Un besoin de sens.
La marque citoyenne
On aborde les marques le plus souvent en pensant aux entreprises et à leurs dimensions commerciales. Or les marques représentent bien plus que des produits ou des services. Elles représentent des organisations constituées d’êtres humains avec des idées, des valeurs, des émotions et une compréhension du monde dans lequel nous vivons. C’est une tautologie me direz-vous. Tout le monde sait ça.
Or, dans les moments de crise, comme nous le vivons présentement, cette réalité prend un sens tout à fait saisissant.
«What the world needs now… is love, sweet love. It's the only thing that there's just too little of… » chantait Dionne Warwick en 1966.
C’est un peu la chanson reprise en chœur par les marques que nous entendons en ce moment. C’est rassurant bien sûr, mais où étaient ces voix humanistes avant la crise. Cachées sans doute quelque part dans un énoncé de valeurs qui complète le duo mission, vision des organisations. Rarement dans ces énoncés voyons-nous les mots bienveillance et solidarité. C’est aujourd’hui tout le concept d’éthique qui nous interpelle brutalement.
Pourtant, nous le savions.
En 1963, Bob Dylan entonnait «The answer, my friend, is blowin' in the wind». Un hymne qui devait porter toute la jeunesse des années 60. Tout comme les auteurs des lumières ont influencé les révolutions républicaines au tournant du 18e siècle ; tout comme Aristote et le concept de la dialectique ont donné naissance à l’idée de démocratie ; tout comme Greta Thunberg a soulevé la jeunesse durant la dernière année. Ce sont les idées qui mènent le monde et c’est le monde qui mène les marques. Jamais le contraire.
Les événements, les connaissances scientifiques et les technologies influencent la pensée. Les inégalités, les écarts abyssaux de richesse, misent en lumière par la crise financière de 2008 ont donnés lieu à des prises de conscience importantes. Que dire de l’apport des scientifiques sur la réalité des changements climatiques et de la révolution numérique.
On ne peut plus rien cacher. On ne peut plus se cacher non plus.
Le mouvement est en marche
Quand, au début du 20esiècle, les pères de l’écologie élaboraient leur théorie, ils étaient loin de se douter des retombées de leur hypothèse plus d’un siècle plus tard. Aujourd’hui, tout le monde conçoit des écosystèmes. Il existe un modèle écologique du développement humain élaboré par le psychologue américain Urie Bronfenbrenner au tournant des années 70. On comprend que tout est lié.
On cite beaucoup ces temps-ci le clairvoyant Club de Rome et le rapport Meadows qui recommandait dès 1972 de changer notre rapport à l’idée de croissance. L’embryon du développement durable était né. On pourrait aussi associer le mouvement BCorp et son slogan « Using business as a force for Good » à cet élan de prise de conscience, à un certain « capitalisme conscient ».
Quand Mark Carney, gouverneur de la Banque d’Angleterre, prononce des discours sur l’impact des changements climatiques et sur les risques associés aux écarts de richesse pour l’économie mondiale ; quand le grand quotidien britannique The Guardian s’engage à dénoncer haut et fort les aberrations environnementales sans égard aux conséquences sur ses revenus publicitaires, c’est le signe que les astres s’alignent. Quand le bien commun (Shared Value), tel que prôné entre autres par le modèle de création de valeur partagée de Michael Porter, s’invite dans les conversations cela témoigne d’un changement de paradigme.
Autant de signes qui illustrent que le monde a pris le virage. Trop lentement peut-être, mais le mouvement est bel et bien amorcé. Cette crise devrait en être l’accélérateur.
Espoir
Tout cela pour dire que les marques et les organisations qui auront réussi à traverser le désert (et dieu sait que beaucoup succomberont) auront su, je l’espère, apprendre et se projeter dans l’avenir en proposant un projet durable, un projet riche de sens et exaltant autant pour leurs clients, leurs supporters que pour leurs collaborateurs, employés et toute la société. Un projet qui crée de la valeur pour tous, c’est l’essence de la marque citoyenne.
Dans le concert des messages d’urgence, de solidarité et de guides pratiques pour survivre que nous lisons par les temps qui courent, trois billets ont retenu mon attention.
Le premier, auquel j’ai fait référence plus haut, est celui d’Arnaud Montpetit, fondateur de Poudre Noire, sur la pensée d’Aristote, sur l’équilibre entre la logique et la dialectique, sur l’importance d’imaginer le futur et d’échafauder des hypothèses malgré que toutes les données ne soient disponibles. C’est le fondement de la science et de l’innovation.
Le deuxième est celui de Dominic Gagnon, fondateur de Connect&Go, qui publie des billets d’une grande pertinence depuis le déclenchement de cette crise et qui fait un appel à l’espoir et à l’imagination.
Le troisième est de mon amie Lucie Bourgeois, fondatrice d’Umalia, firme spécialisée en impact sociétal, qui nous rappelle que pour vaincre l’adversité, la quête de sens est essentielle.
Trois entrepreneurs qui nourrissent la pertinence de leur organisation à même la réflexion philosophique, la curiosité et la connaissance ; trois ingrédients indispensables à la perspicacité.
Je suis de ceux qui croient que sans philosophie nous sommes voués à l’insignifiance et je salue ces entrepreneurs inspirants qui partagent leurs réflexions avec sensibilité durant cette épreuve que nous devons affronter tous ensemble aujourd’hui.
S’interroger, être connecté sur son temps, connaître l’histoire, faire preuve d’empathie, se mettre à la place des autres, sont des conditions pour inventer le futur. Car, ne l’oublions pas, la condition existentielle des marques est la pertinence.
#arnaudmontpetit #dominicgagnon #luciebourgeois #brandbourg
President at Umalia - B Corp Certified, Sustainability, ESG, Social Impact, Partnerships, Strategy, Governance
4 ansPierre, un très bel article où je reconnais la profondeur de ta pensée. J'ai particulièrement aimé "On ne peut plus rien cacher. On ne peut plus se cacher non plus." - On remarque, en fait, une plus grande transparence et un plus grand humanisme depuis la crise, ce qui pousse les gens à l'authenticité. Ça fait du bien à voir et le sens est au coeur de cela, de moins en moins vu comme 'séparé du coeur de l'entreprise' mais bien comme le coeur même et l'âme. Merci d'avoir écrit pour tous et merci pour ta reconnaissance de notre travail.
Digital marketing expert | Media performance | Brand and content lover | Cross-functional team leadership
4 ansExcellent billet Pierre. En lien avec ton propos, je te recommande la lecture de 21 lessons for the 21st century de Yuval Noah Harari. J'ai plongé dedans ce mois-ci, et malgré que ses écrits datent d'avant la crise, il est surprenant de réaliser à quel point ses lessons sont d'actualité. Cultiver l'intérêt pour les changements technologiques et écologiques en cours, la quête de sens, et avant tout la nécessité de repenser le monde tel qu'il est pour mieux se préparer aux prochains défis de notre ère. Et comme l'a si bien dit Arnaud Montpetit, MSc, il faut "arriver à penser à des futurs alternatifs et à des façons plus créatives d’y parvenir."
Associé & VP Stratégie | Enseignant
4 ans« sans philosophie, nous sommes voués à l’insignifiance ». Excellent papier, et merci beaucoup pour cette belle reconnaissance Pierre!