Spécialité tout public
La période des fêtes est arrivée à son terme, et avec elle sa série de réunions familiales. Durant ces moments de convivialité, il aura fallu improviser à brûle-pourpoint des réponses à diverses questions relativement simples… en apparence. Entre l’apéritif et l’entrée : « mais, en fait, c’est quoi ce que tu fais exactement en coaching ? ». Au moment du plat de résistance : « Et tu as une spécialité ? ». Au fromage : « Comment tu fais avec des équipes dont tu ne connais pas le métier ? ». En coupant la bûche : « C’est pas trop dur les ados ? C’est quoi que tu aimes bien ? ».
Des repas aussi riches en saveurs qu’en introspection, en calories qu’en réflexion sur ma pratique.
Pour répondre, j’ai revisité les chemins empruntés avec les différentes personnes et équipes que j’ai accompagnées, en me demandant pour chacun : comment et pour quoi ? Et j’en ai tiré les grandes lignes qui animent ma pratique.
Aujourd’hui, j’accompagne des collégiens en situation de décrochage scolaire, souvent en souffrance psychologique ou sociale, des équipes de travailleurs sociaux, des équipes de soignants, des managers, des particuliers en période de transition. Difficile donc, pour commencer à répondre à l’une des questions, d’en déduire une « spécialité ». A moins que ladite spécialité réside ailleurs, pas tant dans le public que dans la manière de voir et dans la manière de faire. En effet, dans tous ces accompagnements j’ai à peu près le même regard, celui de la curiosité et de la confiance, et la même intention, accueillir et les aider à retrouver le pouvoir.
Regarder avec curiosité, c’est non seulement partir du principe que je ne sais pas à la place de la personne ou du groupe que j’accompagne, mais aussi être dans une posture de découverte et d’ouverture vis-à-vis de tout ce qui est apporté. Cette curiosité positive permet, grâce aux questions posées logiquement, avec fluidité et dans le respect de la personne, essentiellement deux choses. D’une part c’est mettre en évidence les qualités et ressources, valoriser la personne par l’intérêt qu’on lui accorde et que l’on porte à ses actions, permettre la prise de conscience des singularités et donc des forces. D’autre part cela permet d’interroger les croyances, de questionner les systèmes relationnels et organisationnels et ainsi d’ouvrir des possibilités de visions alternatives. Ce regard est d’autant plus authentique et puissant que je ne connais effectivement pas nécessairement en profondeur le métier des personnes que j’accompagne.
Et je lie cette curiosité à la confiance car adopter une attitude réellement et sincèrement curieuse, c’est être ouverte à tout entendre, c’est faire totalement confiance à ce qui peut être amené. Il s’agit d’accueillir les problématiques comme les émergences de solutions avec une entière confiance en ceux qui les apportent, c’est-à-dire nos clients, qui sont les seuls vrais connaisseurs et experts de leur vécu.
Et, le regard de confiance c’est de la confiance injectée à la personne ou au groupe, confiance qu’ils peuvent utiliser pour faire grandir la leur, en eux-mêmes et/ou entre eux.
Curiosité et confiance sont dans mon regard aussi bien devant des collégiens que je questionne avec grand intérêt sur les nouveaux mots qu’ils utilisent, sur les codes vestimentaires, sur leurs relations entre eux ou avec les adultes, etc., avec des équipes vivant des conflits et dont j’interroge avec simplicité les motivations et le fonctionnement, avec des personnes en transition à qui je demande ce dont elles ont envie…
Cette posture d’accueil et d’ouverture permet d’aider les personnes à retrouver du pouvoir d’agir, d’une part en explorant leurs forces et d’autre part en revisitant les problématiques qu’ils rencontrent sous un angle nouveau, celui de leur capacité d’action.
Les qualités et compétences mises en lumière vont pouvoir être ancrées par des expériences racontées en réponses aux questions. Il est ensuite souvent déjà possible d’accompagner l’émergence de solutions en s’appuyant naturellement sur ces ressources.
Egalement, l’ouverture à d’autres visions des choses, à d’autres croyances, à d’autres systèmes de fonctionnement, offerte par les questions et rendue possible par la confiance en toutes les réponses données permet aux personnes de gagner en autonomie et en responsabilité, c’est-à-dire en pouvoir d’agir. Dégager une nouvelle vision d’une problématique ou d’une organisation, restée dans l’ombre jusque là, cachée par des croyances, par des habitudes, etc., c’est souvent voir un nouveau chemin là où on n’en voyait plus. Et c’est donc pouvoir se mettre en marche dessus.
Pour faire apparaître ces alternatives, le rôle de l’accompagnant est d’associer questionnement, confiance et méthode. En effet, la curiosité et la confiance sont orientées vers un objectif : la recherche de ces nouvelles voies. C’est bien là le rôle du coach que d’être le garant de cet objectif.
Je pense par exemple à des équipes ne trouvant pas d’issue à leurs difficultés et pas d’autres exutoires que la plainte. Avec elles, j’ai beaucoup questionné pour faire apparaître de nouvelles visions possibles des relations et de nouvelles visions possibles du fonctionnement. Et j’ai beaucoup questionné pour faire sortir du cercle des problèmes et amener vers l’action. Une fois de nouvelles possibilités mises à jour et les problèmes mis à distance, c’est le champ de l’action qui s’ouvre. Il devient possible, non plus seulement de subir des situations dont on ne voit qu’une seule face mais d’agir en les regardant d’un côté offrant des prises.
Ces éléments qui guident ma pratique sont les mêmes quels que soient mes interlocuteurs car je crois qu’ils sont essentiels pour tous et chacun.
Je crois avoir ainsi trouvé les réponses aux différentes questions qui m’ont été adressées. Je remercie sincèrement celles et ceux qui me les ont posées ainsi que celles et ceux que j’accompagne avec émerveillement, confiance et bonheur et qui m’ont permis d’y répondre.
Estelle Cauvin, janvier 2019
Co-Fondateur & Directeur de Création
6 ansBel article et belle vision de l'accompagnement. Belle continuation.
Merci pour ton partage d’expérience.
Bibliothécaire - Coach professionnelle
6 ansJe partage avec vous Estelle Cauvin cette vision de l'accompagnement "spécialisé tout public". Merci de l'avoir explicité avec des mots qui résonnent si fortement chez moi ☺