Technique d'animation 3/4 : tout comprendre à l'animation 3D en 10 minutes
Vous savez maintenant presque tout sur l'animation, qu'elle soit traditionnelle ou sur ordinateur. Alors je vais tenter maintenant de vous aider à bien comprendre l'animation 3D.
La profondeur
Je vous ai parlé précédemment de l'animation vectorielle, à base de points et de coordonnées X et Y. Et bien, en 3D, c'est presque la même chose, sauf que les points possèdent en plus une coordonnée de profondeur, Z.
En 2D, deux points suffisent pour tracer une ligne et voir apparaître une forme.
En 3D, le plus petit élément visible est un polygone, défini par au moins trois points.
Les objets ne peuvent donc être que des assemblages de polygones, qui créent des surfaces et donc des volumes.
Pour pouvoir créer un objet, il faut donc l'imaginer entièrement constitué de polygones, puis calculer chacun des points d'intersection de ces polygones.
Et c'est exactement ce qu'ont fait, en 1972, les pères de la 3D moderne, Ed Catmull et Fred Parke, en transformant la main gauche du premier en une combinaison de polygones, et en calculant (à la main) chacun des points d'intersection. Ainsi naquit la toute première animation en 3D.
À noter qu'Ed Catmull, qui ne vous dit sans doute rien, n'est rien moins qu'un des fondateurs de Pixar, et l'ancien président des studios d'animation Disney !
Il faudra cependant attendre 12 ans et l'arrivée de John Lasseter avant d'admirer le premier court-métrage d'animation en 3D, Les aventures d'André et Wally B..
La modélisation
La première phase de la production d'un film en 3D est donc la création d'objets à partir de polygones et cela s'appelle la modélisation.
Aujourd'hui, les algorithmes permettent de créer des objets avec des polygones à quatre côtés. Un cube est donc simple à modéliser : il suffit d'assembler 6 polygones.
Mais modéliser une sphère devient beaucoup plus complexe car en 3D, la seule façon d'arrondir les angles est d'ajouter des polygones.
Donc plus vous souhaitez de détails dans votre scène, plus il vous faut ajouter des polygones, et plus il y a de polygones, plus les calculs deviennent importants, car il ne suffit pas d'ajouter un seul polygone, comme vous pouvez le constater sur l'animation ci-contre (on passe ici de 6 à 600 polygones).
La puissance de calcul est donc l'un des premiers obstacles à surmonter lorsqu'on crée en 3D.
Et c'est pourquoi la tendance du Low-Poly s'est dessinée il y a quelques années : des objets construits avec un très faible nombre de polygones, qui deviennent visibles, pour des calculs toujours plus rapides (ci-dessus des animaux Low-Poly de Pavel Novák). Une contrainte qui a finalement fait émerger un style.
A contrario, certains logiciels permettent d'aller très loin dans les détails de la modélisation en permettant de sculpter directement dans le logiciel (comme ZBrush par exemple ou même Blender, un logiciel 3D open-source très puissant).
Notre objet à présent modélisé, appliquons-lui une texture !
La matière
Le verre a des propriétés réfléchissantes que le sable n'a pas.
Le bois est rugueux, le marbre peut être poli, l'eau diffracte.
Tous ces paramètres sont autant de potentiomètres ajustables qui nous permettent d'imaginer une infinité de matériaux originaux, et qui peut rendre ce travail très chronophage, surtout si on cherche le photoréalisme.
Mais la matière ne montre tout son potentiel que grâce à un élément essentiel d'une scène 3D, la lumière.
La lumière
Et la lumière fût.
Après la création du ciel et de la terre, Dieu créa la lumière (car oui, Dieu est le premier artiste 3D).
Et nous aussi.
Car elle façonne, elle révèle, elle ambiance.
Techniquement, il convient de placer les bonnes lumières aux bons endroits, à la bonne intensité, et à la bonne couleur, à l'instar d'un photographe dans la vie réelle.
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Cela semble simple mais ça ne l'est pas. La bonne gestion de la lumière fera toute la différence. La lumière n'est pas qu'essentielle, elle est la vie. Vous voilà prévenus !
Notre objet est maintenant modélisé, matérialisé et éclairé. Comment en tirer une image ?
