Ukraine: les Européens se projettent déjà dans l’après-guerre



ANALYSE -

Ils avancent main dans la main, en parallèle. Alors que se profile la contre-offensive ukrainienne, les forces occidentales renforcent leur aide au gouvernement de Kiev. C’est aussi le cas de la France, qui devrait, dans les trois prochaines semaines, fournir de nouvelles armes et des munitions supplémentaires aux forces armées ukrainiennes. Cette initiative a été au cœur de l’entretien téléphonique d’une heure et demie qu’ont eu dimanche 30 avril Emmanuel Macron et Volodymyr Zelensky. «Les Ukrainiens ont désormais la preuve que la France croit dans leurs capacités militaires à reconquérir les territoires occupés par la Russie», commente une source diplomatique ukrainienne.

Au fur et à mesure que la guerre s’est installée dans la durée, accompagnée par les crimes de guerre de l’armée russe et la radicalisation de Vladimir Poutine, mais aussi par la résistance héroïque des combattants ukrainiens et de leurs dirigeants, le discours français se débarrasse de ses ambiguïtés. Au début de la guerre, Emmanuel Macron parlait régulièrement à Vladimir Poutine. Volodymyr Zelensky est aujourd’hui devenu son unique interlocuteur. Et les conditions d’une éventuelle solution de paix, de même que leur moment, affirme-t-on à Paris, seront décidées à Kiev et nulle part ailleurs.

Alors que se profilent à l’horizon de grands rendez-vous internationaux - le G7, le prochain Conseil européen, la deuxième réunion de la CPE, la Communauté politique européenne, ou le sommet de l’Otan à Vilnius - un moment de cristallisation où sera évoqué le sort de l’Ukraine et son avenir européen, la position des Occidentaux fait désormais l’objet d’un quasi-consensus. Tout faire pour que les Ukrainiens gagnent la guerre. C’est-à-dire fournir une aide militaire massive à l’Ukraine. La question des bombardiers pourrait bientôt être à nouveau sur la table.

Dans l’optique de ces nombreux rendez-vous internationaux, afin de les préparer au mieux, certaines capitales réfléchissent déjà à l’après-guerre. C’est là que le consensus européen n’est plus aussi solide, car la définition de ce que pourrait être la paix en Ukraine n’est pas exactement la même selon que l’on se situe aux frontières de la Russie ou au centre et au sud de l’Europe. Paris considère que le conflit se terminera autour d’une table de négociations, peut-être même avec Vladimir Poutine, et qu’il faut tout faire pour que les Ukrainiens soient en position de force pour aborder cette nouvelle étape à des conditions qui leur soient acceptables. La France pense qu’il faut tout faire pour accélérer la sortie de crise, c’est-à-dire créer un rapport de force suffisamment favorable aux Ukrainiens pour qu’il incite les Russes à négocier. On imagine dans ce cadre un accord plus solide et robuste que celui de Minsk, avec des garanties de sécurité pour l’Ukraine assez solides pour que les Russes soient dissuadés de lancer une nouvelle offensive.

Mais à Varsovie, à Vilnius ou à Kiev, on considère que la victoire de l’Ukraine, comme la défaite de la Russie et donc celle de Vladimir Poutine, doivent être totales si on veut que la paix revienne durablement dans la région. Elle doit ramener en Ukraine les frontières de 1991, qui avaient été reconnues par la communauté internationale et par la Russie elle-même. Elle doit aussi, pour donner toutes ses chances au retour de la stabilité en Europe, pousser au départ de Vladimir Poutine.

La question de la Crimée est la plus sensible. «Les États-Unis et les grandes capitales européennes nous laisseront-ils reprendre la Crimée?», résume la source diplomatique. La péninsule est le nerf de la guerre. Au niveau politique, stratégique et économique. Elle figure toujours dans les objectifs des Ukrainiens. Mais à Paris, même si on rappelle que la Crimée est ukrainienne et qu’il faut faire respecter le droit international dans la région, on doute des capacités militaires de l’Ukraine à reprendre la péninsule, fortifiée et transformée en camp retranché par les Russes. On craint aussi que Vladimir Poutine franchisse une étape supplémentaire dans sa guerre pour la défendre. Les Européens de l’Est sont plus confiants. Quant aux dirigeants Ukrainiens, depuis plusieurs jours ils affirment qu’ils pourraient récupérer la Crimée par «des moyens non militaires». Par des négociations de paix? Ou en étranglant la Crimée suffisamment fort pour en faire fuir les militaires russes? Quand une guerre commence, il est difficile de savoir à l’avance quand et où elle se terminera.


Vincent ARBARETIER

PhD - Consultant - Geopolitical and Military Expert

1 ans

Un peu vite en besogne ?

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