The Times They Are A-Changin’
‘‘Come gather 'round people, wherever you roam
And admit that the waters around you have grown
And accept it that soon you'll be drenched to the bone
(…)For the times they are a-changin'”
Bob Dylan, The Times They Are A-Changin’, 1964
The New... Abnormal
Les temps ont bien changé… Il y a quelques années, Bill (Gross) l’avait exprimé de manière bien moins poétique que Bob (Dylan), en 3 syllabes : New Normal, rien ne sera plus (jamais ?) comme avant…
Pourquoi ? Les marchés financiers, et de manière générale l’économie, ne répondent plus à la logique de l’analyse fondamentale depuis que la main invisible chère à Adam Smith s’est muée en grosse ficelle permanente tirée par les banques centrales. Ces dernières ont toutes les difficultés du monde à sortir de cette situation, ayant pris le relais des gouvernements qui se battent contre les conséquences (l’endettement) des politiques keynésiennes précipitamment mises en œuvre à l’aube de la crise financière.
Finalement, en lieu et place de New Normal ne sommes-nous pas plutôt face à une période anormale ? Ceci pose des défis inédits pour nos économies :
- Une politique de création monétaire effrénée initiée en 2008 et qui se poursuit, certes en ordre dispersé, avec pour conséquence l’apparition des taux obligataires à des niveaux bas, encore inimaginables il y quelques années. Ceci rend très complexe la gestion de l’épargne longue, pourtant primordiale, pour tous les acteurs impliqués, particuliers et institutionnels.
- Une volatilité de plus en plus marquée sur les actifs risqués. Bien que non visible dans les indicateurs techniques tels que le VIX, les mouvements des actifs risqués dépendent de moins en moins de l’analyse fondamentale et sont de plus en plus sensibles aux discours de politiques monétaires. Ce phénomène est surtout exacerbé par l’amplitude des mouvements observés sur les matières premières, les évolutions du prix du pétrole en étant la part la plus visible.
- Un endettement public excessivement élevé, conséquence des politiques keynésiennes citées plus haut.
- la fin de l’émergence des économies émergentes, dont la contribution à la croissance mondiale décline fortement tandis que chacun de ces pays fait face aux défauts et défis inhérents à son modèle économique. Ces problèmes ont été pendant quelques années masqués par l’abondance créée par les prix des matières premières.
- La croissance des pays développée se retrouve à des niveaux largement sous optimaux, insuffisants pour résorber l’endettement. Surtout, en dépit de tous les moyens déployés, outre l’insuffisance de la croissance, l’absence durable de l’inflation pose un défi majeur : sans PIB nominal élevé (PIB + inflation) comment stabiliser puis inverser le ratio de dette / PIB sans risquer la déflation/ dépression… ?
- Pour la première fois de l’histoire économique moderne, les pays développés se retrouvent sans réserve de munitions en cas de récession ou de crise importante : il sera en effet quasiment impossible de déployer des mesures de relances budgétaires à ces niveaux d’endettement et les politiques monétaires des banques centrales sont au maximum du concevable. Seule l’accélération du rythme de l’arme inépuisable de la planche à billet pourrait constituer un recours ultime peu rassurant…
- Enfin, l’instabilité provoquée par les tensions géopolitiques au Moyen-Orient démontre tous les jours la complexité, trop souvent occultée, des relations entre l’Europe, les Etats-Unis et la Russie. La croyance que les tiraillements et ambitions de l’Arabie Saoudite, de l’Iran et de la Turquie pourraient ne pas déborder très largement au-delà de leur région est particulièrement naïve.
Il est toutefois remarquable qu’en dépit de tous ces défis, les marchés d’actions conservent une certaine résilience. Si les grands indices ont tout de même grandement effacé à fin février leurs gains de 2015, il n’en demeure pas moins que la fébrilité a fini par se calmer.
