ! Bravo pour ton engagement, pour tant apporter aux jeunes qui ont eu la chance d'être à tes côtés ... en créant un écosystème passionnant ! Si heureuse d'avoir croisé ton chemin ...
Directeur de studio | Producteur | Plateau de tournage 100m² équipé
1 ansBelle réussite Thomas 👏
Entrepreneur - Reprise d'entreprises | Adquisición de Empresas
1 ansBravo Thomas Friang pour votre engagement au sein d’Institut Open Diplomacy et des Rencontres du Développement Durable 2023! Résonne encore la réponse de Jaurès, à ceux fustigeant l’ambition des objectifs présentés : « Le courage, c’est d’aller à l’idéal et de comprendre le réel ». …Le même courage pour dépasser des anciens paradigmes, et s’engager aux côtés de la puissance publique pour aider à concrétiser la transition écologique. Car oui, en tant qu’équipementier mondial de la robinetterie, nous pouvons participer activement à l’ODD 6, avec l’accélération de la mise en place de la gestion durable des ressources en eau (6.4) et la gestion collective en eau (6.b). C’est l’ADN même de notre groupe, déjà mis au service de nos robinetiers depuis déjà des décennies. Concrètement, nous pouvons avoir un impact direct sur les 15% de consommation de l’eau en France pour les usages domestiques. Ce serait notre contribution à l’élan collectif actuel,visant à s’engager via notre technologie afin de préserver nos ressources en Eau et ainsi accélérer la transition écologique en marche. Encore merci pour ces rencontres inspirantes et très bonne continuation à vous! #Neoperl Group #WaterSaving #PlanEau #RDD2023 #France2030 💧🌎