SAUVER LA TRANSITION ENERGETIQUE D’UN ECHEC CERTAIN. QUEL ROLE DES VILLES ET TERRITOIRES ?
Le changement climatique pose fondamentalement un problème de développement. Il menace d’exacerber la pauvreté et de nuire à la croissance économique. Mais, en fonction de leur modèle de croissance et des investissements consentis pour couvrir les besoins en énergie, en nourriture et en eau d’une population toujours plus nombreuse, les pays vont soit aggraver le changement climatique, accentuant les risques sur l’ensemble du globe, soit, à l’inverse, contribuer à y remédier. Banque Mondiale, mars 2015.
L'article 14.1 de l'accord de Paris a prévu que « la conférence des parties [ferait] périodiquement le bilan de la mise en œuvre de l’Accord, afin d'évaluer les progrès collectifs accomplis dans la réalisation de l'objet du présent accord et de ces buts à long terme ». Le rapport publié à l’automne qui est donc, le premier bilan global est sans appel : il a été jugé très mauvais par tous les observateurs puisque les auteurs évaluent une baisse des GES mondiaux de 2 % entre 2019 et 2030 alors que le chiffre attendu est de 43% si on veut respecter le fameux 1,5°C. « COP 28 L’ACCORD DE DUBAÏ, UNE ETAPE SIGNIFICATIVE QUI NE REPOND TOUJOURS PAS A L’URGENCE CLIMATIQUE ». Analyse du COMITE 21, Décembre 2023.
👍SOMMET DE LA TERRE DE RIO 1992, COP21 SUR LE CLIMAT A PARIS, 2015 : DES AVANCEES MAJEURES POUR LA MAITRISE DU RECHAUFFMENT DU CLIMAT SANS PERSPECTIVE DE MISE EN ŒUVRE.
Le Sommet de la Terre de Rio en 1992 et la COP21 sur le climat à Paris en 2015, ont marqué des avancées majeures dans la lutte contre le réchauffement climatique. Ces événements ont abouti à des accords internationaux historiques. Les COP (Conférences des Parties) sont des réunions prévues dans le cadre de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) adoptée en 1992 par le SOMMET DE LA TERRE A RIO. Cette convention a été ratifiée par un grand nombre de pays, 154 États sur 194, et les COP en sont les organes principaux. La CCNUCC est un traité international, ce qui signifie qu'elle a force de loi entre les États parties. Ainsi, les COP sont juridiquement contraignantes pour les pays membres de la CCNUCC, et leur suppression serait une violation de cet accord international. Les Conférences des parties (COP) sont donc mises en place afin d’atteindre et de concrétiser les objectifs ambitieux de la Convention-cadre et de l’Accord de Paris de 2015 (COP 21) qui de l’avis de beaucoup d’observateurs, est un tournant décisif dans la lutte contre le changement climatique. L’objectif principal l’Accord de Paris est de maintenir l’augmentation de la température mondiale en dessous de 2°C par rapport aux niveaux préindustriels, et poursuivre les efforts pour limiter la hausse à 1,5°C. Adopté par 196 pays, l'Accord de Paris est un traité international à caractère universel et juridiquement contraignant sur les changements climatiques. Les contributions déterminées au niveau national (CDN) a été une grande nouveauté dans le cadre des négociations climatiques internationales. Le volet financier pour soutenir les pays en développement et financer la transition vers des économies bas-carbone et résilientes a été une avancée essentielle. Ainsi que le renforcement des engagements des acteurs non étatiques (villes, régions, entreprises, société civile, associations…) et des initiatives multi-partenariales de l’Agenda de l’action.
La 28e conférence des parties des Nations unies (COP28), qui s'est tenue à Dubaï du 30 novembre au 12 décembre 2023, avait un objectif principal : remettre le monde sur la bonne voie pour maintenir le réchauffement de la planète en deçà de 1,5 °C. L’une de grandes conclusions de cette conférence, est l’accord conclu par près de 200 pays jugé sans précédent et visant à abandonner la combustion du charbon, du pétrole et du gaz ; Un l'appel explicite à une "transition hors des énergies fossiles". Cela marque un changement significatif vers des sources d'énergie plus propres et renouvelables, en ligne avec les objectifs de l'Accord de Paris sur le climat. Cette transition est considérée comme essentielle pour limiter le réchauffement climatique à 1,5°C et pour atteindre la neutralité carbone d'ici 2050. Cependant, certains pays en développement s'inquiètent de la faiblesse de l'accord et de son manque de détails soulignant que des dispositions sur « l'abandon progressif des combustibles fossiles » ont finalement donné place à un accord édulcoré sur la « transition vers l'abandon des combustibles fossiles ». Malgré son importance symbolique, des doutes persistent quant à sa mise en œuvre réelle et efficace. Malgré les efforts déployés lors de la COP 28 pour promouvoir cette transition, la réalisation de ces objectifs reste entravée par des obstacles politiques, économiques et sociaux.
