Tensions d’approvisionnement en médicaments : la solution ne pourra être trouvée sans concertation
Pénurie de matières premières, augmentation et imprévisibilité de la demande mondiale et incidents dans la production de médicaments de plus en plus complexes à fabriquer… sont autant de causes qui conduisent la France, comme de nombreux autres pays, à faire face à d’importantes tensions d’approvisionnement. Face à cette situation, les solutions à apporter sont nécessairement plurielles. Notre laboratoire étant concerné, je souhaite partager avec vous nos réflexions sur ce sujet.
Devant l’urgence de la situation pour les patients, le Gouvernement a introduit dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 une nouvelle disposition instaurant l’obligation pour les laboratoires pharmaceutiques de constituer des stocks plus importants de médicaments pour la France. On ne peut que partager l’objectif du texte : permettre à tous les patients de se voir délivrer leurs traitements en pharmacie. Néanmoins, en l’état, cette mesure présente des lacunes qu’il sera important de prendre en compte dans la rédaction du décret d’application pour s’assurer qu’elle puisse pleinement porter ses fruits.
Ce décret devra en effet considérer la situation unique de chaque médicament et notamment : la disponibilité d’autres médicaments pour traiter une même maladie, la complexité de la fabrication, les conditions de conservation ne permettant pas toujours la constitution de stocks importants… Il devra également prendre en compte la variabilité des temps de production pouvant aller jusqu’à plusieurs années. En conséquence, ne pas considérer chaque médicament de manière singulière pour dimensionner son niveau de stock risquerait de ne pas résoudre le problème. Pour ces mêmes raisons, il n’est pas réaliste d’imaginer appliquer cette loi dans le respect du calendrier annoncé (juin 2020).
Ainsi, l’élaboration du décret fixant les modalités d’application de l’obligation de stockage nécessite une véritable concertation. Il s’agit de définir précisément et dans un calendrier réaliste, médicament par médicament, les conditions de mise en œuvre de ce nouveau dispositif. Au-delà de la question des stocks, nous devrons également définir les mesures complémentaires à mettre en place pour résoudre ce problème en prenant en compte ses causes multiples.
En effet, d’autres pistes mériteraient d’être explorées, telles que des mesures visant à simplifier la gestion des stocks de médicaments. A titre d’exemple :
- Supprimer les notices dans les boites qui font l’objet de mise à jour très fréquentes et les remplacer par des services d’information téléphonique ou internet pour réduire les délais de production.
- Harmoniser la réglementation européenne pour faciliter la ré-allocation des médicaments d’un pays à l’autre en cas de tension d’approvisionnement.
- Optimiser les procédures d’achat de médicaments par les hôpitaux en favorisant le référencement de plusieurs fournisseurs pour les médicaments les plus à risques. Ceci permettrait notamment aux pharmaciens hospitaliers d’avoir à leur disposition des solutions alternatives en cas de défaillance d’un fournisseur s’agissant d’un médicament indispensable.
En résumé, ma conviction profonde est que nous ne pourrons relever ce défi sans une concertation accrue avec l’ensemble des acteurs impliqués : représentants de l’État, autorités, élus, professionnels de santé, représentants des patients et industriels du médicament. Seule cette concertation permettra de résoudre durablement cette problématique à laquelle nous faisons face.
Je souhaite débuter cette année sous le signe du dialogue. Vous pouvez compter sur mon engagement pour participer activement et de manière constructive à ces travaux.
Pharmacien des hôpitaux au groupement régional de commandes de nouvelle aquitaine. Expert en marchés publics pour les produits de santé.
4 ansRavi de lire un post aussi clair et qui rentre en résonance avec les publications récentes, que ce soit celles de l’#eahp ou de la dernière vague Armen que j’ai eu le plaisir de coordonner. Quelques nuances tout de même, car malheureusement TOUS les pays européens sont maintenant concernés, et il ne s’agit pas uniquement de médicaments décrits comme d’intérêt thérapeutique majeur. En tant que pharmacien hospitalier et coordonnateur de groupements de commandes, je serai heureux d’échanger avec vous pour mettre en place des pistes d’amélioration. Par exemple, que pensez-vous d’un meilleur dimensionnement des opérateurs d’achat ?