Regard sur : le cerveau obéissant, le management, les codes et les jeux de pouvoir

Regard sur : le cerveau obéissant, le management, les codes et les jeux de pouvoir

C’est un sujet que j’avais déjà abordé il y a déjà quelques temps et un article d’Alexandre Antonienko (Fondateur de l’Institut Alpha de Montpellier) sur le cerveau obéissant me le remet en mémoire.

Je voudrais encore une fois rapprocher ces études de la vie en entreprise, entreprise qui n’est qu’un microcosme, et où tous les travers (ou presque) de notre société figurent.

Il s’agit donc de la réaction de notre cerveau, et de facto nos comportements induits, sous la contrainte.

Rappelons nous aussi l’expérience de Milgram où il est fait cas de la réaction d’un être humain sous la contrainte qui va jusqu’à torturer un autre humain justifiant son acte par l’obéissance à des ordres.

Il est démontré que l’obéissance réduit drastiquement notre capacité d’empathie et la culpabilité pour la douleur infligée ; ce qui explique comment il est possible d’induire cette posture de bourreau sous une contrainte quelconque ; rattachez à cela le phénomène de groupe, d’appartenance, d’identité avec toutes les croyances pour le coup fortement limitantes et vous dépeignez un tableau relativement sombre des relations en entreprise.

Tout est question en fait de la manière d’exercer une autorité qui génère ensuite des comportements de servilité parfois dommageables non seulement pour les individus mais pour toute l’entreprise aussi.

Car en fait mon propos est avant tout de replacer cette déviance en entreprise.  

Nous parlons donc de management mais aussi de jeux de pouvoir, d’influence, de ces fameuses castes de pouvoir qui génèrent des comportements et des situations ubuesques et parfois dramatiques, amenant certains collaborateurs à des situations plus que dommageables pour eux et de facto pour l’entreprise toute entière.

Replaçons le contexte de l’entreprise et voyons un peu comment est-ce que l’obéissance et la contrainte peut induire des comportements et situations dramatiques.

Ne nous leurrons pas, la plupart des entreprises sont des systèmes oligarchiques où une caste retreinte nomme les rouages principaux de l’organisation.

Ce système est une ombre portée à la démocratie puisque qu’un petit nombre régente le plus grand nombre.

Cette organisation du pouvoir s’est heurtée violement avec ces transformations qui ont voulu justement déconstruire ce mode de fonctionnement.

Force est de constater que le pouvoir a la dent dure et que changer n’est pas ce qu’il fait de mieux.

Ça s’explique très facilement par ces prérogatives de pouvoir, de castes, de territoires.

Voyons un peu comment cela s’organise et quelles en sont les répercussions sur la communication, la production, le bien-être des collaborateurs.

Nous avons donc une structure hiérarchique qui a résisté aux transformations ; alors oui cela porte un autre nom … squad au lieu d’équipe, tribu au lieu de département, pôle au lieu de direction ; les rôles ont eux aussi subi un toilettage mais rien n’a changé véritablement, le chef de projet est devenu Scrum Master ou Product Owner, le responsable de service un leader, les experts métiers des BA, et tous ceux que l’on a pas pu « servir » sont devenus leaders machin ou truc … mais on observe curieusement que le haut de la pyramide a gardé non seulement ses prorogatives mais aussi ses titres. Etrange ne trouvez vous pas cette transformation qui s’arrête dès que l’on approche du sommet ?

Vous avez donc une entreprise qui a été bouleversé dans sa structure, où on a redistribué des rôles qui pour le moins ne sont pas clairs du tout et à géométrie variable, accompagnés par des « coachs » dont le rôle est avant tout de faire digérer tout ça et dans les plus brefs délais, et un staff immuable et imperturbable.

Je n’ai absolument rien contre les dirigeants, ce que je dénonce c’est cette collision entre deux mondes : celui qui est pseudo transformé et celui qui ostensiblement ne l’est pas et ne le sera jamais.

On note donc une première distorsion qui ne fait qu’accentuer l’incompréhension et le malaise.

Viennent ensuite les postures, le management ou du moins le management tel qu’il peut s’exercer dans ce contexte obscur.

Déjà la plupart des leaders nommés ne sont pas formés aux nouvelles approches, mais la bonne question est : est-ce que l’on voulait réellement changer de mode de management et passer vers un management plus collaboratif ou n’est ce que l’effet papier cadeau de cette transformation ?

Car force est de constater que ça ne fonctionne pas.