👍DEFIS ET RESISTANCES DES ACTEURS DES COMBUSTIBLES FOSSILES A LA TRANSITION ENERGETIQUE, RESPONSABLES DE 80% A 90% DES EMISSIONS DE CO2
· 👉 LA TRANSITION ENERGETIQUE EST « IMPOSSIBLE ». LE CONCEPT EST UN MYTHE OU UNE FABLE.
Pour Jean-Baptiste FRESSOZ, historien des sciences de l’environnement, « depuis le début du XXème siècle, les énergies et les ressources que l’on utilise se sont accumulées sans se remplacer. Même la consommation de charbon, considéré comme l’énergie de la révolution industrielle, a battu un nouveau record en 2023. La notion de de transition qui part de l’idée que nous devrions répéter les transitions du passé, du bois au charbon puis du charbon au pétrole pour désormais aller vers les renouvelables et ainsi échapper au chaos climatique n’est pas justifié par les faits. L’histoire de l’énergie est une histoire d’accumulation et de symbiose. Les énergies renouvelables ne remplacent pas les fossiles, elles s’y additionnent. Ainsi, en se basant sur une lecture fausse du passé selon laquelle chaque énergie serait venue en remplacer une autre, nous nous empêchons de construire une politique climatique rigoureuse ». L’histoire de l’énergie est donc une histoire d’accumulation et de symbiose entre différentes sources énergétiques. Ainsi, la transition énergétique ne peut se produire sans contraintes et régulations. Les États ont un rôle crucial à jouer en réglementant le secteur énergétique pour favoriser cette transition vers des sources plus durables et renouvelables.
· 👉DE GRANDES RESISTANCES DES ACTEURS DES ENERGIES FOSSILES
Or les grands acteurs des énergies fossiles dressent de puissants obstacles sur le chemin de la transition énergétique comme le soutien au climato-scepticisme, le lobbying intensif des fossiles, le Greenwashing, etc. pour maintenir le statu quo sur les activités des combustibles fossiles. Il s’agit sans être exhaustif de ; Greenwashing, ensemble de techniques utiliser pour donner une image de responsabilité environnementale tout en continuant à exploiter massivement les énergies fossiles. Cela peut inclure des campagnes publicitaires trompeuses ou des déclarations d'engagement en faveur de la transition énergétique sans actions concrètes. Ainsi, selon la plupart des ONG de l’environnement, la multinationale « Total » est devenue « TotalEnergies » et « British Petroleum (BP) » est devenue « Beyond Petroleum (BP) », etc. Tout en continuant leurs activités, majoritairement dans le pétrole et le gaz ; Déni et désinformation, il s'agit de minimiser ou nier les preuves scientifiques du changement climatique causé par les émissions de gaz à effet de serre provenant des combustibles fossiles. Cette stratégie vise à semer le doute dans l'opinion publique quant à la nécessité et à l'urgence d'agir pour réduire les émissions de CO2 ; Soutien au Climato-scepticisme : Il consiste à remettre en question la validité des preuves scientifiques du changement climatique ou à minimiser son impact à travers des subventions à des laboratoires de recherches ou à des chercheurs, souvent pour défendre les intérêts économiques des industries des énergies fossiles. Les climatosceptiques remettent en cause les actions visant à réduire les émissions de CO2 et s'opposent aux politiques de transition énergétique ; Lobbying, les industries des énergies fossiles déploient d'importants efforts de lobbying pour influencer les décideurs politiques et les législateurs afin de protéger leurs intérêts commerciaux. Ils s'opposent souvent à l'adoption de politiques favorables aux énergies renouvelables, telles que les subventions aux énergies propres ou les réglementations environnementales strictes. Ainsi, la COP 27 a enregistré 636 lobbies ayant obtenu une accréditation et 2 456 pour la COP 28 ; Projets d'extraction controversés, ces entreprises continuent de développer des projets d'extraction de combustibles fossiles, souvent dans des zones sensibles sur le plan environnemental ou social. Elles cherchent parfois à minimiser les impacts de ces projets et à contourner les régulations environnementales et sociales ; Opacité financière, elles peuvent également dissimuler certaines informations financières ou opérationnelles pertinentes pour minimiser la transparence sur leurs activités réelles et leurs impacts sur l'environnement. Obstacles à l’Innovation alternative, les acteurs des combustibles fossiles bloquent la diffusion des innovations pour promouvoir l’efficacité énergétique ou les énergies renouvelables en refusant de les utiliser et de les promouvoir auprès des utilisateurs, préservant ainsi leur propre intérêt économique et leur position dominante sur le marché de l'énergie. De plus, ce secteur concentre la majorité des investissements et des subventions, limitant ainsi les possibilités de financement des investissements dans les énergies propres.
