Tuer le favoritisme limitant en donnant du pouvoir aux collaborateurs
Quand on parle d’égalité des chances ou d’égalité de traitement dans le monde professionnel, on pense à l’égalité quel que soit le genre, l’origine, le milieu social ou l’âge. Récemment, et cela a été notre combat avec Clustree, le sujet a été élargi aux stéréotypes et aux idées reçues dans les parcours.
Il manque dans cette liste une dimension fondamentale. Oubliée depuis toujours, et qui n’interpelle personne : l’égalité quel que soit le statut professionnel dans l’entreprise. Selon que vous soyez cadre ou non, high performer ou non, haut potentiel ou non, vous n’avez ni le même accès à l’information et ni un accompagnement au même niveau de personnalisation.
Etre l’élite ou être limité
Ce n’est pas l’égalité de traitement qui caractérise la façon dont la plupart des entreprises gèrent leurs salariés aujourd’hui, mais le favoritisme.
Ce n’est pas par malveillance, mais par nécessité de gérer l’accompagnement des collaborateurs et des carrières avec des ressources limitées.
Accompagner réellement un collaborateur dans sa carrière, c’est prendre le temps de connaître son parcours, ses compétences, ses souhaits d’évolution et de projection. C’est l’aider à identifier des compétences cachées ou inexploitées.C’est révéler son potentiel, détecter et explorer les possibilités qui s’offrent à lui et l’accompagner dans son choix.
En travaillant à temps plein, un praticien RH ne peut fournir ce niveau d’accompagnement que pour 50 personnes par an. Offrir ce service à l’ensemble des collaborateurs signifie avoir une population de gestionnaires de carrières qui représente 2% des effectifs de l’entreprise, quelle que soit sa taille. A large échelle, cette équation n’est pas économiquement viable.
Les grandes entreprises n’ont donc d’autre alternative que de choisir qui elles accompagnent : l’élite, les high performers, les hauts potentiels. Soit en tout, 5% de la population. Pour tous les autres, le niveau d’information est générique et l’accompagnement n’est pas individualisé.
Pourtant, cet accès à l’information, cette visibilité et cette individualisation de l’accompagnement sont autant de facteurs différenciants qui peuvent accélérer et révéler une carrière ou au contraire l’enfermer.
Cette situation contribue d’ailleurs à l’émergence forte d’un marché gris : pour développer leurs carrières, les collaborateurs laissés à eux-mêmes comptent sur leur réseau pour leur ouvrir des portes, ce qui creuse encore plus les inégalités.
Ce favoritisme dans l’accompagnement des collaborateurs et des carrières est limitant pour tous.Il contraint une majorité de collaborateurs dans le développement de leur employabilité et de leurs carrières, les restreint dans leur évolution ce qui altère leur épanouissement, leur engagement et leur capacité d’innovation. Il prive l’entreprise de la visibilité dont elle a besoin sur ses collaborateurs, au-delà des 5% qui sont accompagnés, pour préparer ses forces vives aux compétences et aux métiers de demain, et l’enferme ainsi dans un schéma de clonage et de dépendance vis-à-vis du recrutement.
Redistribuer les cartes du pouvoir et changer les règles du jeu
Comment faire en sorte que tous les collaborateurs, quel que soit leur statut, puissent investir sur eux et développer leur carrière et leur employabilité dans des conditions égales ?
La mission est immense : proposer un accompagnement en profondeur, individualisé et dans des conditions égales à 100% des collaborateurs dans un sens qui maximise à la fois l’épanouissement des collaborateurs et celui de l’entreprise.
Cette mission ne peut s’incarner sans les deux pierres angulaires suivantes :
1. L’accompagnement doit être assumé par le collaborateur lui-même
La gestion de carrières personnalisée pour chacun et pour tous n’est possible que si c’est le collaborateur lui-même qui conçoit, occasionne et consomme cet accompagnement sans intermédiaire entre son parcours et ses souhaits d’un côté et les besoins et opportunités de l’entreprise de l’autre.
Le collaborateur embrasse alors le rôle de responsable de carrière, complètement autonome et indépendant dans son accès aux informations et dans ses actions, de la compréhension de son profil et potentiel, jusqu’à la détection des parcours possibles en passant par la gestion de sa performance dans son poste actuel ou l’amélioration de son employabilité au travers de formations.
Dans ce nouveau contexte d’entreprise ‘Employee Centric’, le responsable RH passe d’un état où il détenait et délivrait l’information au collaborateur à celui où il en soutient et en facilite la démarche.
