TRANSPORT AERIEN - PAYER LE PRIX ECOLOGIQUE
Le 13 février 2022
Le sujet sera de plus en plus au cœur de l’actualité. Pour faire accepter son inévitable développement le transport aérien devra bien prouver sa capacité à limiter voire à supprimer ses émissions de CO², même si celles-ci ne représentent qu’une infime partie de la pollution de la planète. D’ores et déjà un certain nombre de solutions sont envisagées. Voilà qui est très nouveau. Si on se reporte ne serait-ce qu’une dizaine d’années en arrière, ce n’était un brulant sujet d’actualité. Qu’on l’aime ou non, reconnaissons que Greta Thunberg, avec tous ses excès, a fait bouger les lignes.
Quels que soient les scénarios envisagés, une chose est certaine, cela va coûter cher, très cher. Alors reste la question majeure : qui va payer ? Et d’abord de quoi parle-t-on ?
La seule solution concrète et applicable disponible est l’utilisation du carburant dit SAF (Sustainable Aviation Fuel). Les premiers essais ont été faits en mélangeant le SAF au Jet A-1 le carburant généralement utilisé en aviation commerciale. En fait les premières tentatives datent de 2008. Elles ont été réalisées par Air New Zealand qui, sur un des moteurs d’un Boeing 747-400, a mélangé 50% de Jet A-1 avec du bio carburant tiré d’un arbuste, le « jatropha curcas » qui pousse sur des terres peu productives. Cependant il semble que l’on s’oriente plutôt maintenant vers des SAF produits à partir d’algues et peut-être même de les fabriquer à partir de molécules de synthèse.
La question peut tout de même se poser : en quoi la production de SAF à partir d’algues diminuerait la production de CO² par le transport aérien ? En fait les algues absorbent une grosse quantité de CO² et celui-ci serait entièrement converti en carburant dont les émissions deviendraient alors neutres. En supposant que ce soit une nouvelle source de carburant propre, reste à savoir combien coûte le SAF par rapport aux solutions actuelles. Partons du principe que les carburants fossiles ont pour base le pétrole dont le coût est de l’ordre de 80 dollars le baril. Rappelons que la contenance d’un baril est de 159 litres. Cela nous amène à un prix de l’ordre de 0,50 dollar le litre de pétrole. Certes le prix du pétrole varie énormément. Le cours du baril de Brent était de l’ordre de 31 dollars en janvier 2016 et il a pu monter à 90 dollars en janvier 2012. Il est au-dessus de 95 dollars au moment où j’écris ces lignes. A ce montant-là, le carburant représente plus de 25 % du coût du transport aérien.
Eh bien, il faudra s’attendre à bien pire si l’on veut du carburant décarboné. Les experts s’accordent à dire que le SAF coutera entre 150 et 200 dollars le baril, soit deux fois le montant actuel. C’est le prix qu’il faudra payer. Les compagnies aériennes en sont bien conscientes et elles ont commencé à sensibiliser leurs clients à cette nouvelle donne. Air France a par exemple décidé d’une surcharge de 1 à 4 € en classe économique, de 1,5 à 12 € en business et de 12 à 24 € en première. KLM de son côté applique une surcharge de 0,5% du prix du billet.
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Pour tout dire, je trouve cette mesure tout à fait raisonnable. Il faut savoir ce que l’on veut. Soit le transport aérien s’adapte aux contraintes de la société dont en particulier les aspects écologiques, soit il veut s’en affranchir et alors il devra s’attendre à des restrictions administratives dont on sait bien qu’elles n’ont que peu de sens économique. Les consommateurs devront payer le prix. Et ce ne sera pas donné. Si la production du SAF reste au niveau envisagé, le coût du transport aérien va monter de l’ordre de 15% à 20%. Il devra bien être répercuté sur le prix du billet.
Il se trouve que les compagnies aériennes ont les moyens d’identifier cette pseudo taxe écologique dans une des composantes du prix du billet : la rubrique YQ/YR où les transporteurs logent d’ailleurs déjà les surcharges carburant depuis que le prix du pétrole s’est envolé, disons depuis 2005. Alors les clients devront bien s’attendre à payer leur billet plus cher. La course au volume pour compenser la diminution des tarifs devra bien s’arrêter. Le transport aérien devra commencer à éduquer ses consommateurs et les préparer à une hausse inéluctable, seul moyen de préserver la liberté de circuler par la voie des airs.
Ce n’est pas agréable et cela conduira les compagnies à opérer un virage considérable par rapport à leur politique tarifaire. Les arguments commerciaux vont probablement se modifier dans les prochaines années. Au lieu de n’avoir pour positionnement que des tarifs inférieurs à ceux des concurrents, les compagnies devront valoriser la protection de la planète et préserver ainsi leur liberté d’exercer leur métier.
Après tout, les tarifs ont baissé de l’ordre de 25% à 30% depuis 1995. Il ne serait pas forcément déraisonnable qu’ils remontent au niveau de cette époque, car il ne faut tout de même pas s’attendre à une révolution technologique suffisante pour disposer d’appareils non polluants et de toutes façons il faudra bien aussi en financer la colossale recherche.