Succession : La réserve héréditaire s'appliquera aux successions internationales à compter du 1er novembre

Succession : La réserve héréditaire s'appliquera aux successions internationales à compter du 1er novembre

La loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République a modifié (discrètement) l'article 913 du Code civil en rajoutant un alinéa qui vise à protéger la réserve héréditaire dans le cadre d'une succession internationale.

Cette loi s'appliquera à compter du " premier jour du troisième mois suivant la publication de la présente loi et s'applique aux successions ouvertes à compter de son entrée en vigueur, y compris si des libéralités ont été consenties par le défunt avant cette entrée en vigueur" (source: http://legifrance.gouv.fr).

Pour rappel, la réserve héréditaire en France est la partie de votre patrimoine qui doit obligatoirement revenir à vos héritiers réservataires (vos descendants et si vous n'en avez pas ou plus à votre conjoint).

Cette quote-part se quantifie de la sorte:

  • 50% du patrimoine si vous avez un descendant .
  • 2/3 du patrimoine si vous avez 2 descendants.
  • 3/4 du patrimoine si vous avez 3 enfants ou plus.
  • 1/4 en l'absence de descendants et si vous êtes marié.

La part qui n'est pas réservée s'appelle la quotité disponible.

Les héritiers réservataires lésés par des dispositions (legs ou donations) peuvent demander l'action en réduction auprès des autres héritiers.

Cependant le droit international peut poser quelques problèmes d'application de cette réserve héréditaire notamment dans les pays où ce mécanisme n'existe pas .

Cet alinéa change clairement la donne en précisant que « Lorsque le défunt ou au moins l'un de ses enfants est, au moment du décès, ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne ou y réside habituellement et lorsque la loi étrangère applicable à la succession ne permet aucun mécanisme réservataire protecteur des enfants, chaque enfant ou ses héritiers ou ses ayants cause peuvent effectuer un prélèvement compensatoire sur les biens existants situés en France au jour du décès, de façon à être rétablis dans les droits réservataires que leur octroie la loi française, dans la limite de ceux-ci. » ;

Il ne s'agit ni plus ni moins que de l'application du règlement européen des successions entré en vigueur le 17 août 2015.

En analysant de plus près le dispositif prévu par le Code civil, les conditions sont clairement encadrées:

  • Le défunt ou un de ses descendants doit être ressortissant d'un pays membre de l'UE ou y réside actuellement. Il faudra se reporter à la définition de la résidence actuelle. En France, c'est l'article 4B du Code général des impôts qui règle la question en posant les conditions : résidence, activité professionnelle, centre d'intérêt économique, etc.
  • La loi étrangère ne permet aucun mécanisme réservataire protecteur des enfants. Si une réserve héréditaire moins importante s'applique à l'étranger, l'article semblerait ne pas s'appliquer. Quid d'une réserve très inférieure ? Ce cas devrait sans doute être porté en jurisprudence un jour...

Le conjoint n'est pas ailleurs par abordé par l'article. La France a établi des règles protectrices du conjoint depuis 2001 mais ne semble pas les renforcer en droit international.

  • Le prélèvement ne porte que sur les biens en France au jour du décès. Il n'est donc pas possible de demander le prélèvement sur des biens à l'étranger. C'est logique d'un point de vue loi nationale mais cela montre clairement une possibilité de placer un maximum ses biens dans un Etat où la réserve ne s'applique pas.

Cela a pu être le cas dans l'affaire très célèbre d'un chanteur qui avait une fiducie et des intérêts économiques importants aux Etats-Unis.

Si cette loi réinstaure le principe de protection des héritiers, elle pose d'autres questions sur la disposition d'une succession internationale. Il convient donc de prendre une attention toute particulière à ses libéralités lorsque la succession dépasse la frontière française, pour éviter un contrecoup du fait de l'application de cet article.

L'intervention d'une stratégie patrimoniale construite avec plusieurs professionnels (Notaires, avocats internationaux, gestionnaires de patrimoine, ...) doit être étudiée.

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