Les Raisons De Garder Confiance dans l’Avenir
Le stress observé depuis le mois de novembre trouvait principalement ses origines dans deux facteurs : le ralentissement chinois et le décrochage du prix du pétrole. Ces deux éléments ont provoqué la généralisation des craintes :
- aux bilans des sociétés du secteur pétrolier, impactant au delà les banques réputées exposées à ces secteurs,
- aux économies émergentes en général (hors Inde),
- sur la croissance mondiale (révisée à la baisse au passage par l’OCDE et par le FMI) et exacerbé la peur de la déflation.
Depuis, une relative sérénité boursière s’est installée. Sur le plan politique, la volonté affichée par les européens, américains et russes à apaiser les tensions au Moyen-Orient pourrait être un prélude à un accord plus large, éloignant à court terme les risques de dérapage. Parallèlement, le prix du pétrole a commencé à se stabiliser. Cet élément est en effet primordial pour deux raisons : redonner de l’air aux pays producteurs qui en dépendent et permettre à terme un retour de l’inflation tant espérée.
Par ailleurs, les grands argentiers semblent plus sensibles aujourd’hui aux méfaits de la guerre des monnaies et au risque déflationniste que celle-ci représente. Les chinois ont clairement mis un terme à leur politique de dévaluation du Yuan avec en perspective une stabilisation bienvenue des parités monétaires.
Les marchés d’actions devraient bénéficier de la mise en place de ce cercle vertueux et reprendre un comportement plus rationnel.
Gold revival
Dans l’environnement décrit ci-dessus, il est intéressant de voir que l’or, malaimé et presque donné pour mort par les anti-« relique barbare » depuis fin 2011, reprend son comportement « normal » de valeur refuge avec une hausse de l’once en euro de 16%. Encore plus surprenant, du moins pour les Gold bugs, les valeurs minières aurifères ont non seulement fortement profité de ce retour en grâce (le XAU enregistre une progression en euro de 41,2% à fin février) et ont même très bien résisté dans différentes phases des marchés d’actions.
Depuis mi-2015 et les premiers signes de tensions (cafouillage chinois, tergiversations de la Fed,…), la stratégie d’investissement qui consiste à diversifier une petite partie des investissements sur l’or en couverture de risques extrêmes a clairement fait ses preuves.
Les Grands Equilibres Economiques Restent valables
Si les perspectives des grandes zones économiques restent fondamentalement inchangées, le mois de février n’est pas exempt de surprises. Tout d’abord, la mauvaise nouvelle est venue du FMI et de l’OCDE qui, dans un sursaut, ont révisé les prévisions de croissance mondiale pour 2016 à la baisse, de 3,3% à 3%. Il nous semble toutefois que cet élément est très largement compensé par la bonne nouvelle venue des Etats-Unis : l’écrasante majorité des indicateurs économiques (entre autres les créations d’emploi, la progression des salaires et le chômage) a été supérieure aux attentes.
Ainsi, les Etats-Unis, qui ont repris depuis quelque temps leur rôle de locomotive économique mondiale préalablement tenu par la Chine, résistent malgré le choc subi par leur industrie pétrolière, le dollar fort et le ralentissement du commerce mondial.
Orientation de notre gestion
Nous restons confortables avec des portefeuilles qui privilégient un certain équilibre entre valeurs défensives et cycliques.
Compte tenu de la complexité des scenarii qui pourraient se mettre en place, nous n’opérons pas pour autant de grands changements stratégiques ni ne privilégions la prise excessive de risque.
Toutefois, en cohérence avec les facteurs que nous considérons comme positifs cités plus haut, nous sommes fortement vigilants sur les opportunités d’achat et de renforcement de positions sur les sociétés dont les valorisations nous paraissent déraisonnables et qui présentent surtout un profil de risque asymétrique, avec donc une haute probabilité de fort rebond. Ceci s’applique bien entendu en priorité au secteur pétrolier et aux banques.