Vous avez des équipes qui ont été chahutées par une nouvelle organisation, par de nouvelles approches de travail auxquelles certains sont complètement hermétiques au regard de leurs parcours professionnels, des leaders perdus dans leur repère, qui seraient bien tentés vers une approche de leader jardinier mais qui se heurtent à des freins certes explicables mais qui empêchent toute transformation, et ensuite un staff composé des directeurs & consorts qui régente ce beau monde en perdition avec des méthodes et des postures dignes d’un taylorisme inapproprié et totalement déconnecté de la réalité du terrain.

Ce sont intimidations à peine voilées, vexations en tous genres, injonctions variables et changeantes au gré des besoins politiques bien souvent, des ordres et contre ordres, un autoritarisme digne d’une cour d’école infantilisant au possible les collaborateurs concernés. Non, je ne vous relate pas un autre temps, c’est aujourd’hui, maintenant.

Le pire dans tout cela c’est que cela passe quasiment inaperçu … un peu le principe de la grenouille que l’on plonge dans l’eau froide dans un 1er temps et que l’on porte à ébullition et qui finit la pauvrette par mourir .

C’est là que l’obéissance et la contrainte rentrent en jeu.

 C’est un jeu pervers qui s’est installé créant une forme de soumission implicite à laquelle tout le monde, ou presque, se conforme.

Une certaine forme de lobotomie qui prive ses participants de toute réaction et qui les amène à obéir relativement passivement et même réussi à justifier ces actes d’autorité.

Cette lobotomie n’est ni plus ni moins qu’une obéissance contrainte destinée à servir qui l’exerce.

Les résultats vous le savez fort bien sont plus que dommageables pour l’individu et de facto pour l’entreprise :

  • Perte totale d’autonomie,
  • Désengagement progressif jusqu’à devenir total, passivité,
  • Perte de productivité,
  • Innovation et créativité réduites à néant,
  • Arrêts maladie qui progressivement vont augmenter et possiblement devenir critiques quant à leur nature,
  • Turn-over qui petit à petit va augmenter, accident du travail en hausse,
  • Le fameux indice de satisfaction catastrophique,
  • Une perte totale de sens,
  • Une vision plus que brouillée tant au niveau de l’entreprise que des équipes …

Je note en tant que coach l’impact dramatique de cette situation à tous les étages « bas » de la pyramide.

Après plus de 40 années de carrière cette cinématique s’accentue, alors que nous avions pour objectif de transformer cela.

Ce n’est pas vraiment un constat d’échec mais peut-être simplement que certaines structures trop imprégnées d’un management qui a laissé des traces, des automatismes, cette fameuse obéissance sclérosante, empêchent toute réelle transformation.

La transformation ne se décrète pas parce que c’est une mode (alors qu’au regard de l’évolution du tissu économique ça devient une réalité voire une nécessité), elle se pense, mais sur des faits et sur une culture existante, l’entreprise ne doit se penser qu’en terme d’êtres humains et non de faires-humains ; la différence est que nous sommes dotés d’un cerveau qui obéit à des injonctions diverses et variées qui ne sont jamais mises dans l’équation de l’entreprise qui ne fonctionne que de façon binaire alors que ses composantes, nous être humains, sommes riches de milliards de combinaisons.

 

Je dépeins une situation relativement dramatique mais force est de constater que malgré le temps, les nouvelles recherches, les nouvelles approches très innovantes du travail, du management, les choses ne changent guère, c’est un peu comme une tumeur qui s’enkyste, il ne reste plus qu’une solution : la chirurgie pour ôter cet élément perturbateur.

Bien souvent, dans ces transformations, on ne montre que nos réussites qu’il ne faut absolument pas nier car il y en a et de très belles, mais, parce qu’il y a un mais, n’oublions jamais ceux qui ne sont pas sous les projecteurs, ceux qui sont parfois les oubliés de ces transformations, les erreurs de transformation car oui, tout n’est pas transformable ; reste à savoir « pluger » le transformé avec l’intransformable …. Attention au rejet.

 

Pour conclure je dirais gardons tous notre capacité d’indignation, notre sens critique et vous nouveaux leaders cultivez cette curiosité, donnez à vos collaborateurs la possibilité de sortir de leur zone de confort, d’exprimer leurs différences et de les explorer, n’imposez pas, proposez même si parfois l’exercice est quasi impossible je ne le sais que trop bien.

L’obéissance est une forme de soumission et elle n’a plus sa place dans une entreprise transformée. De facto une fois effacée du scope managérial nous retrouverons enfin le chemin d’une réelle co-construction et d’une vision partagée.

 

« L’obéissance à un homme dont l’autorité n’est pas illuminée de légitimité, c’est un cauchemar » … Simone Weil 

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