Tourner son regard sur ses mondes intérieurs
Cette année 2020 nous bouscule. Comment garder notre cap intérieur sans décrier, sans obéir ou rejeter par angoisse ?
Au milieu des mouvements divers, les prises de position souvent contradictoires, il est essentiel de se repositionner constamment en soi, de se questionner sur ses vraies valeurs et ses décisions. Crier au loup c’est mettre de l’huile sur le feu. Parler de *nous sommes tous manipulés* ou *des personnes cherchent à nous écraser, nous dominer* c’est se sentir victime, chercher des coupables.
Notre relation au monde commence par nos mondes intérieurs ; s’ils sont équilibrés, je peux m’exprimer dans un alignement de sagesse et de constatation. Si je m’exprime depuis les peurs ou les colères, j’attise mon feu intérieur, mais la personne m’écoutant réveille également ses peurs, ses colères : les vibrations des deux se percutent comme des cymbales.
Se rééquilibrer intérieurement permet de parler de façon claire, précise, de témoigner dans le respect de ses vérités, mais également dans le respect de l’autre. Respecter l’autre ne veut pas dire être d’accord avec ; mais le respecter en tant qu’être humain (âme) en cheminement, même si ses comportements, ses actions nous choquent, nous font peurs.
Nous vivons dans un monde interconnecté et en faisons tous partie ; cependant avec la multitude de déclarations provenant de sources diverses, nous sommes assaillis par des renseignements variés, discordants et fluctuants.
Être cohérent dans sa globalité est un travail intense, car nos opinions se modulent au gré de nos rencontres, nos lectures, nos expériences, nos découvertes. Interroger ses propres conflits intérieurs, ses combats permet de constater ses perturbations, de se rappeler que chaque être en vit. Peu d’êtres se lèvent le matin en disant *je veux faire du mal* ; en revanche, beaucoup pensent détenir LA vérité et veulent convaincre l’autre à tout prix en s’appuyant sur leurs certitudes.
Nous avons à valider que notre humanité est constituée de cultures hétérogènes, des objectifs de vie distincts malgré la mondialisation qui tend à faire croire l’inverse. Prenons l’exemple de l’équité homme – femme : observons le parcours de nos sociétés : le changement se produit progressivement, car chaque être a à remodeler ses comportements, ses croyances, ses schémas de pensées. Les changements ne peuvent s’opérer uniquement par de nouvelles règles extérieures ; chacun a à se les approprier pour que la métamorphose s’opère en profondeur et soit naturelle dans le concret.
Les revendications sont une forme de combats, comme si ce qui est était faux. Or, une mutation peut se faire car quelque chose a existé et qu’il est temps de tirer la leçon de ce qui a été afin de transformer en choisissant cette modification dans la conscience qu’elle peut se faire grâce à ce qui a préexisté. C’est identique avec les croyances ; nous en quittons une pour entrer dans une autre ; simplement celle d’avant n’est plus nécessaire.
Lorsque nous combattons pour notre vérité, nous partons du principe que chacun évolue au même rythme, chacun doit arriver à comprendre ; en réalité c’est une forme de prise de pouvoir sur l’autre. Nos fonctionnements nous sont propres par notre histoire, nos expériences, nos réflexions, les personnes côtoyées. Certaines personnes ne se questionnent pas ; d’autres ont tellement peur de se faire avoir qu’elles combattent en permanence ; d’autres oscillent entre ces deux pôles et de nombreuses sont dans un mix de cela.
La sagesse est de se connaître soi-même en se questionnant sur soi et non sur pourquoi l’autre fait cela ou *me fait cela* (ce qui ramène à la victime).
Des reportages effraient, des messages d’urgence déclenchent des colères, des peurs par sentiment d’impuissance. Ce qui amène à se dire *je n’y peux rien les problèmes sont trop immenses* ou *je dois combattre contre ceci ou cela*. L’un et l’autre sont épuisants et génèrent des tensions. Les peurs, les colères agissent aussi sur notre joie. Afin de n’être ni dans un faux détachement, ni insensible, il est prioritaire d’entendre ces mouvements, de les évacuer pour que par la force de vie nous posions des actes, des actions depuis nos propres moyens dans la sérénité, la persévérance.
