REGARD (Sur une société qui se maltraite) - Chapitre 8 - Jugement
Juge-Bourreau
Je me souviens de cette époque où j’expliquais à qui voulait bien l’entendre, que dans certains cas, la peine de mort était une bonne chose. J’en étais convaincu. « Les tueurs d’enfants, il faut les tuer ! Ça dissuadera les autres ! » Et puis j’ai réalisé que juger au travers de l’émotion ne mène jamais à quelque chose de vraiment bon. Patrick Dills, après avoir passé 15 ans en prison accusé pour homicides volontaires de deux jeunes garçons, a finalement été acquitté en 2002. Il avait été victime d’une erreur judiciaire. Loïc Sécher, après 7 ans d’incarcération suite à une condamnation pour viol, a été lui aussi acquitté. La victime présumée a avoué qu’elle avait menti. Que serait-il arrivé si un jour quelqu’un avait décidé que le viol était passible de la peine de mort ? Un jour où je soutenais que la peine de mort pourrait être dissuasive pour les criminels, une personne m’a dit : « Tu sais, Omar Raddad, l’assassin présumé de Ghislaine Marchal, a été innocenté grâce à des traces ADN. D’après toi, il lui serait arrivé quoi si la peine de mort avait toujours été en vigueur à l’époque ? »
Et elle a rajouté : « Nous sommes des humains. Quel droit avons-nous pour juger de la vie ou de la mort d’un autre humain ? »
Dans notre pays, les choses ont évolué sur le rapport à la punition et au crime. Et c’est tant mieux. Je ne suis plus dans ce jugement systématique, régi par de l’émotionnel qui me permettait de classer les gens dans des cases, sans recul. Pour cette raison, je trouve que sous l’effet notamment des réseaux sociaux, notre société est de plus en plus disposée à juger sans recul, de manière expéditive et partisane. De manière virtuelle certes, mais tout aussi brutale. À une époque très lointaine, mais pas si lointaine que ça finalement, ce sont les empereurs romains qui levaient leur pouce vers le haut ou vers le bas pour appliquer un jugement et une sentence immédiate. À mort. Ou pas. Maintenant, c’est nous. Le pouce est désormais bleu et à portée de clic. Nous sommes juges car « Nous le valons bien ». Pouce bleu vers le haut ou vers le bas. Le symbole est fort. Je peux même être un influenceur. Puisque je dis que je n’aime pas, ceux qui me suivent n’aimeront pas.
Nous ne nous permettons pas, non plus, de donner un avis ou d’exprimer une opinion. Non, non, maintenant nous exigeons, nous demandons, nous prononçons le jugement et la punition. Nous pensons que nous avons le pouvoir de juger. Mais selon quelle juridiction ? Je pose la question parce que, sauf erreur de ma part, il n’existe que deux types de loi. La loi de Dieu pour les croyants, et la Loi des humains. Il n’existe pas de loi de Monsieur Durand ou de Madame Esposito qui ne veut plus... Lire la suite