"Sophie Kuijken", par Sandra Levy
Ma seconde chronique de janvier 2017 dans le magazine Transfuge
SOPHIE KUIJKEN Galerie Obadia, Cloître Saint-Merri Du 7 janvier au 11 mars 2017
De Sophie Kuijken on ne connaît presque rien : l’artiste a détruit une grande partie de son travail antérieur à 2011. Devant ces tableaux on ne peut s’empêcher de penser au gouffre qui les précède et qui pourrait correspondre aux fonds noir, brun, vert foncé ou gris, totalement impénétrables. L’art de Sophie Kuijken est trompeur. Dans un premier temps on croit à de l’art académique et rapidement on glisse. Cette artiste belge invente de toutes pièces ses personnages en glanant des images sur internet qu’elle combine ensuite, mélange et brouille. Les visages sont étranges, atypiques et asymétriques, les corps tout en retenues, le sens des regards impossible à saisir. Ces êtres inquiétants ne posent aucune question; ils répondent par la noblesse et le mystère qui se dégagent de leur présence énigmatique. Ils sont vraiment là, prêts à se mouvoir, dérangeants, d’où la fascination quasi hypnotique qu’ils exercent sur nous. Ces portraits, qui témoignent d’une identité trouble et indéfinie, irréductible et à part, sont pourtant familiers : sur ces toiles défilent et se télescopent les maîtres de l’histoire de l’art européen, de Bruegel à Cranach l’Ancien, du Titien à Manet, du Greco à Soutine.
Sandra Levy