Surprotéger nos Anciens : un dilemme individuel – un dilemme sociétal

La population française vieillit. Nombreux sont les Anciens qui jouissent encore de toutes leurs facultés intellectuelles mais dont la perte d’agilité et de mobilité les conduit à la dépendance.

L’état de dépendance arrive plus ou moins vite lorsque l'on vieillit. L’obsolescence numérique, la dégradation de notre santé physique nous déclassent aussi. Nombre d’entre-nous trouvent la force de lutter quand ils sont malades ou estropiées car cette lutte ne fait appel qu'à leur force intérieure. Mais quid quand la dépendance arrive liée à une société dans laquelle l'individu est frappé d'obsolescence technologique ?

Lorsque tout va bien au plan physique et intellectuel, en fait trop bien, nombre de personnes âgées traînent leur vie faute d'avoir des occupations qui les obligent. Pour beaucoup d’entre elles, qui sont encore autonomes, ce sont les "petites" tâches du quotidien qui font cet office. Certes, ces occupations peuvent mettre en risque la personne devenue dépendante mais peut-on vivre sans aucun risque, même lorsqu'on le fuit ? 

Accepter qu'une personne prenne un risque, commette des erreurs, c'est accepter son humanité. C'est cette prise de risque qui fait que nous sommes tous vivants.

Trop d’Anciens (mais pas seulement) l'ont oublié si bien qu'ils comptent sur les autres pour trouver une raison de vivre. Mais est-ce qu’à trop protéger, on ne tue aussi sûrement qu'en ne protégeant pas du tout ?

Le malaise de nombre d’Anciens pris en charge par leur famille (le plus souvent l’un de leur enfant qui se sacrifie) est bien là. L'Homme est ainsi fait qu'il accepte toujours la sur-protection, le mol oreiller. Il est pourtant un piège pour lui.

Il en va de même pour la société française toute entière et on en voit le résultat aujourd’hui.

Il n’est pas facile de trouver le bon équilibre. Il est propre à chacun. Dans toute cohabitation de quelle que nature qu’elle soit, il est fréquent de voir l’un imposer à l’autre son propre équilibre, à fortiori si c’est lui qui "porte" l’autre. 

Cela aide-t-il vraiment celui/celle qui est "porté(e)" ? Celui qui « fait » est face à la passivité grandissante de l’autre et le premier vient à se décourager. Quant-à l’autre, enfermé de son plein gré, il devient omnubilé par sa situation de dépendance qui l’empêche d’exister à ses propres yeux. 

Cet autre devient alors une forme de miroir, certes déformant mais un miroir quand même du premier : le "trop d'ordre" ou d'autorité rendu nécessaire pour faire face au quotidien finit par exclure parce que tout ordre est propre à chacun : l'homéostasie de X n'est pas réglée comme celle d'Y. 

Il faut donc que celui qui « porte » prenne en plus sur lui afin de trouver, l’énergie de faire progresser l’autre à petits pas, même s'il est diminué, afin de faire que chacun retrouve sa dignité dans l'action. Sans cette dignité, nul ne comprendrait le sacrifice de sa vie au service de l'autre : ce sacrifice n'est possible qu'en raison de cette dignité ressentie et partagée.

La vie à plusieurs est toujours une somme de contraintes. Le bonheur est dans le dépassement de ces dernières et non dans leur normalisation ni dans leur résolution. C'est le traitement qui rend malade comme Le président Macron finira peut-être par le comprendre un jour : on ne peut se substituer aux êtres, on peut seulement s'adapter pour les accompagner, aplanir un peu les obstacles qui seront sur la route mais surtout pas les ôter. Surprotéger, c’est nier l'humanité de l’Autre, c'est vanter le nihilisme qui aboutit toujours au déluge.

Vivre seul est difficile mais vivre à deux ou plus l’est tout autant. On a décrié les familles "à l'ancienne" qui vivaient sous le même toit. Depuis la seconde moitié du siècle dernier, avoir chacun son chez soi était pourtant devenu une exigence. L’émergence de la Covid pousse les familles à se regrouper de nouveau, accroissant de fait l'isolement de ceux qui n'en n'ont plus. Les relations sociales semblent s''organiser de nouveau autour d'elles. Cela sera-t-il durable ? 

Virginie Musial

Directeur de bibliothèque chez Ville de Sarrebourg

3 ans

Actuellement, et le covid l'a bien montré, le problème de nos anciens est la solitude dans laquelle ils sont enfermés et le peu de relations qu'ils entretiennent avec leurs familles. Ils sont bien plus nombreux ceux qui vivent seuls, +/- éloignés de leur famille que ceux qui ont la chance de pouvoir y demeurer quotidiennement. La question de la surprotection n'est pas qu'une question d'âge. La mollesse vient avec le confort à tous les âges de la vie. N'est-ce pas d'ailleurs un des motifs constamment avancé par les politiques libérales, si bien ancrées dans nos mentalités ? "Si on leur donne, on les incite à ne plus rien faire..". La pensée contre les études et les faits : nombreux sont ceux qui démontrent pourtant que libéré des contingences, l'Homme se sent plus libre d'agir. Mais ces observations/theories et thèses sont trop à contre-courant pour qu'elles soient avancées. ( Cf - entre autres mais celui-ci est très facile à lire "Utopies réalistes" de Rutger Bregman qui cite de nombreuses références et exemples ). Alors doit-on décemment priver ceux qui ont la chance de pouvoir en bénéficier, de sécurité et d'attention, sous prétexte que leur faciliter la vie leur ôte leur libre-arbitre ?

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