Sous l'orage chaotique de la nature du monde
La nature du monde est profonde et mystérieuse. Elle est parfois rustre et maladroite. Nous voyant souvent stagner, elle nous envoie des orages chaotiques pour nous remettre en marche. Craintifs et ignorants, nous nous retranchons dans nos établis pour retrouver paix et sérénité, pire, croyants être punis nous redoublons de servitude.
J'ai longtemps évité les éclairs et les tempêtes dans ma cave amassée parmi d’autres englués agglutinés dans des conforts chers payés. Je n’entendais pas le chant des trompettes d’un mur à dépasser pour me vivre. Evitant d'être sur la route, j’avançais tristement accompagnée d’errants autant que moi inquiets, faisant corps comme un rempart pour s’éviter l’éclair du hasard qui frappe çà et là les malheureux par le sort et se voient alors ramassés par les charognards d'un système prêt à les mener droit au bonheur de la réussite par soi. A grand coup de ventée, de miracle du pot-en-ciel qui en nous contient toutes les clés de la réussite, ils ré-enchantent les éparpillés, rassemblent les mis à part, sans prétendre piller des trésors, ils offrent la carte vers l’île sans effort par le chemin de la soie disant attraction qui fait loi. La nature est profonde et mystérieuse, je vous le dis, elle gronde parfois violemment pour nous pousser vers des soi élancés qui ne peuvent se révéler autrement. Des pluies acides les seules que nous avons à craindre sont celles des paroles sucrées de solutions acheminées en paquet qui nous enlèvent la peine d’avoir à nous écrire l’histoire de nous-même.
La nature nous envoie ses pluies violentes nous jetant dans des moments où les eaux troublées de nos émotions nous inondent et veulent nous emporter. Elle nous offre la traversée d’une onde où l’on doit se laisser glisser pour découvrir une autre part à vivre, un autre soi en partage, une autre histoire à rencontrer. C’est pour mieux nous remettre à créer que nous avons à quitter l’œuvre finie que nous ne savons plus contempler telle et imparfaite. Plus l’appel est douloureux et plus la nature nous rappelle combien nous avons oublié notre essence d’être heureux. Se réaliser ne consiste pas toujours à réaliser des rêves et sur cette belle voie, nombreux aiment nous tendre une main pour nous montrer notre voie et une autre pour réaliser la leur. Peut-être bien qu’à l’heure des leurres, se réaliser c’est devenir un être libéré des rêves de réussite pour s’inscrire dans le monde sans acheter son droit de passage ou son mode d’emploi.
Chacun veut son chapelet d’histoires à se raconter mais la nature nous rappellera que toutes les histoires appartiennent déjà à l’humanité et que celle que nous filons est précieuse car elle est un maillage pour le tissu de l’humanité. Tout est à faire, nous avons à nouveau remettre en mouvement. Notre mort n’est annoncée qu’enfermés dans le mythe de la demeure au confort mité. Nous pouvons croire être heureux oubliés de nous-mêmes mais nous serons bousculés pour être délogés par la nature vibrante et profonde de la vie qui crie de plus en plus fort le rappel du sens afin que de montrer ce qui ne tourne pas rond. Il ne s’agit pas de marcher comme tout le monde mais de se remettre dans le sens de la marche du monde que nous avons perdu.
Les événements qui se déchainent maladroitement ne le font pas par hasard, et certainement ni pour notre mal ni pour notre bien, mais parce que c’est dans la nature des choses qu’ils se produisent. La douceur d’une vie qui s’écoule est le reflet d’une progression tout autant cohérente que celle qui serait torrentielle. L’une poursuit le mouvement l’autre le déclenche. Ne craignez donc plus les orages chaotiques et laisser vous porter par le flot des ondes de vos bouleversements émotionnels à traverser car c’est ainsi que l’on peut trouver le sens de la marche du monde.
— Béatrice Gomez — Les lignes marginales