Slasheur / Switcheur expliqué à mon père
La fraîcheur de l’hiver qui s’installe rend propice ces fameux moments d’échanges profonds que l’on a pour beaucoup vécus au coin du feu. La semaine dernière j’ai eu le bonheur d’en partager un avec mon père, sur un sujet non moins sensible du moment : le travail. Le débat a été passionné entre mon père, génération pour laquelle l’identification à son métier définit son rôle, sa place, son statut dans la société, et moi qui revendique d’avoir une identité professionnelle multiple et d’être reconnu pour qui je suis et non pas de ce que je fais.
Imaginez la complexité pour moi de lui expliquer que mon activité est désormais celle d’un slasheur.
Et pourtant, sans le savoir, il l’est lui-même depuis toujours...
Mon père, ce slasheur
Pour vous dresser un rapide portrait (forcément caricatural), mon père est passionné par son métier de médecin généraliste de campagne, le serment d’Hippocrate chevillé au corps.
La qualité majeure d’un médecin de campagne est de pouvoir endosser une quantité indénombrable de rôles : à 9h, pédiatre, à 10h, ostéopathe (il a d’ailleurs repris les études pour compléter sa formation), à 11h cardiologue, à 12h dermatologue, à 13h infirmier, ... puis viendra le temps des domiciles, l’échange avec les patients n’en sera que plus intense, devenant ainsi psychologue, thérapeute, et véritable lien social.
Oui Papa, tu es un véritable slasheur, capable de basculer d’une profession à une autre, avec un même cœur commun, celui d’être là pour tes patients et les accompagner au mieux .
Il a finalement développé cette faculté par adaptation et nécessité au regard de la situation des déserts médicaux en campagne.
Mon père, ce switcheur
Bien qu’il se définisse en tant que Médecin, son héritage familial a aussi fait de lui un agriculteur. Pendant de nombreuses années, mon père a été médecin le jour et éleveur de chevaux, à l’aube, le soir et le week-end.
Oui Papa, tu as été un véritable switcheur, à vivre deux identités professionnelles cloisonnées de manière si hermétiques.
La sociologie de l’époque a fait qu’il a eu besoin de choisir, et qu’il était indispensable pour lui d’être identifié à un métier, son métier, celui de médecin.
La sociologie actuelle est radicalement différente. Quand on sait que 65 % des écoliers d’aujourd’hui exerceront des métiers qui n’existent pas encore, nous devons faire preuve de flexibilité et ne plus nous identifier exclusivement à un métier.
C’est donc en quelque sorte par instinct de survie, d’adaptation, de flexibilité que nous revendiquons et clamons haut et fort que cette kyrielle de visages ne soit pas une faiblesse mais bien une force.
MD MBA chirurgien, founder chez SOIGNANTREPRENEURS.com, Union des Chirurgiens De France
5 ansBelle et brillante synthèse. Un père médecin aussi, qui a commencé une carrière d'écrivain à 80 ans: il aurait mieux fait de le faire bcp plus tôt : la multi-activité est un rempart contre le bore-out et le brown-out. J'ai l'objectif de promouvoir cette idée au sein de la communauté des soignants, riche en Multipotentiels, voire HPI. Au plaisir d'en parler avec vous, Robin. Bien à vous Olivier Ray (MP, slasher et entrepreneur en devenir).
CONSEIL ET ACCOMPAGNEMENT DES DIRIGEANTS
7 ansMagnifique ! Superbement observé, pensé, décrypté et expliqué. Tout cela finalement rassure ; on fait de la prose sans le savoir et je suis heureuse d'avoir switché hier et de slasher aujourd'hui. Merci Robin.