Record de prisonniers : quel avenir pour les détenus et les prisons ?

Record de prisonniers : quel avenir pour les détenus et les prisons ?

Avec plus de 70 000 personnes détenues au 1er avril, la France vient de battre son précédent record tout juste établi en mars avec 69 430 prisonniers.

Notre pays ne cesse de voir le nombre de prisonniers augmenter. La capacité des centres pénitentiaires étant d’environ 58 000 places, le taux d’occupation atteint donc 120%, tous établissements confondus. Dans 7 prisons françaises ce taux est d’au moins 200%. En début de mois, 1883 personnes dormaient sur des matelas au sol, dans des cellules surpeuplées. Cette surpopulation, concerne principalement les personnes en détention provisoire et en attente de procès. Certains directeurs de prisons sont excédés… les syndicats de surveillants et les associations qui veillent aux droits des détenus se mobilisent, protestent et appellent à la grève ces derniers temps.

Des interrogations se posent alors : comment faire face au nombre croissant de prisonniers ? Existe-t-il des alternatives efficaces à la prison ?

Revendications du personnel

La surpopulation carcérale est source de vives tensions dans les établissements. L’Etat a d’ailleurs été attaqué en justice pour les conditions de détention de la prison de Fresnes dans le Val de Marne, où les détenus vivent avec les rats et les punaises de lit. Il a aussi été condamné à verser 1500e de dommages et intérêts à un détenu, pour « détention » indigne à la prison d’Agen. Il vivait avec 5 autres détenus dans 24m2. Malgré les plaintes, ce type de condamnation reste rare. Seules les prisons des Baumettes, Varces et Coutances ont déjà été condamnées par le passé.

Le nombre de suicides ou de tentatives de suicide en prison ne cesse aussi d’augmenter, avec un décès tous les 3 jours environ. Sur les 47 pays membres du conseil de l’Europe, la France occupe la 41ème place concernant le taux de suicide. (En prison, on se suicide 7 fois plus que dans le reste de la population française – source Genepi France). Un rassemblement a d’ailleurs eu lieu, le mois dernier à Paris, en hommage aux morts de la prison.

C’est le cas à Saran, dans le Loiret. Deux hommes, âgés de 35 et 71 ans, s ‘étaient donnés la mort le 28 décembre dernier, un autre le 11 janvier. Une infirmière dans ce même établissement avait également été prise en otage en début d’année. Des débrayages avaient été organisés par le personnel pour protester contre la violence en prison qui se fait de plus en plus fréquente. Suite aux grèves, prises d’otages, suicides, mutineries et aux inondations qui ont occasionné le déplacement de 400 détenus de Saran vers les autres établissements de la Région Centre Val de Loire, le sénateur du Loiret, Jean Pierre Sueur a interpellé le ministre de la justice, sur la situation préoccupante de cette prison. Le ministre lui a répondu et a débloqué 1,6 millions d’Euros pour effectuer des travaux au sein de l’établissement suite aux inondations. Des places en centres de détention ont été réaffectées en places de maisons d’arrêt.

 Pour faire face aux suicides dans les établissements pénitentiaires, l’Etat se mobilise à l’échelle nationale, et a choisi de former le personnel carcéral à la détection des crises suicidaires. A savoir qu’en France, les maladies mentales sont très présentes en prison. 8% des détenus seraient schizophrènes.

Quel avenir pour nos prisons ? 

Selon l’étude annuelle du Conseil de l’Europe publiée le 14 mars, le nombre de personnes détenues dans les prisons européennes a enregistré une baisse de 6,8% en Europe en 2015. Sauf en France, qui est le seul pays à voir le nombre de ses détenus augmenter. L’explication à cette tendance en France est simple : elle est liée au paradoxe entre la politique de Christiane Taubira, de 2012 à 2016, où la volonté gouvernementale était de limiter l’incarcération, notamment concernant les courtes peines, et son application par les juges, indépendants, qui n’ont pas suivi ces consignes.

Alors que certaines prisons n’acceptent plus de nouveaux prisonniers (Villepinte) d’autres continuent de se remplir, au détriment de leurs droits fondamentaux.

Du chamboulement a eu lieu ces derniers temps… Alors que le directeur de l’administration pénitentiaire a démissionné en septembre 2016, de nombreux directeurs de prisons jettent eux aussi l’éponge. En parallèle, le ministre de la Justice a publié, il y a 6 mois, un rapport intitulé « En finir avec la surpopulation carcérale »

Alors, que faire ?

Les personnels se mobilisent pour sauver leur profession et les prisons : début mars, un Livre Blanc, avec toutes les revendications a été remis au ministre de la Justice. Il évoque les problèmes et les solutions envisagées par le personnel concernant l’immobilier pénitentiaire. A savoir que l’Etat compte investir dans la création de nouvelles prisons. Ce Livre Blanc vise notamment à ce que la nouvelle génération de prisons ne connaisse pas les tares du système carcéral actuel.

Projets et investissements

La France est très souvent pointée du doigt par la Cour européenne des droits de l’Homme pour son incapacité à gérer la surpopulation carcérale. Pour désengorger les prisons, le ministère de la justice a annoncé récemment la construction de 33 nouveaux établissements (maisons d’arrêt et centres de détention) en France. 24 villes ont déjà été retenues, parmi les villes d’implantation :

  • La Couronne ( Charente )
  • Nantes ( Loire-Atlantique )
  • Nice (Alpes-Maritimes)
  • Narbonne (Aude)
  • Montpellier (Hérault)
  • Rennes (Ille-et-Vilaine)
  • Nantes (Loire-Atlantique)
  • Cherbourg (Manche)
  • Pau (Pyrénées-Atlantiques)
  • Perpignan (Pyrénées-Orientales)
  • Colmar (Haut-Rhin)
  • Toulon
  • Fréjus (Var)
  • Avignon (Vaucluse).

Les recherches de terrain se poursuivent pour 9 maisons d’arrêt.

30 000 places de prison supplémentaires doivent être créées pour porter la capacité totale à 80 000 places. 80% des détenus seront dans le futur en cellule individuelle (Les places dans les prisons vétustes seront supprimées). Le coût de la création de ces nouvelles places reviendrait à 1,25 milliards d’euros. A savoir qu’un jour de détention par détenu coûte 80€. Le budget total du plan alloué aux prisons atteindra 3 milliards d’euros.

 Alternatives et solutions :

Alors que la construction de nouvelles prisons est présentée comme LA solution, des alternatives plus efficaces existent.

Selon des études menées par l’Observatoire international des prisons (section française), la prison coûte très cher et engendre plus de récidives que les peines alternatives. Au niveau de l’efficacité, il y a 61% de récidive après une incarcération, contre seulement 34% de récidive après une peine alternative, comme les travaux d’intérêts général et 23% de récidive après un placement sous bracelet électronique.

Concernant les coûts, le budget moyen alloué à une personne détenue par an est d’environ 32 000€, tandis que le coût moyen annuel d’une mesure en milieu ouvert est estimé à 1 014€ par personne.

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