Retards et reculs
Le plan Ecophyto, de réduction progressive des produits phytosanitaires est mal en point. L’objectif de réduction de 50% de l’usage des produits phytosanitaires est maintenu, mais à échéance 2030, alors que la première date retenue, à la suite du Grenelle de l’Environnement, était 2018. 12 ans de retard, et encore, il est entendu qu’il n’y aura pas d’obligation de changer s’il n’y pas pas une solution accessible. Mais c’est de l’histoire ancienne.
Aujourd’hui, c’est l’INRAE qui se trouve murée par la FNSEA. Voilà qui peut surprendre. Au temps du « pas d’interdiction sans solution » l’organisme en charge de trouver justement ces solutions, vilipendé par ceux qui devraient bénéficier de ses travaux. Ça fait longtemps que l’INRA propose une « agriculture plus économe et plus autonome ». Cette orientation, conforme à toutes les positions des autorités scientifiques, de l’Académie d’agriculture en France à la Banque Mondiale à l’échelle internationale, ne plait pas aux principaux intéressés, qui veulent continuer « comme avant », sur leur lancée. La situation de beaucoup d’agriculteurs n’est pas enviable, mais c’est justement le modèle qu’ils défendent qui est la cause de leurs malheurs. La marche vers de nouvelles pratiques n’est pas sans risques, il y aura des erreurs et des impasses, mais le retour en arrière, l’attaque en règle de tous les instruments du nécessaire renouveau constitue un recul qui est cher payé et le sera encore plus le jour où la fuite en avant devra s’arrêter. L’assentiment de la ministre de l’Agriculture à l’action des agriculteurs qui ont muré l’INRAE n’est pas le moindre sujet d’étonnement. Mais ce recul organisé n’est pas le seul. Il s’inscrit dans un mouvement inquiétant de refus d’une évolution qui pourrait bien être darwinienne.
Autre sujet, les énergies renouvelables, où la France accuse un retard significatif sur ses engagements, devenant ainsi le plus mauvais élève de l’Europe en la matière. Le 4 décembre, encore une décision de report. Il s’agit de l’obligation d’installer des capteurs photovoltaïques sur les ombrières des parcs de stationnement extérieurs d'une superficie égale ou supérieure à 10 000 mètres carrés. La date limite prévue pour cette installation était le 1et juillet 2026, un délai raisonnable puisqu’il s’agit de l’application d’une loi de mars 2023, elle-même prise dans le prolongement de la loi climat et résilience publiée en 2021. Plus de 3 ans, et prévisible 2 ans avant. Ce n’était pas suffisant. Un délai supplémentaire de 18 mois vient de leur être accordé.
En Europe, c’est la directive sur la déforestation importée. Le 3 décembre, les négociateurs du Parlement européen et du Conseil sont parvenus à un accord provisoire reportant de douze mois l'application du règlement européen sur la déforestation importée (RDUE). Il avait même été question d’alléger les conditions d’application de cette disposition, mais il n’en a rien été en définitive. Les attaques dont le pacte vert européen est la cible ne faiblissent pas.
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Et puis il y a les loups. Ils sont trop nombreux, leur protection marche trop bien. Allégeons-la. Nous savons que les loups, malgré leur réputation de mangeurs d’enfants et d’agneaux, sont très utiles. Les prédateurs ont pour mission de réguler les populations d’herbivores, pour éviter que leur pression sur le végétal ne soit trop forte. Les dégâts des gibiers sur les récoltes en sont la conséquence, avec la dégradation des forêts trop pâturées. Eh bien la procédure est engagée à Bruxelles et à Berne (siège de la convention qui protège les espèces menacées) pour réduire le niveau de protection. Encore un recul.
Heureusement, il n’y a pas que des reculs, il y a les Danois. Le 18 novembre, le Gouvernement danois rendait public un accord « historique », avec le soutien des organisations agricoles, pour la réduction de 10% des surfaces agricoles au profit d’espaces naturels, notamment de forêts pour 250 000 hectares. Une taxe sur le carbone agricole est instaurée à l’horizon 2030, avec l’objectif de réduire les émissions de méthane produites par les animaux, et de favoriser les productions végétales. Un tournant vers une agriculture plus « verte », remarquable en ces temps de recul de l’écologie. Puissent les Danois être contagieux !