Teddy Riner : le champion sous pression qui sait gérer le stress

Teddy Riner : le champion sous pression qui sait gérer le stress

C’est officiel depuis hier, le judoka Teddy Riner sera le porte-drapeau qui représentera la France aux jeux olympiques de Rio cet été. N’en déplaise aux superstitieux, il n’y a que très peu de chances que la « malédiction » qui frappe les portes drapeaux français depuis 2002 vienne perturber celui qui sait gérer le stress et la pression mieux que quiconque. Explications.

1. Des portes drapeaux qui ne résistent pas à la pression

Comment expliquer cette longue absence de succès de la part des portes drapeaux tricolores ? Il va s’en dire que cette responsabilité ajoute encore un stress supplémentaire à l’énorme pression logiquement présente lors d’un événement sportif de cette ampleur.

Nous l’évoquions dans l’article sur Leicester, Il y a deux formes de pression : la pression d’enjeu qui focalise sur le résultat et la pression sur le jeu qui focalise sur le « comment » parvenir à ce résultat.

Dire à un commercial « Ne loupe pas cette vente, c’est 20% de ton objectif sur le trimestre » ou dire à un athlète fraîchement nommé porte-drapeau « Maintenant que tu es l’étendard de toute une nation, montre l’exemple et décroche l’or » génère le même effet psychologique dévastateur pour la performance de l’individu : du stress.

Le stress, que ce soit dans le monde du sport ou en entreprise, inhibe. La pression sur l’enjeu est bien entendu nécessaire pour donner du sens mais cela ne doit en aucun cas se substituer aux moyens d’atteindre ledit objectif. Car si le « combien ? » génère du stress et donc la peur de ne pas y arriver ; le « comment ? » engendre du trac, la peur de ne pas être capable d’appliquer le « comment ? ». C’est alors que la concentration sur les fondamentaux, les basiques et les rituels fait toute la différence.

 

Cette prétendue « malédiction » n’est-elle finalement pas liée à la combinaison de ces deux paramètres négatifs ? Un trop plein de pression d’enjeu et une déconcentration liée à l’objectif subsidiaire de porte-drapeau qui prend le pas sur l’objectif principal semblent en tout cas être des explications plausibles quant à ces échecs à répétition.

2. Riner, des rituels, des basiques et des fondamentaux au service de la sérénité

Par facilité, on pourrait expliquer les résultats exceptionnels de celui qui détient le record de huit titres de champion du monde simplement en mettant en avant sa composition physique hors du commun. Il est vrai que celui-ci a toujours obtenu de la part des membres de sa famille un regard positif au sujet de sa carrure.

« On l’appelait « le gros bébé » car il était rond et costaud, il faisait 4 kilos à la naissance. Un jour, il a pris un kilo en une journée juste avec les biberons ». Marie-Pierre Riner.

Cette scène fondatrice joue bien évidemment un rôle dans la confiance que Teddy Riner a en ces capacités physiques. Mais il n’est pas le seul judoka à bénéficier d’un physique de colosse, loin de là. Alors comment parvient-il à gérer le stress, à faire la différence et à se démarquer de tous ces concurrents ?

Premier élément de réponse, Riner est extrêmement exigeant avec lui-même, physiquement et mentalement. Avec un supplément d’âme à toute épreuve et une perpétuelle soif de victoire, il s’entraine deux fois par jours, plus de 25 heures par semaine. Le jour où sa femme a accouché, voyant que le travail n’en était qu’au tout début, il est parti s’entrainer avant de revenir assister à la naissance de son fils Eden.

Autre caractéristique qui singularise le successeur de Parisi et de Douillet, Riner cherche constamment à faire grandir son sport en innovant pour être le plus complet techniquement. Il se remet sans cesse en question et cherche constamment la perfection du geste pour être le plus efficace possible. Exemple au combien révélateur : il culpabilise après un titre mondial car ses adversaires ont refusé l’engagement, ne le laissant pas exprimer toute l’étendue de son talent. Résultat, il n’arrive pas à savourer la victoire car il considère que c’était à lui de trouver les solutions pour développer du beau judo.

Autre piste de réflexion ! Si sa famille a joué un rôle déterminant dans sa tendre enfance en lui donnant une haute estime de lui-même ; son clan, et ses parents en tête, continuent de lui apporter ce regard, cette reconnaissance et cette source d’une énergie inépuisable en l’accompagnant aux quatre coins du monde pour suivre ses exploits. C’est à travers son art qu’il existe aux yeux de ses parents et par conséquent, qu’il prend du plaisir à le pratiquer au quotidien avec autant d’assiduité.

« Qui veut faire de grandes choses doit penser profondément aux détails. » John Pawson.

