Se préparer face aux deux principaux impératifs de la décennie à venir
Deux impératifs majeurs vont à mon avis façonner économiquement la décennie à venir :
Premier impératif : Le desserrement de l’étau énergétique
L’énergie, c’est ce qui nous permet d’agir sur le monde et de le transformer, c’est ce qui nous permet d’utiliser des machines au lieu de notre force physique et mentale ; bref, c’est un élément capital pour maintenir et perpétuer notre mode de vie actuel. Dans le monde d’aujourd’hui, cette énergie (y compris l'électrique) est fournie à plus de 80 % par la combustion du pétrole, du gaz et du charbon. Parmi toutes ces énergies, le pétrole représente le meilleur rapport qualité/prix pour la majorité des utilisations : il est facilement transportable et un kg de pétrole permet, par simple combustion, de fournir 10 fois plus d’énergie qu’un kg de TNT.
Or, d’un côté, en bas, dans les sous-sols terrestres, les réserves en pétrole et en gaz naturel sont en fort déclin (en tout cas, pour ceux qui sont à prix d’extraction raisonnable). Seul le charbon, qui est le plus polluant (et est essentiellement utilisé pour produire de l’électricité), se trouve en quantités encore élevées dans certains pays et ce pour assez longtemps (Inde, Chine, Australie, etc.).
De l’autre côté, en haut, dans l’atmosphère, l’accumulation du CO2 lié à la combustion du pétrole/gaz/charbon étouffe le vivant, bouleverse le climat et impose à l’humanité de décarboner ses sources d'énergie si elle souhaite garder une Terre vivable. Faute de quoi, l’humanité subira des cataclysmes majeurs (fortes sécheresses et intempéries, disparition de certains pays, migrations de masses, et in fine des tensions à l’échelle planétaire et des guerres civiles et entres pays quasi-inévitables).
Pour desserrer cet étau, une transition énergétique s’impose. Cette transition va inévitablement, dans un premier temps, faire augmenter le recours aux énergies fossiles existantes : on aura notamment besoin d’utiliser plus de pétrole et de gaz pour mettre en place des sources d’énergie alternatives (solaire, éolien, nucléaire).
Les enjeux sont énormes et il n’est très probablement pas possible de se passer de l’énergie nucléaire si l’on souhaite maintenir un niveau de vie moyen proche de l’actuel, car les énergies solaires et éoliennes sont des énergies non pilotables dont le cout iso-service (ie en incluant le prix du stockage et donc du pilotage) est largement plus élevé que les couts actuels des énergies fossiles (charbon, gaz, pétrole).
Se passer de l’énergie nucléaire revient donc à imposer une baisse générale du niveau de vie des pays développés ainsi que des contraintes plus fortes dans leur organisation quotidienne. Il n’est pas sûr que tout le monde soit partant pour de tels changements. Même si certains pays, comme l’Allemagne, déclarent abolir le nucléaire, il est fort à parier que ce choix ne sera pas largement suivi par les autres pays développés ou en cours de développement.
Le desserrement de l’étau énergétique sera à la fois inflationniste (augmentation des prix du pétrole et du gaz, et donc pratiquement de toutes les matières premières, y compris l’alimentation) et récessionniste : réallocation de l’argent des ménages vers les biens de base et diminution de la quantité d’argent disponible pour les biens « secondaires », et par conséquent diminution des marges des entreprises offrant des biens et services non primaires.
Cela amènera un environnement économique de stagflation dans les années à venir.
Second impératif : L'assainissement de la situation financière et la lutte contre l'inflation par le renchérissement du cout de l’argent
Si les taux directeurs ne sont pas augmentés par la FED et ce de manière assez sensible (ils sont autour de 1 % aujourd’hui), le risque de sombrer dans l’hyperinflation sera élevé et le dollar sera très fortement affaibli, précipitant l’arrivée d’un nouvel ordre financier mondial dont rêve les adversaires des USA, en premier lieu la Chine, suivi par les autres BRIC (Brésil, Russie, Inde).
