Turning Point ?

Turning Point ?

 « Quelle expression stupide : "Cela explique tout"Je pense qu'à notre époque, rien n'explique rien. » John Irving

L’automne 2016 restera peut-être, lorsque l’on regardera en arrière dans 2 ou 3 ans, comme la fin d’une époque, où les taux ne pouvaient que baisser, où les banques centrales étaient là quoi qu’il arrive pour empêcher une remontée des taux, mais surtout, restera peut-être un point d’inflexion dans le régime de très basse volatilité (malgré quelques pics) que nous vivons.

On constate en effet que les 4 grandes banques centrales commencent à être confrontées à des problèmes sérieux et différents, qui engendrent une incertitude sur la marche future des taux d’intérêts.

Aux USA, c’est une croissance qui reste assez soutenue, aux alentours de 2%, soit proche du potentiel, qui commence à alimenter, ici ou là, des tensions salariales avec un salaire moyen qui augmente dorénavant de 2,5% par an, alors que dans le même temps, on constate une très faible hausse de la productivité. Et l’on entre dans une période où le prix du pétrole, après avoir été un modérateur de l’inflation pendant 2 ans, va devenir (même s’il se maintient juste à ses niveaux actuels) un facteur d’accélération de l’inflation du simple fait de l’effet de base. Facteur certes transitoire, mais il ne serait pas étonnant du tout de voir l’inflation aux USA (mesurée par le CPI) tendre vers, voire dépasser 3% d’ici quelques mois. D’ailleurs, le taux d’inflation annualisé depuis février, est d’ores et déjà sur ce niveau. Ceci explique pourquoi des membres de la FED de plus en plus nombreux parlent de hausse des taux, et même de taux qui pourraient monter plus rapidement que prévu. La FED ne veut pas revivre le cauchemar de 1994 où, ayant beaucoup trop tardé, elle a du remonter de 3 à 6,5% les fed funds en quelques mois, déclenchant un krach obligataire resté dans toutes les (vieilles) mémoires.

La BOE est elle aussi confrontée à un problème complexe : la chute de la Livre, qui s’est accélérée avec l’officialisation que l’Article 50 sera bel et bien activé pour déclencher le Brexit, alors que le pays connaît depuis des années des déficits commerciaux très importants, fait craindre une accélération de l’inflation. Là où cela se complique, c’est que l’effet récessif du Brexit n’est pas encore écarté : comment dans ces conditions, alors que les taux sont déjà à 0, assouplir sa politique monétaire si vraiment l’inflation grimpe ? Et surtout, quel impact sur les taux longs : ceux-ci seront-ils plutôt influencés par les taux courts, ou par la perte en capital inflationniste ?

La BCE elle aussi commence à indiquer qu’il ne faut pas trop compter sur une politique ultra accommodante (tout du moins sur le volet rachat d’actifs) beaucoup plus longtemps que ce qui a déjà été indiqué. Là encore, les effets de base sur le pétrole vont ramener l’inflation « headline » vers 1,5% (et cela a toujours une influence sur l’inflation « core »), la croissance promise cette année en zone Euro aux environs de 1,5%/2% est le mieux que l’on puisse espérer, 2 éléments qui militent pour une modération de la politique ultra agressive actuelle. 2 autres facteurs sont à prendre en compte dans le raisonnement : le premier, difficilement quantifiable mais structurel, est de trouver le juste équilibre entre tous les pays de la zone pour fixer la politique monétaire, alors que certains pays auraient besoin de taux plus élevés déjà. Le second, beaucoup plus important, est l’effet à moyen terme dévastateur sur les assureurs et le système bancaire des taux négatifs et de la non rémunération du risque (tant en maturité qu’en qualité de signature), sans parler de l’impossibilité de gérer – sur le long terme- des systèmes de retraite dans un tel environnement financier.

Enfin, la banque du Japon, dont on sent qu’elle ne sait plus vraiment quoi faire : la dernière réunion a été un fiasco, les décisions prises ressemblent à du bricolage, et le sort de M. Kuroda a l’air d’être réglé : il ne fera pas  de second mandat !

Bref, peut-être sommes nous dans ces moments rares et très particuliers de changements de cycles : c’est souvent compliqué sur les marchés, et toujours volatile, parce que les anticipations changent. Cela risque d’être particulièrement « sportif » cette fois ci, tellement les prix des actifs (obligataires en particulier) sont tendus à l’extrême.

Stabilité sur 3 semaines, mais brusque tension depuis quelques jours sur les taux longs : l’OAT, après avoir touché un plus bas de 0,15%, remonte à 0,32% aujourd’hui. Peccadille me direz-vous ? Eh bien, cela signifie qu’en 5 jours, la perte en capital a effacé l’intégralité du rendement attendu pour 10 ans !!

Nouvelle poussée du pétrole qui gagne dorénavant près de 40% depuis le début de l’année, dans la foulée de la réunion de l’OPEP qui a décidé, un peu à la surprise générale, de baisser ses quotas de production. Néanmoins, nous sommes maintenant habitués à ce que les promesses de l’OPEP (qui en outre représente moins de la moitié de la production mondiale) soient peu suivies d’effets et, en outre, il reste une production excédentaire sur le marché, qui devrait se résorber au cours de l’année 2017, sauf si les producteurs américains retrouvent des cours leur permettant d’amortir leurs coûts d’exploitation.

Pierre Rollin

Allocataire d'actifs

8 ans

Limpide. Comme d'habitude.

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