Transitions : sortir des idées reçues, le cas de notre système alimentaire
La diversité, source de résilience - INRAE. © AdobeStock

Transitions : sortir des idées reçues, le cas de notre système alimentaire


#OneHelath ; #Résilience alimentaire ; #Transitions ; #Crises planétaires ; #Enjeux de changement

Hier je faisais référence à deux évènements d’actualité, à commencer par la guerre en Ukraine; et de souligner les liens qui relient cette actualité dramatique et les crises planétaires - crises du climat (GIEC - AR6, WGIII, Full report: GIEC @IPCC_CH ; pour une synthèse en 10 points: @pourunréveilécologqiue, de la perte de biodiversité et des dérèglements écologiques (dont les pollutions, l’émergence des zoonoses, etc..) - aux menaces qu’elles font peser sur la paix, en lien avec nos interdépendances, la préservation et la résilience des socio éco systèmes. Autant d’évènements qui, noués ensemble, nous engagent à agir collectivement pour engager des changements d’ordre structurels … 

Ce matin, et de façon plus ciblée, je prolonge le propos en rentrant par le défi que représente notre alimentation (défi complexe dont on commence à considérer les liens qui relient santé planétaire, humaine et animale (#OneHealth), à partir des nombreuses réactions suscitées par la publication d'un article intitulé : "Crise du blé : vers une utilisation plus massive des engrais et des pesticides dans l’UE", qui a eu pour effet de soulever l'indignation, voire l'agacement des acteurs du secteur concerné. Des personnes qui ont en commun de travailler en lien ou directement la terre, et de partager ce sens commun que beaucoup d’entre nous avons perdu du fait de notre « mondanisation »; et de nous mettre en face de la complexité des enjeux de sécurité alimentaire. Occasion de mentionner au passage que ces enjeux devraient être au coeur des débats présidentiels, ceci alors que plusieurs actualités récentes, depuis la pandémie de covid - 19 à la guerre en Ukraine, en passant par les crises du climat et écologiques, ont jeté une lumière crue sur les défis de penser et re-penser la résilience de notre système alimentaire. … 

Là n’est pas le propos. Je tenais juste à relayer la réaction de ces personnes, des professionnels du secteur de l’agriculture, tout du moins de personnes qui sont directement au contact des réalités du terrain, et qui illustrent de façon exemplaire le choc des rationalités qui sont autant de conceptions de la nature et des modalités de transformations à engager d’une part ; autant que le résultat des effets de cloisonnement entre les différents secteurs, les domaines de savoirs, ou encore entre les urbains et les campagnes d’autre part (qu'on oppose trop souvent). Il en résulte notamment un mur d’incompréhension, dont l’une des manifestations est l’expression des idées simplificatrices et le plus souvent injustifiées que ces professionnels doivent essuyer. Il en va de l’idée simplificatrice selon laquelle les enjeux de transformation, en l’occurence ici des pratiques agricoles, reposeraient sur le seul bon vouloir des personnes directement concernées. Ici des agriculteurs, quand hier je faisais d’abord référence aux consommateurs, sur lesquels il est facile de reporter la seule responsabilité de changer leur comportement alors que ces choix dépendent de systèmes socio techniques, qu'ils sont pris dans des normes sociales, qu'ils sont hérités de choix politiques, etc … invitant donc à réfléchir aux règles du jeu qui les encadrent, et aux différentes échelles d'intervention.

