SECURITE ET LIBERTE
Chacun sait l'attachement que je porte à ce si grand et beau métier de procureur de la République (littéralement, qui prend soin de la chose publique). Héritière d'une riche et longue histoire depuis le XII ème siècle, la fonction de procureur est si riche, si stimulante, vivante et dynamique.
Sévère, peut être. Personne n'est jamais bien placé pour parler de soi. Mais, il est à l'espérer, ô combien humain, dans ma détermination quotidienne à vouloir promouvoir la paix sociale et à garantir les équilibres de notre démocratie, proche du quotidien des femmes et des hommes que j'aime sentir pour percevoir l'utilité de mon oeuvre de justice.
Merci encore à nos forces de l'ordre et de sécurité qui, aux côtés des femmes et hommes de lois, ont assuré et assurent, encore durant cette crise sanitaire, leurs missions. Qui se battent pour faire briller nos valeurs, consolider la société comme entreprise de coopération.
Ce sens du dévouement les honore.
Très attaché aux réalités sociales et humaines, loin de ma Tour d'Ivoire, j'aime discuter, rencontrer les femmes et les hommes de terrain (policiers et gendarmes), sentir leur incroyable dévouement et les difficultés aussi de leurs missions.
Pour ne jamais rien perdre de ma conception humaine et individualisée de la peine, face aux tentations dévastatrices d'un populisme pénal.
Nous avons le temps immédiat (nos citadelles carcérales qui bornent nos horizons) et le temps plus long (le rêve de la Cité radieuse).
Pour ma part, j'agis avec pragmatisme, sans amour ni haine du délinquant, sans, non plus, faire miroiter à la victime le rêve d'une société sans crime.
Proche des Hommes, proche des réalités.
Trouver une forme d'association qui protège de toute la force commune la personne et les biens de chaque associé, et où chacun s'unissant à tous, n'obéit en définitive qu'à lui-même et reste aussi libre qu'auparavant !
L'esprit du Contrat social : d'une part, le bonheur individuel (respect de la dignité, de l'intégrité physique et psychique des personnes, du droit de propriété sur ses biens) et d'autre part, surtout, le bonheur collectif (commun-profit selon BEAUMANOIR, avènement en nous d'une conscience morale).
La police, suprême concept de toute société démocratique !
Il faut donc saluer la mobilisation exemplaire de nos forces de sécurité pour faire briller les valeurs fondamentales qui nous unissent et qui donnent sens à notre grande et belle Nation.
Bref, je suis un homme confiant. Mais lucide aussi sur les contraintes parfois fortes de l'humanité parfois joliment humaine, parfois plus tristement froide et acipide quand elle s'abîme ou s'abandonne sur les assauts de l'intérêt particulier plus que les grandeurs de l'intérêt général.
Confiance lucide donc.
Lucide sur le fait que le débat public reste nourri par les peurs, le sentiment d'insécurité ou l'obsession légitimement sécuritaire.
Durcissement du code pénal, allongement des délais de prescription de l'action publique, démultiplication des incriminations, et des circonstances aggravantes (faits limitativement énumérés par la loi qui aggravent le quantum de la peine).
Société en guerre contre le crime où parfois s'associent des visions, certes différentes, mais toujours communes par le dessein d'un projet politique où la vengeance ne ferait plus loi.
Un monde que chacun bâtirait avec tous. Je l'espère !
L'émotion doit, nonobstant, ne jamais coloniser la Raison, et, derechef, la réalité tendre vers l'idéal sans verser dans l'illusion de croire qu'il sera atteint.
A peine, peut-on, à tout le moins, tenter de s'en approcher.
La dramaturgie pénale subsiste et, en observateur averti, avec humilité, j'observe inéluctablement, systématiquement, une société où, trop souvent c'est le spectacle de la violence qui répond à l'énigme du mal.
Pour ne jamais perdre de notre conception humaine et individualisée du droit pénal, il reste sans doute aux juristes de s'ouvrir à ce qui l'entoure, pour ne point dire, le fonde.
La philosophie, la théorie du droit, l'histoire. Cette culture générale, solide, que chacun doit acquérir, sans tomber dans le piège dans l'Honnête Homme ni l'Homme universel.
Simplement, pour disposer du socle minimal de connaissances pour décrire et comprendre.
Pour savoir et penser.
Pour douter puis agir et décider.
Un difficile mais nécessaire retour aux sources pour saisir la subtilité et l'intelligence d'une peine, pour comprendre la philosophie du procès aussi, bâti sur l'éthique de la discussion.
Merci HABERMAS !
Souvenons-nous, le Droit n'est pas un oracle sorti d'on ne saurait quelle bouche, mais bel et bien un objet de controverse.
Le juriste se méprend parfois à prêter au Droit ou à la règle de justice une rigidité qu'ils n'ont pas.
Sortir de l'état de caserne dans lequel l'on enferme parfois le Droit suppose encore une bonne dose de courage, d'humilité pour aller s'affronter aux puissantes et profondes questions discutant les fondements de notre si bel outil juridique ordonné à la Justice.
Bref, justice au service de Justice.
Mehdi HJIRA-MORIZOT