Sa carrière, il l’a bâtie sur de très nombreux détails qui lui permettent de parvenir à un très fort niveau de concentration et de ne jamais se laisser submerger par le stress ou par l’enjeu.

Une compétition se passe sur une journée et il respecte des rituels pour aboutir à une journée type. La veille, sa mère lui prépare son sac, toujours de façon très méticuleuse. Il ne fait confiance à personne d’autre. C’est aussi elle qui s’occupe de l’eau de peur qu’une femme de chambre ne mette des produits dopants dans ses bouteilles.

Le jour J, il analyse chacun de ses adversaires entre chaque combat. Façon de répondre au coach, hochement de tête rapide, il récupère chaque micro indices pour connaître l’état d’esprit de son prochain adversaire.

Puis, il gère la pression avec un schéma très précis : il écoute de la musique, se nourrit toujours avec les même aliments, il regarde des films de combats : bref il s’isole dans sa bulle, dans son univers ou rien ne peut l’atteindre.

3. On n’atteint que ce que l’on vise

Sa famille le décrit comme un enfant déterminé qui allait systématiquement au bout des choses.

« Ce n’était pas un enfant anarchique, quand il commençait un puzzle, il le finissait. Il terminait toujours ce qu’il commençait ». Marie-Pierre Riner.

Cette anecdote est très révélatrice de la capacité de Teddy Riner à aller au bout de ses projets. Ce qui est de très bon augure pour la compétition à laquelle il s’apprête à participer ; celle-ci n’étant qu’une étape pour concrétiser son rêve ultime.

Riner n’a perdu que deux combats dans sa carrière. En 2008 à Pékin, où il ne décroche « que » le bronze, il avait pour objectif de « d’aller chercher une médaille ». Formulé de la sorte, il y avait peu chance qu’il aille au bout de la compétition puisque il est très rare de réussir à dépasser les objectifs que l’on se fixe. Autrement dit, il est fondamental de se fixer des objectifs très ambitieux si l’on veut atteindre des sommets car on atteint que ce que l’on vise.

Il semble que celui qui ne supporte pas la défaite ait retenu la leçon. Depuis septembre 201O, il a enchainé 95 victoires de rang et a formulé un rêve très précis : ne plus perdre le moindre combat jusqu’aux JO de Tokyo en 2020, au pays du judo, finir sur une victoire et ainsi devenir le plus grand judoka de tous les temps. Pour celui qui va au bout des choses, tous ses efforts, tous ces sacrifices et toute l’exigence qu’il a envers lui-même ne sont orientés que sur cet unique objectif.

Cette vision, ce rêve très ambitieux auquel il s’accroche encore plus qu’aux kimonos de ces adversaires, devrait lui permettre de rester focus et de ne pas se laisser déconcentrer par son rôle de porte-drapeau. Après tout, ce n’est finalement qu’une conséquence positive de ses prouesses mais certainement pas un aboutissement ou le rêve ultime de sa carrière.

En résumé, le plus jeune champion du monde de l’histoire du judo réunit tous les ingrédients pour porter haut les couleurs de la France à Rio. Il est entouré de référents familiaux qui l’accompagnent, le valorisent sur ses points forts et le soutiennent depuis toujours. Au-delà des rituels immuables, il s’impose une énorme exigence sur l’application parfaite et systématique d’un nombre incalculable de gestes basiques qui lui permettent d’atteindre des sommets.

Cette recette « simple » est aisément transposable à l’univers professionnel, chaque entreprise ayant besoin d’une vision à long terme, d’une stratégie à moyen terme pour parvenir à concrétiser cette vision. Le tout en parvenant à décliner celle-ci en gestes basiques pour concentrer l’ensemble des collaborateurs sur les 20% de priorités qui aboutiront à 80% du résultat.

David EMEYRIAT

Manager chez EDF au CNPE de Bugey

8 ans

Bel article, merci. Comme je l'enseigne à mes enfants : " En visant le sommet, on arrive le plus haut possible."

Jean-Pierre GUYENNE

Deputy Electronic Payment Manager for BPCE SI through INTM

8 ans

Il est entré dans la légende, et dépassé Jean-Luc Rougé, David Douillet, Thierry Rey... Bonne chance pour les JO au Brésil Teddy, on est tous avec toi (^_^)

Séverine Godet

Productrice de contenus IT/Innovation - copywriter

8 ans

Ca m'a refait penser à cette pub mythique : "C'est toujours les mêmes gestes. D'abord la jambe gauche. Toujours. Chaussette, chaussure. Puis la jambe droite..." :) ah l'importance des rituels et de la préparation mentale.

michel Rolland

retraité Le Groupe La Poste

8 ans

Un très grand de chez les grands

Ali Ozcan

Technicien avec brevet Fédéral🇨🇭

8 ans

👍🏻 Un Grand Champion👍🏻.

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