En effet, cela fait plus de 12 ans que les taux d’intérêt des banques centrales sont très bas dans les pays les plus développés (USA, Europe, Japan, Australie). Il s’en est suit une grande création monétaire par les banques et donc une quantité d’argent disponible dans l’économie mondiale largement supérieure à la quantité de biens réels qui peuvent être achetés (à leurs prix actuels).
La quantité d’argent dans le système se trouve d’ailleurs en grande partie sous forme de crédits (et donc de dettes) allouées aux états, aux entreprises et aux particuliers. Ces dettes proviennent soit des créations monétaires faites par les banques (avec un engagement de les détruire lors des remboursements), soit par des prêts contractés auprès des acteurs en surplus d'argent (= obligations d’états et d’entreprises achetées par les particuliers et les institutions financières qui gèrent leur épargne).
Réduire très rapidement la quantité d’argent disponible dans le système revient donc à faire perdre leurs créances à des épargnants et/ou à faire faire faillite à de grandes institutions financières (banques, compagnies d'assurance, etc.). Si cette réduction se fait de manière brusque, cela conduira, par effet de contagion, à une dépression économique majeure (comme celle de 1929).
Ceci d’autant plus que les états développés (USA, Europe, Japan, Chine, etc.) sont pratiquement tous en forts déficits structurels depuis des décennies, et continuent à faire rouler leur dette en s’endettant pour rembourser le principal. Ils réinjectent l’argent ainsi emprunté aux épargnants dans l’économie en leur vendant des promesses de remboursement (= titres de dettes = obligations) accompagnées de très faibles primes (= intérêts). En France, le fonds Euro des assurances vie en représente un exemple typique.
La dette actuelle des états développées (USA, Europe, Japan) est une pyramide de Ponzi qui ne dit pas son nom, car l’argent emprunté par la plupart de ces états n’est pas investi pour générer des flux de trésoreries futurs capables de le rembourser ; mais il est utilisé en grande partie pour assurer le fonctionnement des états et maintenir la paix sociale et la satisfaction de la majorité des électeurs.
Ce mécanisme a été aidé et entretenu par les banques centrales qui ont œuvré pendant ces dernières décennies à injecter directement ou indirectement de plus en plus d’argent dans le système, afin notamment de soutenir la croissance économique ou de résister face à certaines crises fortement récessives (crise immobilo-financière de 2008-09 et la COVID en 2020-21).
Pour ce faire, les banques centrales ne se sont pas contentées des moyens conventionnels mis à leur disposition (= baisse des taux directeurs), mais ont eu aussi recours à des méthodes non conventionnelles (quantitative easing ou achat direct sur les marchés d’actifs financiers) dont les effets sont encore plus inflationnistes.
Ces taux d’intérêt particulièrement bas favorisent les états déficitaires ainsi que les investisseurs et les entrepreneurs au détriment des épargnants, des salariés et des retraités. Ils ont créé au passage une forte distorsion de richesse dans la société, car même si le cout de l’argent est très faible, les banques commerciales ne prêtent qu’à ceux qui sont les plus sûrs, c’est-à-dire ceux qui sont déjà riches ou ceux qui sont particulièrement compétents pour pouvoir rassurer les banques sur leurs capacités à rembourser. Cette distorsion est vécue par la majorité comme une injustice, ou au moins une frustration, qui aura des conséquences sur leur acceptabilité sociale de l'inflation à venir.
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Car depuis un an, la quantité d’argent monstrueuse qui s’est accumulée dans le système commence à ruisseler dans l’économie réelle et à provoquer une forte inflation qui va devenir de plus en plus inquiétante : 7.5 % d’inflation en Europe et 8.5 % aux Etats-Unis alors qu'on s'était habitué à moins de 3%, et même moins que 2 % pendant des décennies.
