Tschüss au "Matin" papier en semaine!

L'information de SRF a été confirmée, "Le Matin semaine" s'arrêtera après Paléo en version papier. Ce n'est pas une surprise, mais cela m'attriste car c'est un média qui disparaît à nouveau en Suisse romande.

La marque va perdurer le dimanche en version papier et 7/7 en version numérique, avec une quinzaine de journalistes. J'avais écrit, il y a quelques années, dans un post pour "Bilan", que "Le Matin" était le seul journal romand à pouvoir passer au tout numérique et devenir mobile/tablette only. A cette époque, le retard sur "20 Minutes" n'était pas encore conséquent. Aujourd'hui, ce sera sans doute compliqué de se distinguer efficacement du site de "20 Minutes", devenu un incontournable pour l'info, et de se faire une vraie place en Romandie (il y a, environ, 3x plus de pages vues sur le site de "20 Minutes" que sur le site du "Matin" actuellement).

Si la mue du "Matin dimanche" a été réussie au cours des dernières années (en transformant le journal en titre haut de gamme, plus politique et culturel, avec des pages sportives riches et diversifiées - rapprochant ainsi "Le Matin dimanche" de son jumeau du "SonntagsZeitung"), l'investissement sur le "Matin semaine" n'a pas été semblable, ni pour devenir "digital first", ni pour retourner aux fondamentaux qui ont fait le succès du "Matin" (faits divers, un traitement moderne et sans complexe du sport, un esprit poil à gratter dans le contenu, une couverture efficace des régions romandes...). Dans le portefeuille de Tamedia, "Le Matin semaine" était exotique en étant le seul journal régional, populaire et payant (donc difficile de lui trouver des synergies avec un confrère alémanique).

Comme à chaque fois qu'un journal disparaît et que des journalistes perdent leurs emplois (avez-vous remarqué qu'il est plus rare d'entendre les mêmes réagir quant ce sont des employés de bureau, des polygraphes ou d'autres métiers de la presse qui sont touchés?), certains ne manqueront pas de faire le plein de critiques à l'encontre de l'éditeur par rapport à cette décision. Pour moi, il est trop tard pour rejouer le match qui a été perdu il y a de nombreuses années déjà d'autant plus que l'offre médiatique généraliste accessible en Suisse romande est trop riche! Pour se forger une idée précise de la situation, je tiens à signaler la transparence dans la communication de Tamedia qui donne, en accès public, des chiffres détaillés sur le titre. Chiffres qui démontrent que si le niveau de revenus reste élevé (autour de 25 Mio), les perspectives que ce titre se rapproche de la rentabilité s'éloignaient de plus en plus (pertes de - 6.2 Mio en 2017). Ces perspectives s'éloignant peu à peu sont à rapprocher des pertes engendrées par la disparition de Publicitas pour Tamedia et la conjugaison des deux effets ont sans doute eu raison de la version papier du "Matin".

Personnellement, la question que je me pose est de savoir où vont aller 1) les recettes publicitaires du "Matin" (en partie en direction de "20 Minutes" et du digital) ainsi que 2) les 12 Mio de revenus du marché lecteurs (en direction des quotidiens régionaux qui ont besoin d'argent ?). Plus grave à mes yeux pour la presse en Suisse romande, le quotidien orange attire chaque jour des acheteurs en kiosque, ces derniers vont-ils se reporter sur d'autres titres ou vont-ils choisir de déserter les kiosques ? 

Aujourd'hui, j'ai une pensée remplie de tristesse pour mes ex-collègues du "Matin" ainsi que pour les collaborateurs actuels qui sont touchés par cet arrêt.

Lien vers les chiffres du "Matin" semaine: http://e1.marco.ch/publish/tamedia/33_8505/Le_Matin_Chiffres_cles.pdf