Satellites : pourquoi le nombre fait la force
À tous les jours dans notre milieu professionnel nous entendons parler des révolutions et changements à venir dans nos secteurs respectifs. Que ce soit directement lié à notre travail ou simplement le sujet de discussion près de la machine à café, qui n’a pas entendu parler dans la semaine dernière d’intelligence artificielle, d’industrie 4.0, d’internet des objets ou de blockchain? Aujourd’hui j’aimerais porter votre attention sur une révolution technologique qui vous passe au-dessus la tête; les satellites.
Quand j’entends parler de satellites j’imagine encore le tant attendu engin de plusieurs tonnes recouvert de papier métallique doré, lancé par les ingénieurs de la NASA qui prient pour que rien n’arrive avant la fin de mission de l’unique spécimen qui aura coûté plus cher à fiabiliser qu’a concevoir, assembler et lancer. Oui, j’imagine le satellite de la conquête de l’espace, c’est plus fort que moi. Pourtant les orbites autour de la terre sont conquises depuis un bon moment déjà, mais surtout, et c’est le plus important : les satellites ne sont plus conçus de cette façon.
Pour comprendre la réalité d’un satellite, il faut faire la lumière sur certains faits : Un satellite civil moyen coûte environ 300mUSD de la conception au lancement. Comment s’additionnent les montants pour grimper à la somme exorbitante de 300mUSD? Vous allez voir, ça monte très vite.
(i) D’abord un lancement de fusée est très dispendieux; pensez à la fusée, le carburant, le site de lancement, l’ingénierie, etc. Tout dépendant de l’orbite qu’on veut donner au satellite – voyez cela comme l’altitude jusqu’à laquelle on veut lancer la fusée – on peut s’attendre à une facture entre 50mUSD et 400mUSD. Heureusement les satellites sont rarement seuls dans leur lanceur!
(ii) Concevoir et fabriquer un satellite est dispendieux. On compte en moyenne 200mUSD pour amener le satellite jusqu’au lanceur On parle de 2 à 10 ans de travail acharné, de matériaux et technologies de pointe, de tests et d’intégration. De plus, les équipements sensibles opéreront dans un environnement hostile et je n’exagère pas; les températures peuvent varier de plus de 500°C en quelques heures, et le tout sans la couverture protectrice atmosphérique contre les particules ionisées et à très haute énergie dont nous profitons ici-bas. Tout cela en sachant que les expertises nécessaires sont aussi pointues que diversifiées et que par conséquent les sous-traitants d’un projet sont à la fois nombreux, rares et dispendieux. Je souligne que nous avons au Québec et au Canada MDA qui relève cet ambitieux défi depuis maintenant 50 ans.
(iii) Quand on investit autant dans la conception, la fabrication et le lancement d’un satellite on veut aussi s’assurer qu’il fonctionne; c’est ce que j’appelle la fiabilité du satellite. Imaginez l’embarras et la frustration de dépenser des centaines de millions de dollars pour que, une fois en orbite, un sous-sous-système flanche et rende l’opération du satellite impossible. Sur terre on peut se permettre de réparer un équipement et d’effectuer des maintenances, mais pas dans l’espace. Concrètement, fiabiliser un satellite correspond à être très exigeant sur les spécifications de tous les systèmes, ce qui fait exploser la facture de la livraison du satellite.
(iv) Par-dessus le 300mUSD s’ajouter le coût d’opération d’un satellite qui n’est pas gratuit. Outre les installations terrestres pour recevoir et traiter les données, un satellite doit transmettre ses informations vers la terre. Cette transmission se fait à une certaine fréquence et pour éviter toute interférence on loue ces bandes de fréquences à un coût pouvant aller jusqu’à 1,5mUSD annuellement.
Autant de contraintes insurmontables qui complexifient la livraison d’un satellite. Du moins, c’est ce qu’on croyait il y a quelques années. N’oubliez pas que le monde évolue et la technologie ouvre de nouvelles possibilités. Je veux souligner quelques déclencheurs technologiques :
· Les technologiques de télécommunication nous permettent plus que jamais de communiquer avec les satellites sur des fréquences différentes, avec beaucoup moins d’énergie et pour beaucoup moins cher. Les coûts d’opération se voient diminués.
· Les missions sont de mieux en mieux maîtrisés. On comprend mieux les requis réels des satellites.
· Les applications sont de plus en plus nombreuses, à commencer par les GPS. La demande croissante pour les technologies spatiales permet de rentabiliser les satellites pour des applications variées. Et plus il y a de satellites, plus l’offre est fiable, plus la demande augmente, plus il y a de satellites…
L’engouement des satellites comme fournisseur de solution est réel. Vous avez vu cependant combien peut coûter un satellite, et il y aurait de quoi refroidir les ardeurs des plus entrepreneurs d’entre nous. Mais souvenez-vous que plus il y a de satellites pour une application, plus l’offre est fiable et plus la demande augmente. Nous avions aussi dit qu’une bonne partie des coûts de fabrication d’un satellite servent à fiabiliser ce dernier. Mais présents en grand nombre, leur redondance élimine le besoin de fiabilité individuel de chaque appareil. Vous voyez ou je veux en venir?
C’est exact, les constellations de satellites. Leur fiabilité réside dans leur nombre. La fiabilité du satellite individuel devient un problème de second plan et par conséquent le coût de conception et fabrication diminue considérablement. Une belle innovation issue de la compréhension des applications et des préoccupations des clients.
Mais un problème persistait; le lancement. Le coût et la disponibilité de lanceurs, plus spécifiquement. C’est pourquoi nous avons vu dans les dernières années SpaceX, Blue Origin, The Spaceship Company et même des Startups tel que Reaction Dynamics (de chez nous!) se livrer corps et âme dans une course effrénée vers l’accessibilité de l’espace. D’autres solutions comme des ballons stratosphériques font même compétition aux satellites en offrant pour une fraction du prix le service qu’un satellite peut prodiguer pour une mission temporaire. Le pari que ces développeurs de technologie prennent est prometteur : une plateforme d’accès à l’espace pour l’offre grandissante de solution spatiale.
Nous vivons présentement cette révolution spatiale qui ne terminera pas là, j’en suis sûr. Et vous, comment voyez-vous l’avenir des satellites? Quelle autre révolution nous attend? Saurons-nous tirer profit de la demande grandissante? Qu’est-ce que l’industrie spatiale, aérospatiale et manufacturière du Québec peut-elle faire pour y contribuer?
Partner @ Innovitech | Corporate Governance, Innovation Strategy
5 ansSuper article merci david