Devant cette situation, les banques centrales se trouvent confrontées à une alternative très délicate qu’elles doivent gérer avec beaucoup de doigté :
A mon avis, les banques centrales vont effectivement augmenter leurs taux d’intérêt mais en aucun cas de manière suffisante pour combattre complètement l’inflation, car cela sera très "récessionniste". Donc, on continuera probablement à avoir une inflation, peut être stable mais à un niveau élevé ; et parallèlement des forces récessionnistes modérées sur l’économie. Bref, on essaiera de couper la poire en deux : un peu d'inflation et un peu de récession. Encore faut-il qu'elles arrivent à le faire sans sombrer dans l'un des deux précipices : dépression ou hyperinflation.
Ici aussi, on se retrouvera probablement dans un environnement "stagflationniste" dans les années à venir.
Où allouer son épargne dans un environnement "stagflationniste" ?
Tout d’abord, je tiens à préciser que je ne suis pas un conseiller financier et que je ne fais ici que relater ma propre vision actuelle à propos de ce qui est probable de se passer dans les années à venir. Et quand bien même cette vision serait "juste" à l’instant présent, le futur reste en partie incertain, et des évènements inattendus peuvent advenir et la rendre sujette à des ajustements, voire complètement caduque.
Ma vision actuelle est celle d’une inflation assez soutenue (voire une stagflation) dans les années à venir à la fois en Europe et aux Etats-Unis.
Ray Dalio, un des plus grands et des meilleurs gestionnaires de fond au monde et qui a plus de 40 ans d’expérience dans le domaine, nous recommande en environnement de stagflation d’avoir un portefeuille investi essentiellement dans : l’or, les matières premières, le cash et les obligations indexées sur l’inflation.
Pour moi, le temps des obligations est révolu (jusqu'à assainissement du système), car les obligations sont des titres de dette dans un monde où les états ont maintenant une forte probabilité de devenir insolvables.
Restera donc l’or et les matières premières. A cela, on peut rajouter un peu d’immobilier fortement qualitatif (ie là il y a de fortes carences de logements), et des actions de quelques entreprises capables de prospérer malgré un environnement inflationniste/stagflationniste. Mais de manière générale, les indices boursiers risquent de souffrir dans les années à venir.
L’or s’achète à travers l’or physique, les ETF qui détiennent de l'or physique (exemple : Sprott Physical Gold) et les actions des entreprises minières d’or (exemples : VanEck Gold Miners ETF = GDX, VanEck Junior Gold Miners ETF = GDXJ).
A mon avis, les matières premières les plus importantes dans les années à venir sont :
Elles s’achètent soit à travers des actions des entreprises productrices (gaz pétrole, uranium, bois), soit à travers des ETF relatant le prix de ces matières, comme : Lyxor MSCI World Energy TR UCITS ETF - C-EUR (LYXNRGW), Invesco DB Energy Fund (DBE), VanEck Green Metals ETF (GMET), Sprott Physical Uranium Trust (SRUUF), Global X Uranium ETF (URA), Global X Copper Miners ETF (COPX), Global X Lithium & Battery Tech ETF (LIT), Invesco DB Agriculture Fund (DBA), Lyxor Bloomberg Equal-weight Commodity ex-Agriculture UCITS ETF, ELEMENTS Linked to the Rogers International Commodity Index – Agriculture (RJA).
Ceux qui ont une forte confiance en leur jugement peuvent tenter certaines entreprises ou matières premières particulières en plus de ces ETF pour tenter d’augmenter la rentabilité future de leur portefeuille au prix de plus de temps passé dans le suivi ainsi que d’une prise de risque accrue, puisque au risque économique global (appelé risque de marché), se rajoutera le risque lié à l’entreprise (ou à la matière première) sélectionnée (appelé risque spécifique).
Ceux qui pensent qu'il y a trop d'incertitudes pour prévoir l'avenir de l'économie dans les années à venir ont de toute façon intérêt à mieux équilibrer leur épargne en y rajoutant une part non négligeable d'or, d'argent et de matières premières et en surpondérant les actions des entreprises productrices des matières premières du secteur énergétique (= celles qui disposent de gisements de gaz/pétrole/uranium).