Pour reprendre ce que j’insinuais hier (dans un post), et le relier aux réactions de ces agriculteurs et professionnels face à l’incompréhension, voire aux propos souvent accusatoires dont ils sont souvent affublés, comme le signe d’une ignorance manifeste de l’interdépendance des échelles d’action et de temps en matière de politique publique, je joins ici le fruit d’un long travail de recherche-action engagé par l’association Les Greniers d’Abondance , qui œuvre à la transformation du système alimentaire grâce à la sensibilisation et la formation. Un rapport bien documenté qui vient justement rappeler les grands enjeux auxquels se trouvent confronté le système alimentaire français. A commencer par démonter ces fameuses idées reçues, auxquelles réagissent promptement les personnes qui m’ont inspiré cette note. Parmi elles, je citerai @Celine Corpel , que j'ai connue sur les bancs de Dauphine, où nous avons repris des études pour suivre le Master développement durable et organisations. L'occasion pour moi aussi de remettre en question certains à priori, et de réaliser à quel point nous étions - moi la première, en tant que parisienne, loin de la réalité des acteurs de terrain parfois - et loin de nous imaginer toute l’énergie et les initiatives déjà ou en cours de déploiement de la part de ces acteurs pour tenir ensemble les enjeux de notre sécurité alimentaire avec ceux de la préservation du vivant, et du maintien de leur activité...A cet égard, je vous invite à suivre Céline ! 

Et je vous invite à lire le rapport : Qui veille au grain DU CONSENSUS SCIENTIFIQUE À L’ACTION PUBLIQUE , dont l'ambition est d'inspirer l'action publique en matière d'alimentation, et dont le sous jacent est de sortir des idées reçues ; et de poser les enjeux d'un système alimentaire résilient et durable (forte) dans le contexte des crises globales.

Le constat des défaillances du modèle agro-alimentaire actuel, et de nos vulnérabilités face aux bouleversements environnementaux :

  1. 24% de l'empreinte carbone française liée au système alimentaire, également premier consommateur d'eau douce ;
  2. 26 000 ha de forêts tropicales rasées chaque année pour les importations pour l'alimentation animale ;
  3. Moins de 600 euros par mois de revenus pour 1/4 des exploitants ;
  4. 5 à 7 millions de personnes à l'aide alimentaire en France ;
  5. qui nécessite de recourir aux aides publiques à hauteur de 14,3 milliards par an afin de remédier aux faibles prix payés ;
  6. Des impacts sur la santé et des pollutions : surpoids, diabète, eau polluée ;
  7. Vulnérable au changement climatique : dépendance au pétrole (transport, machines), exposition aux parasites, sécheresse agricole, baisse de la fertilité des sols ;
  8. Exposition aux risques majeurs : rupture des chaînes d'approvisionnement, pannes électriques, conflits d'usage sur l'eau

Des leviers pour agir :

  1. Réduire de moitié la production et consommation de produits d'origine animale (élevage intensif, consommation x 5 en 100 ans, > 80% surfaces agricoles) ;
  2. Généraliser l'agro-écologie : très forte réduction des intrants, préservation des sols, rotation des cultures, production légumineuses ;  
  3. Re-territorialiser l'alimentation : nouvelles filières, transformation locale, et donc anticiper et préparer la création d'emplois en corollaire de la réduction des consommations d'énergie.

Changer les règles du jeu et lever les verrous à la transformation

  1. Créer une sécurité sociale alimentaire pour garantir l'accès à une alimentation de qualité aux plus modestes à des prix encadrés ;
  2. Instituer des structures pour l'accès aux terres et aux fermes pour les nouvelles générations (offices fonciers) ;
  3. Faciliter la création d'outils et d'initiatives mutualisées (ateliers de transformation, logistique, commerces ruraux) ;

Sortir des idées simplificatrices : 5 idées battues en brèche :

  1. Au pays de la gastronomie , la sécurité alimentaire est acquise ;
  2. Le système a prouvé sa résilience pendant la crise sanitaire ;
  3. « Numérique, robotique , génétique » sont les ingrédients de la sécurité alimentaire de demain ;
  4. Il suffit qu’agriculteurs et consommateurs changent leurs pratiques ;
  5. Le système étant verrouillé, on ne peut rien faire .

Un travail d'éclairage à diffuser largement...

Céline Corpel

Agriculture - Agroécologie - Agroforesterie - Durablité - RSE

2 ans

Merci Aude ! Fuyons les simplismes et essayons d'amener chacun à penser la complexité... Pas toujours simple sur ce réseau où le public n'est qu'un échantillon très partiel de la population. Biais de confirmation massifs... et facilité à récolter les likes avec une jolie photo et une bonne dose d'indignation.

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