Se faire peur (un peu)
Il y a 15 ans ce mois-ci, je posais le pied chez lg2.
J’arrivais à la demande de Paul Gauthier et Sylvain Labarre pour créer un studio de design et faire grandir la pratique au sein de leur agence. lg2boutique était née, avec une équipe qui se comptait sur les doigts d’une seule main.
Avais-je l’ambition, à ce moment, de devenir président et chef de la direction du Groupe lg2 ? Honnêtement, non. Pas du tout. Et franchement, personne n’aurait misé sur moi.
Je n’ai jamais été carriériste. Je n’ai jamais pensé ni voulu être PDG d’entreprise. Pas étonnant, je ne viens pas d’un milieu entrepreneurial ni du monde de la communication. Je n’étais pas entouré de gens d’affaires et il n’y avait pas de designers dans ma ville. Mon père travaillait pour Bell Canada, il a installé des téléphones pendant 35 ans, et ma mère s’occupait de nous à la maison. Nous vivions modestement dans un 4 et demi du quartier ouvrier de Shawinigan (le bas de la ville pour les intimes), où je passais des heures à dessiner. Je dormais sur un lit à étages dans une petite chambre que je partageais joyeusement avec mon frère. Nous étions bien, heureux et nous ne manquions de rien : mes parents étaient riches d’amour.
Avec leur petit porte-monnaie, ils m’ont fait un cadeau qui ne s’achète pas : ils m’ont donné la confiance. Ils m’ont continuellement encouragé. Grâce à eux, j’ai toujours été habité par cette envie de pousser un peu plus, de plonger, de tester. Cette confiance un peu aveugle qui pousse vers l’avant, cette naïveté de l’entrepreneur et cet état d’esprit qui pense que tout est possible.
Après un parcours singulier à l’UQAM en design graphique et plusieurs années dans le milieu de la comm et de l’entrepreneuriat, lg2 m’est ensuite apparu tel un magnifique espace de jeu où je pouvais continuer d’apprendre. Et je voulais tout savoir !
Puis j’ai réalisé que le cheminement serait plus difficile que je m’imaginais. Petit à petit, j’ai compris que je devais tout réapprendre : assimiler une nouvelle culture, passer d’un ego personnel à un ego d’entreprise, tisser des liens inhabituels, apprendre des défaites et travailler plus fort. Au fil des ans, j’ai gravi les échelons et je suis passé d’artisan à gestionnaire et finalement président. Passer de la direction du groupe design à la pure gestion du groupe lg2 : c’était toute une courbe d’apprentissage… ! Les volets: fiscal, juridique, financier, relationnel prenaient le dessus sur la gestion de notre expertise, les rencontres d’équipes et les présentations clients auxquelles j’étais bien habitué. Mais j’ai osé défier le statu quo et suivre la route que lg2 proposait. Celle dont l’agence avait besoin. Je considère que c’est en grande partie mon esprit créatif qui m’a permis d’être confortable dans ce nouveau brief.
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Mais être entrepreneur, c’est aussi savoir composer avec le risque. Et l’école qui fut la mienne n’est pas celle du MBA mais celle du terrain, du parcours, de l’expérience, des essais et des erreurs. Pour moi, être entrepreneur, c’est s’assumer. Évidemment, c’est aussi douter, bien s’entourer et se faire confiance. C’est tenter de faire les choses différemment, de concert avec les autres, mais aussi à sa façon. C’est souvent avancer dans l’inconnu. Comme en création finalement !
On me pose parfois la question : comment as-tu fait pour devenir PDG ? J’ai du mal à répondre au « je ». La réponse est certainement au pluriel, au « nous ». lg2, c’est un tout. Un groupe de grands talents, de gens de cœur, sensibles et empathiques, d’immenses gagnants qui ne lâchent jamais et qui ont contribué à ce que je devienne chef de la direction de lg2 et le type de leader que je suis aujourd’hui.
Lors d’une discussion au Festival international de la créativité de Cannes avec quelques pairs d’agences internationales, tout le monde s’étonnait de mon parcours différent. Ils trouvaient hallucinant que ce soit un créatif qui soit à la tête de la plus importante agence de création indépendante du Canada. Dans leurs agences, appartenant à un réseau international, ils disaient que ça serait impossible. Chez lg2, c’est bien normal. Cette diversité de parcours, cette approche propre à nous, elle nous ressemble. Elle nous rassemble. Et elle est une preuve authentique de notre intérêt premier pour le produit créatif.
Désormais, on dirait que dans toute entreprise, chaque année se veut charnière. Les prochaines le seront donc également. La créativité nous permet souvent de poser un nouveau regard sur une vieille problématique. Et être créatif c’est souvent être courageux, on le sait. Un peu plus de courage nous permettra de miser sur la richesse des talents, peu importe leur feuille de route.
Quelque soit le secteur d’activités dans lequel on se trouve, ce que nous avons tous en commun, c’est la volonté d’insuffler le progrès partout. Avec la puissance de nouvelles idées, nous pourrons créer un impact positif chaque jour et réussir de manière durable.
Pour ça, on aura tous probablement besoin de défier l’équilibre en place, de se faire peur (un peu), de laisser de la place aux gens atypiques et d’oser la créativité dans la gestion du risque. Beau programme à l’horizon… allez, au travail !
Photographer
11 moisBravo Claude! Super photo + texte touchant, authentique et plein d'humlitié.
Creative Director, Design at lg2
3 ansToujours inspirant! Bravo!
Ambassador @ Sid Lee | Marketing Communications Expert / Owner at INDYEVA and Oatbox
3 ansLe succès se résume souvent à ceci “….passer d’un ego personnel à un ego d’entreprise, tisser des liens inhabituels, apprendre des défaites et travailler plus fort”! Bravo pour ces 15 belles années Claude!
Très bel article et, surtout, très beau parcours! Je retiens ta très grande humilité, car oui, le cheminement en agence se fait avec l'appui d'une équipe qui sait reconnaître et encourager le talent et le potentiel des gens, mais si t'es rendu où t'es rendu, c'est en grande partie grâce à tes grandes qualités personnelles et professionnelles. Tes parents et tes collègues ont fait du bon boulot, mais toi aussi. Take it in! Et bravo pour tes 15 ans chez lg2!
Parcours professionnel à l’intersection de la culture et des communications, ponctué par le décloisonnement numériques.
3 ans15 ans, en pleine adolescence. Lâche pas.