Le point de vue
Le gros avantage de la 3D est l'utilisation des caméras. Une fois que tout est en place, il suffit de trouver le meilleur angle pour en tirer la meilleure image.
Les caméras 3D ont les mêmes propriétés que les vraies : profondeur de champ, angle de vue, longueur de focale.
Et contrairement à la 2D, on peut regarder devant, derrière, au-dessus sans avoir à recréer quoique ce soit. Et donc proposer des mouvements de caméras originaux.
N'oublions pas que c'est par le cadrage, et donc le point de vue, que commence la narration 🙂 🔥 !
Le déclencheur
Les objets, les lumières et les caméras sont en place, et le petit oiseau doit maintenant sortir.
En 3D, ça s'appelle le rendu : la machine va calculer le chemin que chaque rayon de lumière va parcourir entre la caméra et les différentes lumières.
Comme vous pouvez l'imaginer, ces calculs sont gérés par des algorithmes très complexes qui prennent beaucoup de ressources sur le processeur de l'ordinateur (le CPU - Central Processing Unit). C'est pourquoi la plupart ont été déportés vers les cartes graphiques (ou GPU - Graphics Processing Unit) afin de réduire les temps de calculs.
(The Mandalorian dans un décor 3D (l'écran derrière l'acteur))
L'affichage en temps réel est le graal de tout artiste 3D, et certains environnements comme Unreal Engine permettent aujourd'hui de réaliser des décors réalistes entiers utilisables directement sur une scène filmée. La série The Mandalorian a été la première à l'expérimenter.
Dans tous les cas, il vous faudra une grosse machine avec un maximum de cartes graphiques, ou utiliser des fermes de rendu (des sites remplis de serveurs équipés de cartes graphiques) qui peuvent coûter très chères si votre scène contient des millions de polygones.
Le mouvement
Vous le savez maintenant, l'animation vidéo n'est qu'une succession d'images.
Les films en 3D ne dérogent pas à cette règle. Seulement voilà, une seule image peut mettre plusieurs secondes, voire plusieurs minutes à calculer pour les raisons évoquées ci-dessus.
Imaginez qu'une image mette 30 secondes à calculer, un film d'une minute à 25 images par seconde prendrai donc 12 heures de calculs !
Il faut donc non seulement optimiser la scène pour que chaque image se calcule le plus rapidement possible tout en gardant une certaine qualité, mais en plus prévoir le matériel nécessaire à la réalisation de ces calculs, ce qui peut demander un budget conséquent.
La finalisation
En règle général, un film 3D sort souvent très brut, et intégrer certains effets directement dans le rendu peut très fortement allonger les temps de calcul.
C'est pourquoi il est préférable de passer par une dernière étape de finalisation, nommée compositing. Cela consiste dans l'assemblage de plusieurs sources d'images (photos, image 3D, illustrations) afin de créer une image finale homogène et agréable à l'oeil.
(Rendu 3D de Nidia Dias)
On ajoute à cette étape un tas d'effets comme le flou de la profondeur de champ, le flou de mouvement, la colorimétrie, le grain (pour simuler une pellicule), la fumée, et plein d'autres effets à la discrétion des artistes.
Il existe des logiciels professionnels dédiés à cette tâche pour le cinéma (comme Nuke), mais en motion design, on utilise largement After Effects.
Et voilà ! Votre film est prêt à être exporté pour être ensuite monté et mixé avec les voix, la musique et le son !
Conclusion
(Illustration du duo Cabeza Patata pour Spotify)
La 3D a donc de nombreux attraits mais elle est complexe et longue à mettre en place. Elle peut aussi être (très) coûteuse.
Les contraintes liées à cette technique provoque aussi des styles très différents et originaux qui vous permettront de vous démarquer fortement de vos concurrents !
Alors, oserez-vous vous lancer dans un film en 3D 🙂 ?
(Cet article a d'abord été publié ici)
Solutions visuelles poétiques pour (R)éveiller les cœurs • Illustratrice & Directrice Artistique • Le goût du lien par l’image 💛
3 ansC'est ce qui s'appelle un titre percutant 😋 bravo pour le déroulé pédagogique et stimulant 👌 🙏