SwissCovid, ne confondons pas tout !

J'aimerai revenir sur l'ire collective suscitée par la question de l'application de traçage numérique SwissCovid et les elements qui l'entourent. Le 5 mai 2020 je m'exprimais au JT 19h30 de la RTS en évoquant les dangers du Solutionnisme Technologique combiné à l'urgence, indiquant qu'il faut se donner le temps de la conception afin de réaliser quelque chose de raisonnable tant d'un point de vue technique que sociétal. Je soulignais aussi l'importance d'une certaine "mesure" dans l'usage de l'urgence, particulièrement faisant référence aux risques techniques, humains et démocratiques (voir l'article du FT de Yuval Harari). J'ai documenté ces quelques points avec des exemples dans un post le lendemain.

Préalablement, le 27 avril, à l'initiative de Johan Rochel (Ethix Lab) et avec Paul-Olivier Dehaye (PersonalData.io) nous avons longuement discuté, de façon libre et ouverte, de cette question lors d'un Café Philo. Le 17 mai, dans Forum, je relevais à nouveau l'enjeu de prudence dans la situation qui nous occupe.

La société semble vouloir absolument transformer ce qui devrait être avant tout un débat de société, puis un projet technique raisonnable sur la base d'exigences réfléchies, en un combat stérile voulant catégoriser en deux camps opposés des fervents et des inciviques. Qu'il soit rappelé ici, une bonne fois pour toute, que je n'appartiens à aucune de ces deux catégories. J'appartiens à une troisième catégorie de personnes qui revendiquent fermement et avec vigueur le devoir moral de transparence de nos institutions et le droit inaliénable de l'individu à être informé complètement et avec exactitude sur un choix qui doit être libre et éclairé.

Or, à ce stade, force est de constater que nous nous égarons totalement. Le Parlement suisse vote des lois sur la base d'informations gravement incomplètes et avec un niveau de compréhension des enjeux particulièrement biaisé. Le Conseil fédéral semble résolument aveuglé par le solutionnisme technologique alors même que notre pays n'a aucune structure digne de ce nom pour la gouvernance de sa transition numérique. L'office fédéral de la santé publique pousse à une urgence de plus en plus difficile à justifier. La centrale d'enregistrement et d'analyse pour la sûreté de l'information (MELANI) retient des informations essentielles pour la compréhension de la situation pourtant disponibles avant le vote au Conseil national du 8 juin (voir l'enquête de Heidi.news, analyse de Serge Vaudenay). Et finalement un peuple maintenu dans une ignorance dont on se demande franchement pourquoi, alors que c'est précisément l'acteur clé du projet qui doit se déterminer librement et de façon éclairée sur l'usage de cette application!

Donc, je persiste et signe! La seule urgence que nous avons sur ce projet est celle du débat public et de la transparence.