2. L’accompagnement doit couvrir chaque étape du parcours collaborateur
La gestion de carrières qui maximise à la fois l’épanouissement des collaborateurs et celui de l’entreprise n’est possible que si l’on cherche à résoudre l’équation sur trois dimensions simultanées :
L’équation doit être optimisée pour les individus et l’entreprise, et non pas pour un individu.
Cela signifie être en mesure de trouver le meilleur poste pour un collaborateur tout en prenant en considération les souhaits et potentiels des autres collaborateurs qui pourraient avoir des aspirations similaires, ou encore optimiser le recrutement pour un poste tout en tenant compte des autres postes ouverts où les mêmes candidats pourraient être pertinents.
L’équation doit être optimisée en adressant conjointement l’ensemble des dimensions RH. On ne peut pas chercher les carrières possibles pour les collaborateurs sans considérer en même temps l’impact que les formations, les plans de successions, les recrutements en cours ou encore les projets ouverts peuvent avoir sur cette décision ou que cette décision pourrait avoir sur eux.
Enfin, l’équation doit nativement inclure l’évolution des enjeux de l’entreprise dans le temps. On ne peut pas accompagner les carrières aujourd’hui sans savoir ce que les métiers et compétences de l’entreprise seront demain, quels sont les postes qu’il faudra pourvoir, ou encore quelles sont les personnes qu’il faudra remplacer.
Pour amorcer ce changement, il faut déjà commencer par ne plus avoir peur d’appeler les choses par leur nom.
Adresser ce sujet, c’est opérer une mutation organisationnelle profonde.C’est une approche des ressources humaines révolutionnées par la technologie, qui est la seule capable de relever le challenge d’un service personnalisé à large échelle, c’est une modification profonde de la culture des entreprises où les rôles sont redistribués, où les lignes de pouvoir et d’influence vont bouger et où les règles du jeu changent. Pour tous.
Responsable Centre Pas à Pas Formations Créatrice de la MENTOR FORCE Pau/ Formatrice en Intelligence Collective
6 ansMerci pour la réflexion que vous permettez par votre article. Nous viendrait-il à l'idée de penser qu'une pièce du puzzle et moins importante qu'une autre? Et si chaque pièce savait exactement comment se placer par rapport à chacun et à l'ensemble, pourvu que les conditions soient bonnes, c'est à dire dans une synergie porteuse où personne ne guide ou est guidé? Où le responsabilité de soi et de l'ensemble présiderait à un Champ commun qui nous crée autant que nous le créons? Changement de paradigme radical qui permettrait des émergences, telles que nous enseignent les étourneaux au vol harmonisé qui fait que leurs formations immenses se déplacent comme un seul, chacun étant parfaitement libre et connecté à la même source... Demandons nous dans ce cas les deuils que chacun devrait avoir à faire pour arriver à cela... Certaines entreprises ont compris déjà cette nouvelle et collective vision mais l'appliquer est plus difficile surtout bien sûr pour les systèmes très hiérarchisés.
Builder of a New Business Vision based on Exchanges and Cooperation 🖋 Inspired Manager 🖋 Forever Child
6 ansUne analyse intéressante Bénédicte, merci. Je ne crois pas que les équations mathématiques puissent résoudre la situation. La matrice est assez complexe car dans une entreprise il y’a une mixité de métiers qui ne demandent pas les mêmes qualités et compétence. Entre formaliser une stratégie ou accomplir une tâche administrative les qualifications nécessaires sont différentes. Je suis pour la méritocratie et je sais aussi que les entreprises n’appliquent pas toujours ce principe. C’est à chaque individu de construire sa carrière en fonctions de ces envies en se donnant les moyens d’acquérir les compétences nécessaires, autant qu’aux entreprises de mettre en place un système d’analyse interne permettant de comprendre la potentialité de chacun. L’inégalité des chances a développé un sentiment de lutte à l’intérieur des organisations dans lesquels vige un peu la loi de la jungle: le plus fort gagne (on n’hésite pas à faire lés pieds aux collègues pour favoriser sa carrière).
Certified AMF - Engineer's Degree Market Finance - Financial Analyst
6 ansÉquité. Et non inégalité
"Je suis performant dans les difficultés et au mieux; excellent dans les autres instants. Oui, j'ose l'excellence! Professionnellement je suis Chargé de Planification et de Logistique du pool Véhicules""
6 ans"Madame Bénédicte de Raphélis Soissan, bonjour! Je suis toujours surpris que ce terme de Collaborateur(s) soit aussi développé. Certes cela évoque pour moi, les "Colabos" qu'il y a dans les guerres. Attribuer cela à des gens d'entreprises, c'est blizzard. Je dirai, Partenaire, Associé-e, Coéquipier-ière, etc.