Appuyons-nous sur un reportage spécifique, p.ex. la production alimentaire ou textile décrivant également la situation des ouvriers. Comment avons-nous participé à cette surconsommation et non-respect de l’humain par des achats d’aliments, de vêtements, de meubles, de décorations, de loisirs ou de moyens de transports ? Observons-nous : en ai-je acheté ? vais-je continuer ? quelle est ma part de responsabilité ? L’idée n’est pas de s’interdire tout, mais de faire régulièrement des choix conscients, sans occulter que nous achetons moins cher car des ouvriers triment. Puis, il devient possible de témoigner à quel point c’est en explorant l’impact de ses gestes que l’on met en place des changements durables, proportionnés.
Le marketing est là, nous incitant à acheter, à acquérir plus ; nous ne pouvons le considérer responsable de nos choix. Nous avons la capacité de ré-évaluer en nous la conception de notre vie en déterminant si nous cédons à une mode ou si nous avons un élan pour tel ou tel achat. Le but n’est pas d’entrer dans la rigidité ou l’austérité, mais de reprendre son pouvoir intérieur par des choix conscients.
Une leçon de vie entendue dans un magasin : un enfant dit à son père : « on achète du raisin ». Le papa : « non nous attendons celui de la région, car celui-là est venu par avion de loin ». L’enfant : « mais il est là maintenant ». Le papa : « oui, mais si tout le monde l’achète, cela continuera … »
Pour réinventer notre relation au monde, nous avons à amplifier notre relation à nous-même, à tous les aspects de qui nous sommes sans en oublier un, ni en surdimensionner un. Il est certes difficile de rester constamment dans cette conscience que nous avons le pouvoir intérieur, car les modes sont tellement devenues la norme que nous occultons à quel point elles tournent de plus en plus vite. Le *pas cher* et les tendances nous ont amené à minimiser l’achat et sa durée de vie. Chaque produit est issu de la Terre, chaque produit puise dans les ressources de la Terre. En prenant conscience de notre propre impact, nous reprenons notre responsabilité à notre niveau, depuis nous.
Cette introspection permet de s’inscrire dans son tout, de prendre la responsabilité de nos actes pour décider ce que nous souhaitons transformer en nous, quelles valeurs voulons-nous vivre, quel chemin choisissons-nous de parcourir ? C’est le moyen également de sortir de la victime ou du revendicateur, en s’assumant
Bien sûr dans le monde, il y a beaucoup de dissonances, d’incohérences, d’injustices, mais en criant sur tout cela, en réclamant justice et changements aux autres, comment se faire entendre ? Nous vivons dans cette globalité et avons les capacités de donner l’impulsion aux changements depuis notre propre globalité là où réside notre pouvoir. Il est donc essentiel de se reconnaitre dans toutes nos facettes, d’écouter nos peurs, nos colères se déclenchant en voyant telle ou telle situation et de rééquilibrer. Ensuite, révéler l’injustice tel un fait et non point depuis les jugements nourris par les colères. La paix dans l’humanité ne pourra être que si les êtres sont dans leur état de paix intérieure
Bien que la politique des petits pas puisse paraître trop lente, elle alimente notre élan de vie dans la continuité, la persévérance. Se lancer de grands défis génèrent du stress, des auto-jugements, des insatisfactions. Choisir de mettre en place un nouveau pas ; puis lorsqu’il est acquis, le maintenir et poser un nouvel acte. Progressivement, un nouveau mouvement se met en place et devient naturel, serein. Penser à se féliciter de nos transformations pour revenir à cet engagement de soi à soi, lorsque des nouvelles alarmantes nous parviennent. Se rappeler des gestes que nous avons déjà modifiés mais que nous croyons normaux (arrêter l’eau en se brossant les dents, renoncer à tel achat, etc.) pour indiquer les gestes simples qui donnent un nouvel essor
Tout comme vous, de nombreuses personnes posent des actions impliquant un changement concret positif dans leur vie. Cela n’est pas toujours visible, pourtant nous sommes nombreux à instaurer des améliorations.
Demeurer dans cette certitude que les petits ruisseaux font les grandes rivières …. à nous de voir et révéler tous ces gestes porteurs de changements positifs.
Article écrit pour la revue Recto-Verseau d'Octobre 2020