REPROGRAPHIE: LE GOUVERNEMENT BELGE PERSISTE ET SIGNE
Le Moniteur belge du 10 mars 2017 contient deux arrêtés royaux particulièrement importants. Ces deux textes sont la réponse du gouvernement belge à l'arrêt HP contre Reprobel de 2015 sanctionnant la loi belge en droit d'auteur. Les auteurs sont toujours privés de la reprographie numérique et les éditeurs se voient à nouveau octroyer un droit à la reprographie Canada Dry (un soi-disant "droit propre"). Gageons que si le deuxième texte est attaqué en justice (mais par qui?), il ne résistera pas longtemps.
L'ARRET HP DE 2015 ET LA RÉACTION BELGE
L'arrêt de la Cour de Justice de l'Union européenne (CJUE) de 2015 avait sanctionné la législation belge car contraire au droit européen sur plusieurs points. Le gouvernement se devait donc de modifier notre législation droit d'auteur.
Ce fut fait dans un premier temps par la publication de la loi de décembre 2016. Toutefois, cette loi renvoie à des arrêtés royaux pour son application (comme d'habitude d'ailleurs en Belgique où les parlementaires ne font que voter un cadre, plus ou moins complet, plus ou moins compréhensible, cadre qui sera complété et explicité par des textes issus du gouvernement seul) (question: est-ce vraiment démocratique?). C'est l'objet des deux arrêtés dont question ici.
Notons, et c'est tout bonnement incompréhensible, qu'en matière de rémunération des auteurs, il manque un troisième arrêté royal qui aurait dû être publié concomitamment: celui concernant la rémunération compensant l'exception permettant de réaliser des reproduction et des communications au public "à des fins d’illustration de l’enseignement ou de la recherche scientifique" (article XI 191/1 nouveau).
MAINTIEN DU SYSTÈME ANTÉRIEUR POURTANT ILLÉGAL
Il n'est pas si difficile de comprendre le résultat des deux textes : le maintien à peu de chose près du système sanctionné par la CJUE.
La Cour de justice considérait que les éditeurs n'étaient pas des ayants-droit de la reprographie. Par un coup de baguette magique, le gouvernement remplace leur ancienne reprographie en un "droit propre" issu de nulle part. Cela tout en prétendant que la création de ce droit propre ne nuira pas à la reprographie des auteurs. Pour justifier ce droit propre, le gouvernement n'a rendu public aucune étude, aucun texte.
LES IMPRESSIONS TOUJOURS EXCLUES DE LA REPROGRAPHIE
Le gouvernement refuse toujours d'étendre le champ d'application de la reprographie aux impressions (= les reproductions de textes numériques). Pour le gouvernement, la reprographie ne peut concerner que les pures photocopies papier (travaux préparatoires de la loi de décembre 2016, p. 7).
La directive européenne en la matière (et qui date de...2001!) est pourtant claire là-dessus. Un pays, s'il choisit d'insérer dans sa législation la reprographie, ne peut faire aucune différence entre la reprographie papier et la reprographie numérique. Ce que la Belgique continue pourtant de faire, loi après loi. Qu'attend donc la Commission européenne pour intenter une action en manquement contre l'Etat belge pour transposition incomplète de la directive de 2001? Les auteurs perdent chaque année des millions d'euros qui leur sont pourtant dus.
CONCLUSION
Le gouvernement publie ici les arrêtés royaux relatifs à la reprographie des auteurs et des éditeurs. Les tarifs qu'ils contiennent n'ont une durée que d'un an, l'année 2017. Quid pour après? Les textes n'en soufflent mot. Ce qui est scandaleux. Le gouvernement ouvre un nouveau front d'incertitudes pour les auteurs.
La Belgique continue à défier l'Europe en matière de droit d'auteur en permettant aux éditeurs d'avoir droit à une partie des droits de reprographie. Tout aussi grave est le choix de la Belgique de refuser, plus de 16 ans après la publication du texte européen qui l'impose, d'étendre la reprographie aux reproductions numériques. Les auteurs doivent donc continuer à se contenter de percevoir une reprographie désuète et forcément déclinante. Faudra-t-il qu'ils ne reçoivent plus rien pour que le gouvernement reconnaisse enfin ses torts? Y aura-t-il un auteur courageux qui va attaquer la loi devant la Cour constitutionnelle ou l'arrêté royal éditeurs devant le Conseil d'Etat? Nous en doutons...
Axel Beelen
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