Ton meilleur investisseur, c'est ton prof d'histoire/géo de 5e
Il ressemblait un peu à ce monsieur…

Ton meilleur investisseur, c'est ton prof d'histoire/géo de 5e

Le mien, il s’appelait M. Moret.

Son grand kiffe, c’était les interros surprises: sur ces interros, il était dur, mais juste.

Tu n’avais rien révisé ? Oui, clairement tu avais 2.

Tu avais révisé par cœur et tu récitais ta leçon mot à mot ? Tu pouvais avoir 15, 16 peut-être.

Tu avais révisé mais le par cœur c’était pas ton truc ? Tu expliquais ce que tu avais compris et pourquoi : là tu avais carrément 19.

M. Moret, ce n’était pas ta mère ou ton père : tu n’étais pas puni avec les gros yeux pour la moindre bêtise et tu n’étais pas chouchouté pour la moindre bonne chose, mais il voyait ton potentiel.

Moi, à ces fameuses interros, au début j’avais moins de la moyenne. Je ne révisais pas parce qu’apprendre par cœur m’a toujours angoissé, jamais eu très confiance en ma mémoire.

Mais il voyait pourtant que j’étais plutôt assidu en cours, et un jour il m’a parlé : il ne comprenait pas mes notes, et il m’a proposé son aide. Je lui ai expliqué mon angoisse et il m’a dit que ce qu’il cherchait, c’était que je développe ma capacité à comprendre pour bien restituer.

Alors je prends ses techniques, je m’acharne : 12/20.

Je suis dégouté !!!! Si c’est pour gagner 5 points, franchement, je continue comme avant ! Sauf que sur la copie, il m’encourageait et me demandait de venir le voir pour d’autres conseils. On a continué comme ça jusqu’à mon premier et dernier 19/20 avec lui, après je tournais plutôt à 14.

M. Moret a investi de son temps pour moi, il n’a pas cherché à me cajoler ou à me punir pour que je change ou juste à m’engueuler. Il cherchait l’ambition, le résultat long terme : arriver à la note la plus haute et petit à petit faire monter ma moyenne : il n’exigeait pas un résultat immédiat.

Surtout, il me donnait confiance et voulait que je comprenne !

M. Moret, pour moi, c’est le meilleur profil d’investisseur.

Ce qui ressort de ce que j’ai vu ou de ce que mes proches voient tous les jours, c’est ça :

  • Un invest peut voir court terme, et c’est un problème : quand on est une startup, qu’on lève, difficile de tout cartonner au prochain quarter. Certains y arrivent, tant mieux, mais ce n’est pas l’unique gage de réussite finale. Donc si tu as un Business Angel (BA) ou un premier fonds de (pre-)Seed qui passe son temps à te dire que ça y est là, c’est l’heure qu’il récupère son argent, c’est très chiant et ce n’est pas de la motivation ! M. Moret, il voulait que je passe par le 12, le 15 et le 17 avant d’avoir le 19, parce que le chemin était primordial pour réussir. Et en même temps, il était évalué sur le niveau de sa classe, donc il avait une pression de son LP : la directrice du collège ! Mais il savait manager ça et garder à son niveau la pression.
  • Un investisseur doit développer ton potentiel : ce qu’il t’apporte en plus de l’argent, c’est un moyen d’accélérer ta learning curve : soit par ses propres conseils, soit en te connectant avec les meilleur.e.s. Il y a deux parties dans votre relation : qu’il fasse ce job, et que toi tu apprennes très vite ! Et que vous mesuriez ensemble comment tu progresses et comment on multiplie le niveau de ta learning curve par deux la semaine suivante. M. Moret me poussait à réussir, petit pas par petit pas, parce qu’il avait détecté un potentiel chez moi, mais soyons clairs : il voulait s’assurer que j’’étais prêt à travailler dur pour l’atteindre. Sinon, il n’avait pas de temps à perdre avec moi, il avait 34 autres élèves à gérer rien que dans ma classe.
  • Un invest ne doit pas être engagé émotionnellement, il est dur mais juste : ça, c’est souvent le cas avec des BA me disait-on : il est évident que l’invest doit mettre un peu de “skin in the game”, il le fait à travers de l’argent qui n’est pas à lui, mais d’où va dépendre sa rémunération tout de même. Alors qu’un BA c’est son argent à lui, et si il n’a pas joué son rôle de raisonner en perte acceptable avant d’investir, il peut vite être très très très (trop) attentif à ton développement pour parler gentiment, comme te passer des coups de fil enragés si il sent que ton dernier pivot ne fonctionne pas et a contrario te parler avec une voix de miel quand tu fais une page dans Les Echos. C’est malsain pour toi et le développement de ta boite. Ton rôle à toi, c’est de faire ton reporting et d’expliquer tes chiffres, son rôle c’est de les comprendre et de voir comment il peut t’aider à faire mieux ou à prendre des décisions qui ne font pas forcément plaisir. M. Moret, il ne m’a jamais engueulé. Par contre quand c’était nul, il me le disait et il me demandait comment on pouvait améliorer ça, quand c’était bien, il me le disait aussi, en cherchant comment faire encore mieux. Une sorte de “bienveillance ferme”.
  • Parfois, tu mens à ton invest : c’est la pire des situations dans laquelle tu peux arriver si tu tombes dans tous les travers que je viens de citer. Tu as peur d’être transparent en board parce que tu n’as pas confiance. Tu ne veux pas parler de ton MRR parce qu’il n’est pas vraiment monté depuis ton dernier board, alors que ton CAC, lui, il est monté, ainsi que ton Churn. Tu maquilles les chiffres sur ton dashboard … Et là, c’est déjà fini, parce que ton board, s’il n’est pas la pour t’aider dans un niveau de confiance maximum, il ne te sert à rien. C’est parce que j’ai fait confiance à M. Moret en lui racontant mon angoisse de l’apprentissage par cœur que j’ai pu m’améliorer. Mais j’ai pu avoir cette confiance parce que j’ai senti l’homme qu’il était, ce qu’il voulait que nous comprenions, nous ses élèves, de son enseignement.

Voilà pourquoi, quand tu commences ton roadshow, alors même que tu seras poussé à aller chercher des jolis noms de BA ou des belles “brands” de VC, il va falloir avant tout chercher les bonnes personnes qui matchent avec toi. Il te faut comprendre si tu as bien en face de toi la personne qui saura t’accompagner parce que vous parlez la même langue.

Une fois que tu as quelqu’un dans ta “cap table, tu ne t’en sépares pas comme ça, voire même il ou elle ne veut pas en partir si facilement à ton prochain tour.

Alors souviens-toi de ton prof d’histoire de 5 eme et compare-le à chaque BA/VC que tu rencontres.


Évidemment, le fait qu’il était un homme, blanc, de plus de 55 ans est complètement fortuit ! Heureusement le monde du VC se diversifie et tant mieux : cet article reste complètement valable pour toutes les personnes que tu vas rencontrer.

J’ai eu d’autres profs d’Histoire dans les classes suivantes, mais si j’ai réussi à avoir 16 au Bac, c’est sans doute grâce à M. Moret.

C’est peut-être ta première boite en ce moment, mais certainement pas la dernière : un bon invest dans la boite qui s’est plantée, c’est beaucoup de valeur pour t’aider à réussir les suivantes et ce n’est pas un invest perdu à tout jamais.


Si tu es cofondateur.trice d’une startup Fintech, Assurtech ou Cyber, que tu en es au début de ton développement, viens nous voir chez platform58.fr, on pourrait avancer ensemble !

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