· 👉 LA TRANSITION CLIMATIQUE SERA AUTORITAIRE OU NE SERA PAS !
Pour venir à bout de ces nombreux obstacles des acteurs des combustibles fossiles, et donner une chance à l’émergence d’une civilisation bas Carbonne dans les délais nécessaires, de nombreux experts proposent trois pistes de solutions :
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1. Mettre en place une réglementation stricte du secteur, accompagnée de sanctions claires en cas de non-respect des règles établies ;
2. Orienter les investissements (publics et privés) vers les énergies propres, en renforçant les politiques incitatives ;
3. Créer un marché attractif pour les énergies et produits bas carbone afin d'encourager la demande des consommateurs.
La réalisation de ces mesures nécessite une transition énergétique à caractère autoritaire. Comme le souligne la publication du Xerfi Canal sur le sujet : « La transformation climatique sera autoritaire ou ne sera pas. Elle sera régionale ou ne sera pas. Et cela impactera lourdement les entreprises. Peut-être est-il temps de se rendre à l'évidence et d'admettre avec lucidité que la notion de transition, avec tout ce que le concept véhicule implicitement en termes de gradualité, de linéarité du changement, de coordination ordonnée, est promise à un échec quasi-certain ».
L’échec de la transition énergétique expose la planète au seul scénario d’une « simple » stratégie d’adaptation. Ceci relègue à l’arrière-plan les effets néfastes du changement climatique sur les populations les plus vulnérables des pays du sud notamment et accentue alors les inégalités environnementales et écologiques. Il aura permis de dédouaner, les pays développés, les plus gros pollueurs historiques, notamment durant les révolutions industrielles du XIXe siècle, de leur devoir de solidarité envers le reste de l’humanité. Au lieu de réduire au maximum les émissions de GES sur leurs territoires et soutenir les activités de lutte contre le changement climatique au sein des pays en développement en apportant un soutien financier, en plus de l’aide au développement (APD) qu’ils fournissent déjà à ces pays comme prévu dans les différents accords internationaux.
👍QUEL ROLE DES VILLES ET TERRITOIRES POUR UNE TRANSITION ENERGETIQUE JUSTE ET EQUITABLE.
Le changement climatique est considéré comme la plus grande menace pour l'humanité en raison de ses impacts dévastateurs sur la santé humaine, la sécurité à court terme des populations insulaires et les risques d'impacts irréversibles sur l'environnement et la biodiversité.
Les villes abritent désormais plus de 50% de la population mondiale. 80% du PIB mondial ainsi que 60% de la richesse africaine sont désormais produits dans les villes, à travers les activités industrielles et économiques à haute valeur ajouté. Ainsi, la plupart des émissions de GES plus de 75% sont produites dans les villes et elles sont les espaces où les catastrophes liées au changement climatique ont les impacts les plus dévastateurs et les plus néfastes.
Les élus locaux des villes et territoires sont en première ligne pour faire face aux impacts du changement climatiques mais aussi pour appliquer les politiques nationales de lutte contre ces mêmes impacts appliqués en tenant compte des réalités locales.
Aussi, à l'idée que la transition climatique exigera un caractère autoritaire de la part des Etats pour être réalisée dans les délais, les villes et gouvernements locaux devraient œuvrer pour des politiques basées sur la participation démocratique de toutes populations, la justice sociale et les renforcement la coopération internationale. Les villes et leurs associations devront donc coordonner l’action des acteurs non étatiques de leur territoire vers une adoption des reformes à venir, mais aussi exiger des actions de compensations justes et gagner ainsi un large soutien populaire et une approche inclusive face aux changements à venir. Toutes choses qui préviendraient ainsi les abus de pouvoir, les suppressions des libertés individuelles et les répressions politiques.
Les villes sont des laboratoires d'innovation où des solutions novatrices peuvent être testées et déployées à grande échelle, servant ainsi d'exemples pour d'autres régions. En tant que centres de population et d'activités économiques, les villes ont un pouvoir de mobilisation important pour encourager la participation citoyenne et l'engagement des entreprises dans la transition énergétique.
Face à l'inaction des États dans les réformes cruciales pour la transition énergétique, les villes et leurs associations émergent comme des acteurs clés. Elles doivent continuer à coordonner les actions des autres acteurs non étatiques et renforcer leurs influences au niveau des COP pour favoriser ainsi une approche collective et coordonnée des défis énergétiques.